Au fond, nous avons peur de faire face à la réalité

Tribune libre 2010

Poser la question: Quel est l'avenir du Québec dans le Canada, ou dans le sein du Canada, c'est penser dans l'abstrait.

Une question géopolitique portant sur un ou plusieurs statuts collectifs n'a rien à voir avec l'obstétrique ou la littérature. Toute question géopoltique est statutaire en partant. La réponse se fonde sur les principes qui gouvernent toute stratégie d'État. La connaissance des grands principes permet de trouver en toutes circonstances les solutions qui conviennent, selon Sun Tsu.

Nous préférons les idées pour les idées et les discours pour les discours. Je ne parle pas contre la littérature mais une question statutaire n'est pas une question littéraire et je n'arrive jamais à me faire comprendre. J'ai été pris à partie par quelqu'un qui m'accuse de ne pas aimer la littérature, ce qui est faux. Un problème géopolitique et stratégique est un problème d'action de grande envergure. C'est une question de discernement. Toute solution d'envergure passe par une appréciation rigoureuse du contexte et de la situation, loin des émotions qui paralysent.

Même en littérature, il est nécessaire de mettre en pratique les principes de l'action si on veut réussir: apprécier rigoureusement le contexte et la situation; déterminer des objectifs praticables, les atteindre avec une concentration et une économie de moyens, etc.

Il est clair que même les banques et les États n'en ont pas tenu compte,excepté l'Allemagne qui a appris durement ses leçons de gouvernance. Les Allemands savent ce que veut dire être gouverné par des fakirs et des prestidigitateurs. Ils l'ont payé cher et ils s'en rappellent.

Le Québec est géré et administré à la petite semaine et ne peut poursuivre aucun objectif d'envergure. Au lieu de tenir compte des principes fondamentaux qui gouvernent toute stratégie d'État, chacun et chacune se prend pour un petit génie et multiplie les bourdes.

Dans ce sens, la question se pose à partir du fait fondamental suivant: Le Québec est inféodé au pouvoir post-impérial, centralisateur, arbitraire et unitaire d'Ottawa.

S'il demeure inféodé et en position de subordination, il se condamne à s'étioler, diminuer et perdre son statut de foyer national de notre peuple et assise de notre État naturel.

Nous devons nous soustraire de la domination politique d'Ottawa et par extension de Bay Street, même si Ottawa doit disparaître, comme en Scandinavie, Kalmar a disparu après avoir perdu sa fonction de capitale juridique de l'Union du même nom. Dans les Balkans, Belgrade a perdu sa fonction de capitale fédérale. De même le long du Danube, Vienne, capitale de l'Autriche et de l'Empîre austro-hongrois, a perdu son rôle pour finalement devenir que la capitale de l'Autriche.

En Amérique du nord, ni Ottawa ni Washington n'ont d'avenir comme capitales d'États centralisateurs et unitaires. Il y a risque grave de guerre si ces pouvoirs désuets se cramponnent et refusent d'obtempérer.

Notre objectif stratégique: sortir Ottawa du Québec. Inutile, futile et dangereux de nous cramponner dans nos peurs ataviques.

Qu'on se le mette dans la tête: En Amérique du nord, le Canada est un autre continent massivement recouvert d'obstacles majeurs. Entourée de trois océans, cette étendue continentale est peu accessible. Elle manque gravement d'oekoumène. Elle manque de sols fertiles et sa période végétative très courte ne permet qu'une seule récolte par année, exception faite des régions bordières de la Nouvelle Écosse, de l'Ontario et de la Colombie Britannique.

La vie économique et politique s'est organisée à la frange méridionale du bouclier Précambrien qui recouvre la moitié de sa surface, plus de 96% du Québec et de l'Ontario, la moitié du Manitoba, le quart de la Saskatchewan et le cinquième de l'Alberta.

Les communications sont prioritairement terrestres et se sont développées le long de cette frange recouverte de moraines des glaciers du Quaternaire. Le chemin de fer seul a permis à la bourse de Toronto de faire fortune avec l'exploitation éhontée des mines, non seulement dans le bouclier Précambrien qui recouvre la moitié de l'espace continental canadien mais aussi en Afrique.

Le pouvoir politique et économique de l'espace continental canadien s'est constitué à partir de la construction des canaux et chemins de fer pendant le 19e siècle et de l'organisation d'un pouvoir politique centralisateur et untaire. Une oligarchie s'est organisée à partir de Toronto et maintenant cherche à accaparer et subordonner toutes les activités politiques, économiques et culturelles sur toute l'étendue du territoire, dont les titres sont détenus et protégés par la Couronne d'Angleterre.

Entre temps, au moins six provinces ont atteint la stature de véritables États. L'oligarchie et le pouvoir central répliquent par des tentatives de piéger davantage le pouvoir vers le centre. Cette volonté tenace de pouvoirs opposée par la volonté grandissante des nouveaux États est casus belli. Rien ne sert de le nier.

Inutile, futile et dangereux de théoriser sur la question. Nous devons saborder le pouvoir central d'Ottawa. Il n'y a pas d'autre solution et nous devons y consacrer toutes nos forces et inciter les provinces intéressées à coopérer avec nous.

Tâche immense mais pas impossible si on s'y met. Nous n'arriverons nulle part si nous persistons dans notre manie des discours byzantins sur une question concrète et stratégique de grande envergure.

