Les Québécois se font servir des leçons sans arrêt sur le vivre-ensemble. On sous-entend que les Canadiens ont plus le sens du partage qu’eux, plus le sens de l’Etat aussi. Les Québécois s’endettent sans penser aux autres, lit-on. Les Québécois se font rameuter plus facilement par des démagogues. Les Québécois sont technophobes et ils méprisent l’anglais, d’où un déficit d’adaptation, un champ de vision étroit. Je suis particulièrement écoeuré d’entendre cela jour après jour par des embauchés des grands médias qui suggèrent sur tous les tons que la nature les a doté d’une grande puissance de vision globale.
Lorsque vous lisez sur une nation, on vous renseignera sur sa géographie, ses ressources, son produit intérieur brut. Il faut aller sur place pour vraiment juger ce qu’elle donne à apprendre. Au Québec, la nature du paysage intellectuel, la vocation pédagogique des journalistes et des commentateurs qui se disent tous les apôtres d’une plus vaste vision d’ensemble, est en soi un objet de fascination. Vous ne trouverez jamais autant qu’au Québec des donneurs de leçons sur l’esprit d’ouverture.
Ils ont dit pendant des mois que le Bloc Québécois n’a jamais rien fait de réel ni rien de sérieux. Vincent Marissal a écrit que le Bloc Québécois était raciste. Ils sont tous assis dans leur fauteuil à roulettes et on les voit, la confrérie de la haute conscience, jour après jour, car il paraît que c’est un gage de la démocratie.
C’est au point où des Québécois souhaitent la disparition des indépendantistes. Une fois disparu l’ennemi des médias dits « convergents », ceux-ci vont peut-être perdre leur nature programmatique. L’autre solution, ce serait de voir le commentariat unitariste canadien perdre sa mainmise sur l’ordre des significations et le mode général de présentation des événements.
Mais cela, il ne faut pas y songer. C’est l’espace du jeu démocratique tel qu’il se noue au Québec. Il semble plus facile pour ces Québécois de concevoir la disparition de l’indépendantisme comme force politique. On les appelle les Québécois mous, les Canadiens québécois, des mous, des durs Québécois canadiens, qui croient à l’essor évolutif du régime canadien.
Les Québécois ne savent pas comment se dégager de l’épaisseur où ils sont engagés. Il y a bien des conflits potentiels, ou actuels, mais on leur dit que ces conflits tirent leur source d’un mauvais vouloir découlant d’un nationalisme passéiste. Remarquez que dans ce point de vue, la responsabilité du régime canadien est totalement oblitérée.
Les Québécois ont voté NPD dans un sursaut. Ça fait des années que les Québécois se font dire explicitement qu’il faut passer à autre chose et que la meilleure façon de passer à autre chose est de donner raison au régime. Les commentateurs des médias “convergents” attribuent l’épaisseur du sac de noeuds aux acteurs, pas au régime.
On dit toujours que les choses changent, que le Canada change, que l’éclosion d’un nationalisme provincial partout au Canada recrée une mentalité favorable au changement. Le changement est l’avenir et les vieilles croûtes s’en vont. Il y a juste à se débarrasser du vieux. Alors les Québécois finissent par croire à un déblaiement et à toute une série de réévaluations dont ils ne seront pas les auteurs, et peu importe. Les Québécois se font tellement dire qu’ils sont repliés et involutifs qu’ils sont prêts à entériner ce qui passe pour l’évolution au sein du régime actuel.
Les commentateurs « convergents » au Québec ont un ton insupportable. Ils nous parlent comme des grands voyageurs chez des insulaires. Ils pontifient sur les grands espaces et l’art du vivre-ensemble s'il y a eu changement de
jour au calendrier. La dernière fois qu'ils l'ont dit c'était hier.
Ils ne pensent pas que les cycles de l’histoire devront être décidés par les Québécois car il paraît que ces derniers ont trop pensé à eux-mêmes dans le passé. C’est le régime canadien qui prescrit au Québec son espace, sa structure et son existence même. Ce serait une oeuvre de “maturité” que de l'accepter.
