L'idéologie canadienne

C’est radical

L’élection massive d’une représentation bloquiste et d’un gouvernement péquiste majoritaire du Parti Québécois serait le scénario idéal pour le Québec.

Chronique d'André Savard

On oppose le radicalisme des indépendantistes au régime canadien qui serait pondéré. C’est une fiction de l’esprit. Le mouvement unitariste canadien fut d’emblée un mouvement radical qui excluait comme des éléments hérétiques la notion même de l’existence de la nation québécoise ou l’imposition de la langue française à titre de seule langue officielle. À part l’épisode Mulroney, les partis unitaristes canadiens ont carrément voulu, sur la question du Québec, concentrer la volonté de leurs militants en une volonté monolithique.
Sur la question du Québec, pas de délibérations de la part des militants des partis unitaristes canadiens. Leur volonté est précisément la volonté bureaucratique de leurs dirigeants. On nous demande en tant qu’électeurs de faire défection au Bloc et de nous ranger derrière leurs programmes muets sur le Québec, comme si on n’était qu’un peuple de fonctionnaires attendant les instructions.
On ne discute pas la volonté des partis unitaristes. Par contre, ces derniers se défilent sans arrêt en abordant la question de la volonté du Québec. Cette volonté serait décomposable en couches de populations et elle pourrait changer au gré du temps pour rejoindre celle de l’ensemble du Canada qui est l’unique autorité. On ne peut pas concevoir plus radicaux que les partis unitaristes canadiens.
On continue chez ces trois partis à voir le Québec comme une multiplicité de volontés individuelles aspirées par les partis unitaristes ou qui s’auto-exclut du pouvoir : pas de choix. Ce n’est pas les Québécois dans cette optique qui choisissent les fondements du régime institutionnel et les fondements rationnels du régime auquel ils décident d’appartenir. Les trois grands partis canadiens adhèrent à cette version des faits. Les trois partis unitaristes, à l’égard du Québec, disparaissent derrière un calcul rationnel qui vise à n’envisager la volonté du Québec que comme des niveaux de volonté différents.
L’élection massive d’une représentation bloquiste et d’un gouvernement péquiste majoritaire du Parti Québécois serait le scénario idéal pour le Québec. Il faut absolument que le gouvernement national des Québécois se reconnaisse un pouvoir d’initiative et que le Québec sorte de ce fatalisme désespérant.
On a vu sur plusieurs tribunes, entre autres les radios poubelle à Québec ou les pages éditoriales du journal La Presse à Montréal, déployer un véritable armada contre le Bloc Québécois. Essentiellement les activistes canadiens réunis sur ce genre de tribune disent que les Québécois doivent voter pour les partis unitaristes car leur organisation permettra aux Québécois d’instruire leur pensée politique à la lumière d’une vraie conscience patriotique canadienne. Autrement dit, à travers les partis unitaristes, des volontés individuelles et subjectives, celles des Québécois adhérant à ces organisations pancanadiennes, deviendront une sorte de volonté collective compatible avec les prétentions officielles du régime. On pousse l’outrecuidance jusqu’à stipuler que ces conditions étroites sont le prix à payer pour que les Québécois ne restent pas écartés du pouvoir canadien.
Les partis unitaristes cherchent juste à dire que la multiplicité des volontés individuelles de leurs militants québécois se transforme en volonté collective du Québec au sein des instances canadiennes, les seules habilitées à décider. Et une nouvelle fois cette semaine, une semaine après des années de répètes, on nous dit le souverainisme nous écarte du pouvoir et que les Québécois existent que dans la mesure où les partis unitaristes existent fortement au Québec. En résumé, les partis unitaristes sont la véritable conscience de la nation québécoise et les intérêts du pays tout entier permettra d’évaluer à leur juste valeur les différents niveaux de la volonté québécoise.
Les trois chefs des partis unitaristes ont voulu hiérarchiser cette volonté, disant par exemple que les Québécois ne se souciaient pas de Constitution. Le débat des chefs a donné lieu à des répliques qui sont insensées. On ne peut par exemple comme l’a fait Michael Ignatieff dire que l’acte d’annexion du Québec cesse d’être problématique parce qu’elle a lieu il y a belle lurette. La Constitution s’applique indépendamment du temps passé.
Pourquoi Michael Ignatieff a dit cela? Parce que c’est une expérience de communication et que l’on espère juste que les Québécois mordent à l’hameçon. Les Québécois se font dire que pour avancer et continuer à récolter les faveurs du régime, ils doivent se laisser préoccuper par une idée transcendante qui est celle de favoriser le pays tout entier.
Jack Layton va à Terre-Neuve appuyer le projet de contournement du territoire québécois. Stephen Harper oppose artificiellement la raison économique à la question nationale du Québec. Les trois chefs des partis unitaristes nous rappellent que le Québec est annexé à un pays évolutif et que, les yeux fermés, on doit se placer sous l’égide du “pays”. C’est à eux de voir comment les niveaux de volonté s’articulent avec l’évolution du “pays”.
***
Encore une élection où on nous offre que du trompe-l’œil commode pour figurer dans de la propagande unitariste. Pour faire diversion sur le vide des propositions faites au Québec, on accuse le Bloc de rassembler des braillards. Le Bloc particulariserait trop ses revendications et il faudrait au Québec des représentants qui cherchent la panacée universelle avec “tous les Canadiens”. Ainsi on échapperait à notre logique de minoritaire.
On a l’impression que les raisonnements font suffoquer la raison et qu’il s’agit d’une intoxication formaliste. Opposer la raison économique à la question nationale ou expliquer le vide des propositions faites au Québec par un trop petit nombre de représentants des partis unitaristes issus du Québec aux Communes relève de l’arbitraire.
Les militants des partis unitaristes ne travaillent pas à faire des propositions constitutionnelles pour le Québec. Ils utilisent leur énergie à répéter que des propositions particulière à la nation québécoise vont à l’encontre des fondements du “pays”. Ils ne se reconnaissent pas d’autres responsabilités parce que leur parti d’appartenance leur dit “le pays en premier”.
Michael Ignatieff a même esquivé l’expression “nation québécoise”, parlant plutôt du “souci des communautés”. On a l’impression de se retrouver face à des élèves qui savent comment ne pas transgresser les règles d’une école de pensée unique, chaque parti unitariste parlant de poursuivre en douce des réformes constitutionnelles tout en étouffant en silence toute revendication trop particulière au Québec. Une “heure du Québec” viendrait désamorcer les réformes nous disent les partis unitaristes avant de chanter l’éloge du “fédéralisme” sur tous les tons.
Ultimement que visent les partis unitaristes au Québec? Remplacer toute stratégie émergente au Québec qui vise à affirmer la volonté du Québec du point de vue du pouvoir d’Etat québécois. Se montrer comme la seule solution représentative des volontés changeantes et hétérogènes partout au pays et transporter la volonté du Québec dans leurs enclaves, c'est cela le noeud de l'idéologie canadienne. C’est radical.
André Savard


