André Noël - Le taux de suicide a baissé de façon spectaculaire chez les jeunes Québécois depuis 1999, si bien que les experts se préoccupent maintenant d'un autre phénomène: le suicide chez les baby-boomers, âgés de 50 à 64 ans.
«Il n'y a aucun doute que les baby-boomers forment une cohorte qui se suicide plus, constate Brian Mishara, directeur du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie de l'UQAM. On sait que les générations qui vivent des changements importants dans la société sont plus à risque. Et c'est leur cas.»
Pour la première fois en 25 ans, le taux de suicide a baissé en 2006 au Québec, selon les derniers chiffres compilés par l'Institut national de santé publique (INSPQ). Il a diminué dans tous les groupes d'âge, de façon marquée chez les plus jeunes, un peu chez les plus vieux, mais pas chez les quinquagénaires.
Les nouvelles sont quand même bonnes, se félicite Louis Lemay, directeur de l'Association québécoise de prévention du suicide. «On ose croire que tout le travail qui s'est fait dans les centres de prévention du suicide depuis 30 ans a porté fruit, a-t-il dit. Les attitudes ont changé. Les jeunes, en particulier, acceptent plus qu'avant de chercher de l'aide.»
Brian Mishara croit qu'un ensemble de facteurs peut expliquer la diminution du suicide, notamment la plus grande efficacité des médicaments psychotropes, de meilleurs services, des petites modifications comme les barrières antisuicide sur le pont Jacques-Cartier et, globalement, une sensibilisation accrue.
De 1999 à 2006, le nombre de suicides est passé de 1620 à 1136 au Québec. Le taux de suicide (par 100 000 habitants) a baissé de 35%. La diminution a été générale: 65% chez les 15-19 ans, 47% chez les 20-34 ans, 34% chez les 35-49 ans, 25% chez les 65 ans et plus. Le taux est resté sensiblement le même chez les 50 à 64 ans.
Les jeunes gens, chez qui les taux étaient particulièrement dramatiques, ont été au centre de l'attention au cours des dernières années. Ces efforts ne relâcheront pas, a indiqué Louis Lemay, en lançant la Semaine de prévention du suicide. La Fédération des cégeps, qui a déploré 125 tentatives de suicide et 11 suicides parmi ses étudiants l'année dernière, invite les visiteurs sur son site web à signer une déclaration se terminant par ce slogan: «T'es important pour nous. Le suicide n'est pas une option!»
«Nous expliquons aux jeunes que le suicide n'est pas une option, parce qu'il s'agit d'une solution permanente à un problème temporaire, explique Bruno Marchand, conseiller à la vie étudiante au cégep de Sainte-Foy. Avant, les jeunes qui voyaient un de leurs amis parler de suicide se disaient que ça le regardait. Plus maintenant. C'est comme l'alcool au volant. Une personne qui a bu, on ne la laisse pas conduire. Une personne qui parle de suicide, on ne la laisse pas seule.»
Les taux de suicide les plus élevés sont observés dans les régions périphériques, soit les régions à plus faible densité de population, alors que les taux les plus bas sont observés dans la grande région de Montréal. L'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic souligne d'ailleurs que les personnes de 50 ans et plus sont proportionnellement beaucoup plus nombreuses à se suicider en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent et en Abitibi. «Les gens sont plus isolés dans ces régions», dit M. Mishara.
Malgré les signes encourageants, le Québec affiche toujours un taux de suicide plus élevé que la moyenne des provinces canadiennes et des pays industrialisés. Les hommes sont trois fois plus nombreux que les femmes à se suicider. Et, même si le taux diminue dans ce groupe d'âge, ce sont toujours les 35-49 ans qui se suicident le plus.
Photo Martin Chamberland, La Presse
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