Cette façon de se faire prêcher un au-delà de soi-même vers lequel on se dirigerait sous l’influence de l’évolution constitue en soi une fabrique, une fonderie de laquelle ressortent les mêmes alliages de mots. Écoutez celui qui tient les rênes de la Fédération des Journalistes du Québec et il vous dira que ce n’est pas le travail des journalistes que de servir de caisse de résonance au service d’un agenda politique. C’est pourtant exactement ce qu’ils font du fait que leur travail se situe dans le découpage « convergent » de l’information formatée.
Cette proximité visible des autres provinces vue comme un antidote au repli sur soi se donne libre cours sans cesse. On se plaint en Montérégie? On se plaint moins au Manitoba, nous font-ils valoir. On se croirait dans l’antichambre d’André tant le mot d’ordre qui vise à dépeindre les Québécois comme d’éternels insatisfaits est suivi.
Pour guérir de notre insatisfaction, il faut juste penser aux autres. La bourgade étoufferait sous l’obsession de soi-même et sous un unanimisme dangereux. Comme Trudeau, les commentateurs « convergents » sont arrachés du rivage et ils s’envolent pour s’exposer à un monde délié de ses frontières étriquées. Eux, ils découvrent enfin la volonté de leurs compatriotes canadiens, fiers de leur province et de leur pays. Leurs compatriotes canadiens portent en eux les germes du renouveau.
C’est quand même incroyable que de faire résider la solution dans un alignement ultérieur des provinces à leur propre nationalisme provincial. Et à travers ce discours ambiant où sont les indépendantistes? C’est un quota, un temps de parole. On invite des représentants, Jean-Pierre Charbonneau au Club des Ex par exemple, dans un entourage d’unitaristes.
En ce qui a trait aux penseurs indépendantistes invités ailleurs, ils sont rares. Josée Legault est invitée mais elle parle beaucoup moins de souveraineté que du fait qu’elle n’est pas péquiste. Beaucoup des commentaires de Josée Legault sont dans la même veine réflexe que les tirades des rebelles dociles sur Internet. Essentiellement, selon cette thèse, des élites ont usurpé la cause indépendantiste et en ont fait une coquille vide.
La quasi totalité du message indépendantiste sur Internet loge à cette enseigne. Peu de chroniqueurs d’allégeance indépendantiste sur Internet vont écrire que la majorité des élus indépendantistes sont des personnes consacrées qui font preuve de talent. Vous ralliez plus une solidarité autour de vous accusant les élites d’être des faussaires qui courent à leur perte. De cette manière, vous vous retrouvez avec une foule de personnes qui, du haut de leur réserve, désavouent les élites par preuve forcenée de leur indépendance d’esprit.
Quand le PQ est au pouvoir, les sites indépendantistes se voient plus comme une opposition aux usurpateurs que comme des diffuseurs du message indépendantiste. Avant les élections, vous ne trouverez pas de gens plus pressés que les « vrais indépendantistes » pour prôner la défection au PQ comme acte de fidélité supérieure à la cause.
C’est au point où on finit par penser que cette virulence antipéquiste ne pourrait être produite par du noyautage de l’adversaire. L’adversaire n’oserait pas aller aussi loin. Puis il faut se dire que, pour qu’il y ait un tel effet d’entraînement, un noyau négatif et dynamique ne suffit pas. Cette négativité anti-élitaire est un créneau naturel de la communication sur Internet.
Par rapport aux médias dits convergents, on ne peut donc compter sur Internet pour constituer un contrepoids efficace. Pendant qu’on se fait dire par les médias “convergents” que les repères trop québécois font perdre notre temps et qu’il faut aborder notre point de vue collectif avec des décalages significatifs de manière à l’accorder avec celui du pays tout entier, qu’y a-t-il à côté? Il n’y a plus que d’autres unitaristes canadiens ou des individus qui prétendent représenter la vigueur de la rupture. Et ils s’opposent mordicus aux élites, à leur thématique douillette, eux aussi, page web après page web.
