Bilinguisme: Québec «étonné» par la décision du Barreau

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Le Barreau de Montréal a volontairement caché un rapport qui préconisait de ne pas faire un recours pour invalider les lois québécoises

La ministre québécoise de la Justice s’est dite surprise mardi des propositions acheminées la veille par le Barreau du Québec. Selon Stéphanie Vallée, les ressources supplémentaires en traduction exigées par le Barreau ont dans les faits déjà été embauchées.


« Ce qui était prévu dans la lettre est déjà en vigueur et était en vigueur au moment où le Barreau est intervenu », a mentionné Stéphanie Vallée mardi matin.


La lettre à laquelle elle fait référence est signée de sa main et a été acheminée aux bâtonniers du Barreau du Québec et du Barreau de Montréal en mars 2017. Suivant les recommandations d’un comité de travail sur la traduction des projets de loi en langue anglaise, Mme Vallée proposait alors quatre mesures pour répondre aux demandes exprimées.


Les deux principales concernaient l’embauche de deux juristes civilistes ayant une parfaite maîtrise de l’anglais, de même que l’embauche de traducteurs supplémentaires.


Lundi, le Barreau du Québec a indiqué son intention de suspendre un recours intenté à la mi-avril pour faire déclarer inconstitutionnel le processus d’adoption des lois à l’Assemblée nationale. La poursuite se justifiait par le non-respect allégué d’un article de la Loi constitutionnelle de 1867, qui demande que les lois soient adoptées simultanément en français et en anglais.


La volte-face du Barreau suivait la tenue d’une Assemblée générale extraordinaire (AGE) lors de laquelle une majorité de membres ont demandé au conseil d’administration de se désister du recours.


Conditions


Mais la proposition soumise lundi par le Barreau pour régler le dossier à l’amiable s’accompagne de l’exigence que soit « mise en oeuvre dans les meilleurs délais » les quatre mesures promises par Stéphanie Vallée en mars 2017. Le cabinet de la ministre comprend mal la démarche.


« La suspension proposée par le Barreau du Québec est étonnante, car les bâtonniers du Barreau du Québec et du Barreau de Montréal [codemandeur dans ce dossier] sont au fait qu’en 2017, l’Assemblée nationale a augmenté le nombre de traducteurs, et que le gouvernement a embauché des avocats réviseurs parfaitement bilingues », a soutenu mardi au Devoir Isabelle Marier St-Onge, attachée de presse de Mme Vallée.


Au Barreau du Québec, on s’est fait avare de commentaires dans la journée, dans « l’attente de rencontrer la ministre ». En coulisses, on rappelait qu’il y a eu en mars 2018 — juste avant le dépôt de la poursuite — une rencontre entre Québec et le Barreau pour tenter de régler le problème sans avoir à lancer le recours. Or, « il n’a été mention de rien » relativement aux embauches, soutient-on.


Deux des avocats qui s’étaient opposés publiquement à la démarche du Barreau se sont dits relativement satisfaits de la décision de celui-ci. « C’est un heureux dénouement, estime Mathieu Hébert. Les réactions sont positives aussi auprès des autres personnes impliquées dans notre groupe [qui avait signé une pétition]. »


Celui qui a proposé la résolution adoptée par les membres lors de l’AGE, François Côté, a « salué le désir du Barreau de régler cette affaire à l’amiable ». Dans une lettre ouverte, il souligne toutefois que les membres ont demandé un désistement du recours, pas une simple suspension.


Mais surtout, M. Côté se disait « choqué » d’avoir appris dans Le Devoir l’existence d’un avis juridique rédigé par Stéphane Beaulac — et dans lequel le constitutionnaliste prévenait le Barreau de Montréal qu’un recours pour faire invalider le processus d’adoption des lois lui semblait téméraire. « Il existe un « déficit de bilinguisme » dans le processus législatif à Québec, oui, mais il faut faire la part des choses : il n’est pas catastrophique, clairement », soutient M. Beaulac dans son avis rédigé en mars 2017.


François Côté estime que le manque de transparence du Barreau de Montréal par rapport à l’avis de M. Beaulac est « de nature à gravement compromettre le rapport de confiance du public et des avocats envers cette section de l’Ordre ».


> La suite sur Le Devoir.



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