Ce sera une victoire à l’arraché lundi soir prochain et, assurément, un gouvernement minoritaire. À trois jours des élections, les libéraux menaient toujours dans les intentions de vote, mais cette avance reste plutôt mince et Jean Charest n’a pas la garantie qu’il aura, lundi soir, beaucoup plus de sièges qu’André Boisclair.
À l’issue de sa dernière enquête de la campagne électorale, la photo prise par la maison CROP montre une course très serrée entre les trois principaux partis.
Selon le coup de sonde réalisé pour La Presse, les libéraux obtiendront lundi 34 % des suffrages, contre 28 % au Parti québécois et 25 % à l’Action démocratique, une fois répartis les 12 % d’indécis selon l’intention de vote référendaire. Québec solidaire récolterait 5 % et le Parti vert 8 %.
Menée auprès de 1053 personnes, du 15 au 22 mars, l’enquête, précise à trois points près, révèle aussi que le budget fédéral, un élément important du plan de match électoral, n’a guère eu d’impact sur l’électorat.
De tels résultats invitent à beaucoup de prudence quand sonne l’heure des prédictions, explique Claude Gauthier, vice-président de CROP.
« On peut dire de façon certaine que l’ADQ ne gagnera pas. Un gouvernement libéral, minoritaire, est le scénario le plus probable. Mais une victoire péquiste reste possible, surtout quand on voit que les libéraux sont troisièmes auprès des électeurs francophones», dit-il.
L’expert voit surtout que les deux grands partis « ont perdu des plumes » – les libéraux étaient à 46 % et le PQ à 33 % aux élections de 2003. En comptant l’ADQ, les tiers partis obtenaient alors 21 % des suffrages; ils ont presque doublé, depuis, avec 38 % des appuis.
Les intentions de vote ne se transposent pas directement dans les circonscriptions – dans les habituelles courses PLQ-PQ, on admet généralement que le PLQ a besoin d’une demi-douzaine de points d’avance pour compenser la concentration de son électorat dans les circonscriptions plus anglophones. Mais la course à trois suscitée par la montée de l’ADQ brouille les cartes, explique Claire Durand. Légèrement différente, la répartition des indécis faite par la spécialiste de l’Université de Montréal donnerait 35 % au PLQ, 28 % au PQ et 26 % à l’ADQ.
Quelques constats ne sont pas de bonnes nouvelles pour Jean Charest. L’insatisfaction à l’endroit du gouvernement a continué d’augmenter : on est passé de 53 % à 60 % de mécontents entre le sondage du 20 février, lors du déclenchement des élections, et celui terminé le 22 mars.
Le PLQ troisième chez les francophones
Chez les francophones, le PLQ arrive troisième, avec 26 %, par rapport à 28 % à l’ADQ et 32 % au PQ quand on répartit les indécis selon la formule de CROP. Par région, il n’y a guère de mouvements significatifs ; l’ADQ gagne trois points dans l’île de Montréal, où elle reste en troisième place ; mais elle en perd autant dans la couronne Nord et sur la Rive-Sud, où elle obtient 24 % et où l’avance du PQ paraît plus nettement, à 37 % des intentions de vote – les libéraux y obtiennent 28 %.
Si on compare les intentions de vote globales à ce qui était observé au déclenchement des élections, le 21 février, on ne voit guère de changements chez les libéraux ou les péquistes. Entre le 20 février et le 22 mars, le PLQ a descendu d’un point et le PQ de quatre. En revanche, l’ADQ a monté de sept points.
Plafonnement de l’ADQ
Certains indices montrent que l’ADQ a plafonné la semaine dernière. En réponse à la question sur celui qui ferait le meilleur premier ministre, Mario Dumont a baissé de sept points, passant de 29 % à 22 % entre le 1er mars et aujourd’hui.
Durant la même période, Jean Charest, toujours perçu comme le plus apte à gouverner, a monté de deux points, à 33 %, et André Boisclair a grimpé de trois points, à égalité avec Mario Dumont (à 22 %). Depuis le début le la campagne, Mario Dumont avait toujours devancé André Boisclair comme « premier-ministrable ».
Plus que les précédentes, la campagne a attiré l’attention : 58 % des gens s’y sont intéressés, comparativement à 47 %, à quelques jours du vote, en 2003. La volonté de changement de gouvernement reste forte : 58 % voudraient en changer, alors que 35 % souhaitent « continuer », soit presque exactement le score du PLQ au chapitre des intentions de vote.
Très majoritairement, les Québécois prévoient toujours que le PLQ va l’emporter, mais ce verdict est un peu moins répandu qu’il y a deux semaines. Début mars, 69 % des gens voyaient les libéraux l’emporter ; c’est le cas de seulement 58 % aujourd’hui.
Trois Québécois sur quatre (74 %) pensent que le gouvernement sera minoritaire, et presque autant (72 %) n’y voient pas de source d’inquiétude.
CROP a aussi scindé son échantillon pour vérifier l’impact du budget fédéral, élément important de la stratégie électorale libérale. On est partout à l’intérieur des marges d’erreur, mais quand on compare les semaines avant et après le budget Flaherty, on observe une montée de deux points du PQ et une chute identique pour les libéraux.
L’ADQ, elle, est descendue de quatre points durant cette semaine, qui coïncidait surtout avec la publication de son cadre financier. « Le budget devait être un tremplin, c’est un coup d’épée dans l’eau. Il est arrivé bien tard, au moment où l’opinion était déjà cristallisée », souligne M. Gauthier.
C’est le débat télévisé qui aurait pu être le tournant, comme lors des précédentes campagnes. Or, à la différence de l’affrontement de 2003, Jean Charest n’a pas été vu comme le vainqueur de cet échange, analyse Claude Gauthier. C’est plutôt Mario Dumont qui a été le plus convaincant, un constat confirmé par le sondage d’hier.
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