Alors que faire? Pierre Dubuc faisait remarquer dans un texte récent que l’aventure de Rue Frontenac démontrait que les nouveaux appareils de presse se voyaient très tôt précarisés de nos jours. En former de nouveaux demande des investissements et demeurent fort problématiques. Le Devoir répond à des normes éthiques plus rigoureuses. En fait, il est le seul journal qui peut se prétendre, au Québec, indépendant. Tous les autres règlent grosso modo le contenu de leurs publications sur la raison d’Etat du pays existant officiellement. Le rayon d’influence du Devoir est cependant fort limité en comparaison avec l’information de « convergence ».
C’est quoi être démocrate au Québec? Prendre place à titre de quota dans des médias “convergents”, être une concession démocratique dans une cadre voué d’avance à l’érosion du sens de son message? Voir cela comme l’exemple de la juste mesure?
Comme indépendantistes, nous avons à nous poser de sérieuses questions sur la suite des choses. Comment rendre la partie jouable?
André Savard
Au pays de la convergence
C’est le régime canadien qui prescrit au Québec son espace, sa structure et son existence même. Ce serait une oeuvre de “maturité” que de l'accepter.
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
31 mai 2011Je suis totalement d'accord avec vos propos M. Savard, je suis un indépendantiste qui prône la globalisation et le respect de la culture plutôt que l'unitarisme vide de sens...les québécois, comme els noirs en amérique sont issu d'une culture de vaincus, d'esclaves,d e main d'oeuvre bon marché...il faut arrêter de combattre le marketing cheap des médais convergeants...ces parasites auto-édifiant qui en fait sont des roi-nègres... prêt a vendre le futur et le respect de leur propre progéniture pour un beau salaire....il faut combattre le feu avec le feu
il faut arreter de se censurer entre patriotes et indépendantiste, on doit mettre en oeuvre toute les tactiques soi-disante cheap du marketing pour romanticiser l'idée de liberté... car c'est la seule façon que nous allons attirer les québécois vers la vérité: nos arguments sont gagnants...seul le silence et l'ignorance de notre population peuvent nous arrêter et lorsque je regarde Jean-Pierre Charbonneau seul devant une pléiade de morons et de corrompus sans scrupules...(liza frulla etc.) je comprend que ça va nous prendre du front et du courage pour faire face a cette vague de racisme anti-québécois
Archives de Vigile Répondre
30 mai 2011Comment rendre la partie jouable ? Bonne question. Mais est-ce qu'il reste vraiment une partie à jouer ?
je ne vous cacherai pas que parfois je me demande, j'espère que je me trompe, mais je me demande si on est pas rendu à une situation comparable à la résistance dans une sorte de position comparable aux défenseurs de Massada.
Vous parlez de certains commentateurs, notamment Marissal mais d'autres aussi qui ne manquent pas une occasion de pisser du vinaigre au gallon sur tout ce qui n'est pas unitariste canadian.
Sur Radio Canada le changement de garde est prononcé. On a qu'à écouter les émissions du matin pour se rendre compte de l'envahissement de la mentalité multiculturaliste anglophile et Canadian dans son essence.
Tant chez Homier Roy ou on se fait servir Pratte, Cardinal McPherson et autres canadians dans le contexte de convergence. Une seule petite différence, le chroniqueur du Devoir Michel David une fois semaine.
C'est sans compter les chroniques culturelles dont on a le sentiment qu'elles n'en ont que pour tout ce qui chante et tape du pied en anglais. Idem pour l'anglomane Charette qui ne mange que du chou et de la chèvre mais qui heureusement s'en va.
Et le dîner de con auquel en effet est convié monsieur Charbonneau. Est-ce qu'il s'en rend compte ? Et madame Legault qui abeaucoup de profondeur à mon avis, mais que je trouve méconnaissable depuis plusieurs mois.
Ça va pas très bien en effet et on voit que le pouvoir en place a décidé d'en finir avec les cancrelats que nous sommes pour eux.