Belges, Belges!

Depuis toujours il y a deux sortes de Belges et, en fait, deux Belgiques qui semblent se diriger formellement vers deux pays distincts.

Belgique - des leçons à tirer...


Quand le général de Gaulle a fort judicieusement décidé de s'adresser à son peuple en disant: "Français, Françaises", un humoriste du temps a dit que le roi des Belges devrait s'adresser au sien en disant: "Belges, Belges". Au delà de la blague, cette interpellation cachait peut-être un sens plus profond. Depuis toujours il y a deux sortes de Belges et, en fait, deux Belgiques qui semblent se diriger formellement vers deux pays distincts.

La Belgique est pourtant née en 1830, donc avant que Londres, sans l'aval démocratique de la nation québécoise, ne crée au Canada une fausse confédération. Sans gouvernement "confédéral", mais bien fédéral et aux tendances centralisatrices instinctives. Les Belges de l'époque n'ont pas fait semblant de créer une fédération, ou même une confédération. C'était alors un pays unitaire gouverné par son roi, et constitué essentiellement de deux groupes linguistiques et culturels: les Wallons francophones et les Flamands qui ont leur propre langue proche du néerlandais.

Ces peuples ont tenté, dès le début, de vivre une démocratie avancée dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle ressemblant à celle du Royaume-Uni. Ils ont cru, d'une manière optimiste, que deux groupes humains ayant déjà des caractéristiques de nations, pouvaient vivre harmonieusement dans un seul état sans précautions particulières pour préserver leur identité. Leurs dirigeants rêvaient d'unité et pensaient pouvoir la vivre.

Évidemment cet optimisme allait s'avérer contre nature. Dans une telle situation, l'un des deux groupes cherche toujours à dominer l'autre, souvent le regarde de haut, et bien entendu cherche à lui faire perdre sa langue et ses caractéristiques identitaires. C'est ce que les Wallons, pourtant en minorité, ont cherché à faire subir aux Flamands, et non sans un certain succès dans un premier temps.
Il faut dire que tout naturellement le Québec, à cause de la langue française qu'il partage avec la Wallonnie, a toujours eu de fortes affinités avec cette dernière. Nos classes politiques se sont connues et fréquentées. Une part non négligeable de notre élite intellectuelle a été formée en français à l'université de Louvain alors située à Leuwen en Flandres. Cette institution a dû déménager à Louvain-la-Neuve en Wallonie, en raison de différents linguistiques d'ailleurs beaucoup plus âpres que ceux que nous avons pu connaître ici.
Simultanément, nous avons aussi développé des liens intéressants avec les néerlandophones de Belgique parce que leur situation a longtemps ressemblé à la nôtre: dominés économiquement et linguistiquement. Ils se sont bien battus et, comme nous, ont largement retourné la situation. Notre amitié fut telle que la première fois que le drapeau flamand a flotté sur un Parlement étranger, c'est au mat de notre Assemblée nationale lors de la visite de l'un de leurs dirigeants.
Sur le plan constitutionnel, par ailleurs, les Flamands ont subi un sort meilleur que le nôtre. Ils ont suivi un cheminement opposé à celui qui nous fut imposé par Trudeau avec sa constitution réductrice des pouvoirs de notre Assemblée nationale et son gouvernement par les juges. Nos libertés collectives ont reculé plutôt qu'avancé.

La Flandre, partie d'un système unitaire et dominé, a évolué peu à peu vers un régime fédéral tellement décentralisé qu'il a plutôt des allures confédérales. Depuis les dernières élections, celui-ci chemine de plus en plus vers une forme d'indépendance des deux nations encore belges pour un temps. Elles ont, il faut le noter, un problème que nous n'avons pas. Bruxelles, sorte de capitale de l'Union européenne, est située en Flandres,
mais n'est plus vraiment flamande, puisque sa langue est surtout le français.

Pensons d'ailleurs que, sans la Loi 101, nous aurions peut-être connu un sort semblable. Le jour où Montréal n'est plus française, le Québec bascule et ses rêves les plus légitimes aussi. Il n'y a qu'à regarder le destin des courageux francophones hors Québec, pour voir où mène un soi-disant bilinguisme officiel. L'assimilation est massive et même les braves acadiens ne peuvent empêcher l'érosion. Le mandarin est la deuxième langue du Canada hors Québec et l'arrondissement de Chicoutimi est plus bilingue que la capitale fédérale Ottawa!
Les Flamands ont beaucoup appris de nous et, avec cet enseignement, ils sont devenus plus libres que nous. Leur gouvernement a déjà plus de pouvoir que celui du Québec, même avant les réformes que les dernières élections belges ne manqueront pas de provoquer. S'il y a une leçon à prendre des "Belges" autant que des "Belges", c'est que les Québécois doivent se réveiller!
Bernard Landry



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