Boisclair et Charest se déchirent sur la question référendaire

Le chef libéral continue de brandir une punition fiscale d'Ottawa

Après un OUI



Laval -- Dès le déclenchement d'une campagne référendaire, le gouvernement fédéral réduira voire annulera le règlement du déséquilibre fiscal prévu le 19 mars, a déclaré le chef libéral hier. M. Charest a ainsi précisé ses déclarations de dimanche, empreintes d'ambiguïté, sur les «risques» de la souveraineté.
Il a toutefois maintenu que le processus référendaire mettrait en péril le versement des transferts fédéraux au Québec. Cela a conduit les chefs souverainistes André Boisclair et Gilles Duceppe à réitérer leurs accusations de «chantage» à l'endroit du premier ministre et de son «complice», Stephen Harper.
En matinée, à Laval, Jean Charest avait d'abord tenté de renvoyer toute question sur les transferts fédéraux à André Boisclair. À ses yeux, le chef péquiste devait expliquer comment il pouvait, dans sa plateforme électorale, «garantir les transferts fédéraux». Il l'avait aussi accusé d'entretenir l'ambiguïté dénonçant à maintes reprises l'évolution du vocabulaire péquiste, dans lequel le mot référendum a été remplacé par le vocable «consultation populaire».
Pressé de question sur ce qu'il pensait, lui, des lendemains d'une élection d'un gouvernement péquiste, M. Charest a finalement laissé tomber: «Les choses continuent comme la veille [...] et ce que le gouvernement fédéral aura mis dans son budget -- que ce soit en terme de péréquation -- n'existera plus, ne sera plus là, le jour où le Parti québécois fait un référendum et cherche à créer l'indépendance. Il faut être clair là-dessus, il faut le dire.»
D'Ottawa à Baie-Comeau
À Ottawa, le premier ministre conservateur Stephen Harper a dit refuser de s'impliquer dans l'élection québécoise. Son ministre des Finances, Jim Flaherty, s'est montré un peu plus loquace en rappelant qu'il ne préparait «qu'un seul budget», valide peu importe le parti qui prendra le pouvoir au Québec le 26 mars.
De Baie-Comeau où il faisait campagne hier, André Boisclair a tout de même accusé M. Harper et le chef libéral Jean Charest de maintenir intentionnellement, chacun de son côté, une certaine ambiguïté autour de la question des transferts fédéraux versés au Québec, en cas de référendum favorable à la souveraineté. M. Boisclair a dit percevoir, dans les silences du premier ministre canadien, une forme subtile «d'ingérence». Il croit plutôt à une «transition ordonnée et responsable» du statut de province à celui d'État indépendant en cas de oui référendaire.
«Nous allons continuer de payer la TPS, les contribuables québécois vont continuer de payer de l'impôt au gouvernement fédéral. Les entreprises vont payer de l'impôt sur leur masse salariale au gouvernement fédéral et, en contrepartie, le gouvernement fédéral va continuer de nous payer ses transferts. Ce n'est ni dans l'intérêt du Québec souverain ni dans l'intérêt du Canada de faire en sorte de créer le chaos sur ces questions», a soutenu M. Boisclair.
Plus tôt, au sortir de la période de questions à Ottawa, le chef bloquiste Gilles Duceppe s'était dit inquiet du «chantage» du chef du PLQ. «Imaginez qu'un leader souverainiste aurait dit, le lendemain d'un oui au référendum, "on cesse de payer des impôts puis des taxes à Ottawa..." ça aurait fait scandale [...]. Or eux font exactement la même chose, ils laissent planer [cette possibilité]. Je pense que Jean Charest se comporte actuellement comme il se comportait comme vice-président du comité du nom en 1995, et ça, c'est inquiétant.»
L'esprit du renvoi
Selon le constitutionnaliste Henri Brun, le gouvernement fédéral violerait l'esprit du renvoi de la Cour suprême sur la sécession du Québec de 1998 en cessant de verser des transferts au Québec au lendemain d'un référendum où le Oui l'emporterait. Le tribunal a statué que le gouvernement fédéral avait une obligation de négocier «de bonne foi» avec le Québec si le Oui recueillait une «majorité claire» à une «question claire» sur la sécession. Les juges ont cependant ajouté que ces négociations seraient d'ordre politique.
Questionné hier au sujet de ce renvoi, Jean Charest a refusé de répondre, se contentant de dire: «M. Boisclair écrit dans son programme qu'il va garantir les fonds [...]. Qu'il nous explique comment il va faire ça.»
M. Brun, qui a conseillé dans le passé plusieurs gouvernements péquistes, s'est dit étonné des déclarations de M. Charest. «C'est un peu inconcevable», estime-t-il. «Cette idée de rétorsion est incompatible avec la bonne foi.» En coupant les vivres au gouvernement québécois, Ottawa «aiderait le Québec à procéder unilatéralement en bout de ligne» pour proclamer son indépendance. «Le fédéral se placerait dans une mauvaise position vis-à-vis de la communauté internationale» qui, en définitive, doit reconnaître le nouveau pays en vertu du droit international. «Au fédéral, on en est bien conscients.»
Qui plus est, Ottawa serait sans doute mal avisé de ne plus verser de péréquation à une province qui fait toujours partie du Canada en dépit du résultat du référendum. Le principe de la péréquation est inscrit dans la Constitution de 1982. «Ça implique une égalité de traitement entre les provinces», a-t-il souligné. Cesser de verser de la péréquation à une ou l'autre des provinces de façon arbitraire serait sans doute inconstitutionnel, doit-on conclure.
Boisclair optimiste
Au reste, le chef péquiste estime que les déclarations de M. Charest infléchiront les tendances révélées par le sondage Léger-Marketing-Le Devoir d'hier. Selon lui, les propos de M. Charest auront un impact sur les sondages «de façon très claire». «M. Charest demeure flou, ambigu. Il s'est fait lui-même piéger à sa propre stratégie. Il croyait que c'était une bonne chose de faire intervenir le gouvernement fédéral pendant sa campagne», a dénoncé M. Boisclair.
Pour le chef du PQ, le sondage n'a «rien d'inquiétant»: «Nous sommes très confortables dans la position dans laquelle nous sommes en ce moment. Quand je vois le début de campagne mené par les militants du Parti québécois, par nos candidats, je suis rempli de confiance», a-t-il déclaré. Il considère que le climat politique est plus favorable au PQ en 2007 qu'il ne l'était lors de la dernière campagne, en 2003.
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Avec la collaboration d'Hélène Buzzetti et la Presse canadienne


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