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 avril 2011

    Monsieur Savard
    Qu'attendent les Québécois pour en finir une fois pour toute avec le Canada et se prendre en main? Fin à la dépendance et à la servitude! Fin à la confusion identitaire et à notre ambivalence collective! Fin à tous les dédoublements de service! Fin au système de votation en double! Fin au bilinguisme! Fin aux symboles en double (drapeaux)! Fin à notre aliénation et à notre schizophrénie collective et j'en passe etc... Quand allons-nous prendre conscience qu'il y a un gouvernement de trop? VIVE LE QUÉBEC INDÉPENDANT, LIBRE ET RÉPUBLICAIN !!!
    André Gignac le 21/4/11

  • Marcel Haché Répondre

    18 avril 2011

    Malgré que Churchill dit un jour : « je n’ai pas été élu pour dissoudre l’Empire ». l’Empire britannique fut bel et bien dissout quand même dans la réalité.
    Il en est de même pour les chefs des partis pancanadiens.
    Et c’est la raison pour laquelle—MAINTENANT que le P.Q. est sorti de sa spirale descendante post référendaire—qu’il suffirait d’un P.Q. au pouvoir, avec le Bloc en appui à Ottawa, pour que les partis pancanadiens, le Parlement et le Gouvernement canadien envisage très sérieusement la simple réalité : la fin du fédéralisme canadien tel que longtemps pratiqué ne serait pas la fin du Canada, pas plus que l’ultime sécession du Québec ne signifierait qu’on se mette à couper les tracks aux nouvelles frontières. Le réalisme commencerait à s’imposer avec l’élection du P.Q. au gouvernement, attendu que le P.L.Q. actuel est devenu une incongruité, c’est-à-dire un gros Parti Égalité.
    Ce n’est donc pas le 93% d’appui à Pauline Marois qui est important, c’est que, pour la toute première fois—cela n’est jamais arrivé-- les partisans du pays Québec sont en initiative. Dans ces circonstances, le Canada va chercher désespérément à se donner un gouvernement majoritaire le plus tôt possible. Et il serait surprenant qu’il n’y parvienne pas.
    La prochaine élection provinciale pourrait bien être décisive.
    Les conditions favorables à l’indépendance n’ont jamais été aussi grandes. Les supposés looooosers pourraient bien GAGNER à la fin.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 avril 2011

    Trudeau nous a imposé une constitution(impossible à amender) qui proclame la suprématie de dieu et de la reine d'angleterre sur le canada.
    Et,il y a plein de Québecois colonisés qui s'apprêtent à voter pour 3 partis fédéralistes qui se complaisent dans ce contexte.
    Marde.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 avril 2011

    Lorsque Trudeau à rapatrié la Constitution malgré l'opposition unanime des partis politiques de l'Assemblée Nationale, il a posé un geste extrêmement radical. De plus, lorsque ce même Trudeau a fait en sorte que "sa" Constitution amendée ne puisse être modifiée sans l'accord unanime des 10 provinces, non seulement a-t-il encore posé un geste extrêmement radical mais en plus illogique: en effet, il permet le rapatriement avec seulement 9 voix sur 10 mais pour la modifier, il faut 10 sur 10: quel geste dictatorial. Par son radicalisme Trudeau, et les partis unitaristes qui appliquent ses idées encore de nos jours, répandent la terreur et suscitent la violence comme le font les dictateurs mais en plus hypocrites.