Québec pige dans les surplus accumulés pour se payer un généreux budget à la veille des élections générales, mais le futur gouvernement devra se serrer la ceinture dès l’an prochain.
« Qu’est-ce que vous voulez dire par électoraliste ? Par définition, il y aura une élection dans six mois. Ce qu’on fait, c’est d’établir un rythme de croissance des dépenses qui est cohérent avec le rythme de croissance des revenus », a lancé le ministre des Finances Carlos Leitao en conférence de presse en marge du dépôt de son budget.
« On dépense l’argent qu’on a », a ajouté le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand.
Pour son dernier exercice financier avant le scrutin d’octobre, M. Leitao prévoit un généreux 4,6 milliards $ de nouvelles dépenses, une hausse plus importante que l’augmentation des revenus de l’État.
En vrac : Québec présente une aide de 750 $ pour les premiers acheteurs. Il prévoit 250 millions $ pour aider les chauffeurs de taxi à se remettre d’Uber. Il annonce son intention d’embaucher davantage d’infirmières, et le budget de l’éducation sera en hausse de 5 %, ce qui permettrait d’embaucher 4100 personnes. Le plan Leitao annonce également une importante diminution du fardeau fiscal des entreprises.
Une pluie de mesures
En transport, les grands projets ciblés étaient déjà connus : train électrique de la Caisse de dépôt, prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal, ainsi que le tramway à Québec. Le Plan québécois des infrastructures dépasse maintenant les 100 milliards $, une première historique. Les boomers qui souhaiteront repousser la retraite auront droit à un crédit d’impôt pour travailleurs d’expérience bonifié. C’est sans compter les mesures précédemment communiquées à l’automne : un chèque de 100 $ pour le matériel scolaire d’un enfant, un taux unique par région de la taxe scolaire ainsi qu’une baisse d’impôt maximale de 278 $.
Québec se félicite de la bonne tenue de l’économie. « C’est ce qui nous permet d’augmenter les dépenses », a affirmé le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand. Mais c’est plutôt grâce à la « réserve de stabilisation », dans laquelle une ponction de 1,6 milliard $ est effectuée, que Québec signe un budget à l’encre noire. La croissance des revenus n’arrive pas à compenser les dépenses galopantes.
Les fruits de l’austérité
Cette réserve a été créée dans les premières années du mandat libéral. L’austère budget 2015-2016 et sa croissance des dépenses de seulement 1,1 % ont permis de dégager un surplus de 2,2 milliards $. Les deux années suivantes ont permis d’ajouter un autre 3,15 milliards $ à cette cagnotte.
Cette générosité étatique cessera dès l’an prochain. Le gouvernement Couillard, s’il est réélu, freinera de nouveau les dépenses publiques à 2,8 %. Il devra, malgré ce coup de frein, piger un autre milliard $ dans la réserve de stabilisation.
C’est ce qui fait dire au critique péquiste Nicolas Marceau que ce budget est « un geste désespéré » qui pousse le Québec en situation de déficit, ce qui va le plonger dans un nouveau cycle d’austérité. Le chef caquiste François Legault indique de son côté qu’il s’agit du « stop-and-go » : on dépense moins en début de mandat, et on ouvre les vannes à l’arrivée des élections. Même son de cloche pour Manon Massé de Québec solidaire, qui surnomme la méthode « principe du yoyo ».
DES DÉPENSES PLUS IMPORTANTES QUE LES REVENUS
- Revenus : 109,6 G$
- Dépenses incluant le Fonds des générations : 111,1 G$
- Augmentation des dépenses des missions de 4.7%
- Augmentation des revenus de 2.2%
- Pour équilibrer le budget, Carlos Leitao pige 1,6 G$ dans la «réserve de stabilité».
- Diminution des dépenses après les élections
- L’an prochain, le budget prévoit une augmentation des dépenses de 2.8%
L’OPPOSITION RÉAGIT
« On passe d’austérité à bonbons, à austérité. » – Nicolas Marceau, porte-parole du PQ en matière de finances
« On se retrouve avec un budget où le grand oublié, c’est le portefeuille des familles [...] Philippe Couillard a préféré le portefeuille des médecins. » – François Legault, chef de la CAQ