Inutile, futile et dangereux de persister dans notre manie de nous demander si le Québec a un avenir dans le Canada. Aucun peuple inféodé et subordonné n'a jamais eu aucun avenir.

Au fond, nous avons peur de faire face à la réalité.

JRMS






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René Marcel Sauvé217 articles

  • 248 963

J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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8 commentaires

  • Jean-Pierre Plourde Répondre

    12 mai 2010

    Bonjour M. Sauvé.
    Je voulais être sur que vous receviez le commentaire que j'ai laissé sur le site: pour le pays....
    M. Sauvé, on parle exactement de la même chose vous et moi.
    Je cherche à faire comprendre aux Montréalais que le pays, c'est aussi les régions.
    Sans nos régions, Montréal et la zone écoumène du Saint-Laurent vont perdre d'immenses avantages en redevances d'entreprises d'états implantés dans les régions.
    Par exemple, sans l'Hydro, nous devront tous compenser par nos impôts les milliards en manque à gagner des redevances versés annuellement par l'Hydro, Caisse de dépôt et autres.
    Vous et moi possédons des milliards en investissement rentables sur l'ensemble des territoires du Québec. La publicité médiatique va dans le sens de faire croire aux citoyens qu'il faille fermer les régions, réf. bazo.tv. C'est l'équivalent de demander à quelqu'un de se faire enlever le 3/4 de ses poumons. De plus, le renversement éventuel de notre majorité dans Montréal va nous réduire à la bande du St-Laurent sans Montréal.
    Les médias sont contrôlés on nous fait avaler n'importe quoi.
    La plupart des citoyens ne réalisent pas l'ampleur du trafic en cours.
    Vos textes sont magnifiques et votre travail mérite tout mon respect.
    La plupart des gens ne comprennent pas l'importance de conserver l'emprise sur nos territoires.

    Le rapatriement unilatéral de la Constitution Canadienne nous place devant un fait accompli. Il a probablement déjà été ratifié en cachette par Charest dans notre dos.
    Le rapatriement de 1982 est présentement utilisé pour négocier le transfert de nos droits fonciers, (territoires Québécois) vers un groupe choisi d'Amérindien.
    C'est capital de s'opposer à ce traité sans la consultation des intéressés par référendum.
    Mes textes sont du même ordre que ceux de la géopolitique, elle concerne la conservation de l'autorité sur nos territoires au delà de la bande peuplé du St-Laurent.
    Si on ne réagit pas, c'est l'ensemble du Québec qui nous est retiré, sauf un mince bande le long du St-Laurent.
    On se fait faire le coup du Labrador à grande échelle, tout se fait dans notre dos et sans consultation.
    Le traité dit de l'approche commune entre représentants fédéraux et Amérindiens choisis pour leur sympathie Canadienne ne vise qu'à inféoder le droit de propriété de nos territoires au delà de la bande du St-Laurent en faveur de la fédération en plaçant sous sa tutelle tous les habitants, mines, ressources et eau qui habitent ou existent au delà de la bande du St-Laurent. C'est la plus grosse arnaque de tous les temps et on laisse passer....
    Si on laisse passer ce traité, nous qui habitons les régions pourront être dans l'obligation de déménager ou se voir soumis à des contraintes de toutes sortes qui nous seront imposées. Nous paieront des impôts sans droit de représentation, dans mon livre à moi, cela s'appelle: un Émirat amérindien, une invasion de domicile, une tutelle fédérale, une dictature, et bien d'autres choses encore.
    Ce traité, est un geste unilatéral avec des négociateurs fédéraux et des représentants de multinationales assis des deux côtés de la table de négociations, sans aucune consultation du peuple qui a développé et travaillé à mettre en valeur ces territoires. Le Canada se donne et prends le droit d'intervenir pour défendre unilatéralement "ses" territoires d'où nous serons... expropriés.
    L'avenir c'est tout de suite.
    Mes textes sont en droite ligne avec les critères de la géopolitique, ils sont l'application étendu de vos propos.
    Je le répète, nos travaux ne vont pas l'un contre l'autre, ils sont complémentaires. Mes études démontrent que le Canada contrôle les médias. Par ce traité, il nous exproprie de tous nos territoires et il nous dépouille des milliards en investissement rentables que nous avons fait tous ensemble sur (nos) territoires.
    Cette situation ne souffre pas qu'on la passe sous silence, les difficultés de demain se préparent maintenant dans l'ignorance des Québécois.
    Après avoir visionner quelques unes de vos conférences je vous affirme que nos travaux sont complémentaires.
    Je ne fait qu'apporter des arguments importants qui peuvent nous permettre de mettre en application vos propos afin de convaincre les citoyens de l'intérêt de se prendre en main.
    Le présent est le résultat du passé, vous le savez. Notre avenir sera la conséquence ses gestes qu'on va poser ou ne poserons pas dans le présent, maintenant.
    Vous nous dit que l'action est primordial en géopolitique. Le Canada l'applique, alors que les Québécois en parle.
    Votre travail de sensibilisation est important, il nous faut tous ensemble passer de la connaissance, aux actes. Ils nous faut contrer cette arnaque.
    Vous et moi avons besoin l'un de l'autre.
    M. Sauvé, merci d'être là.
    Jean-Pierre Plourde.
    saglacweb.blogspot.com

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    @O
    En effet.
    C'est une tactique de base. Les USA l'utilise en ciblant l'ennemi en tant qu'islamiste-terroriste. Israel cible l'ennemi en tant qu'antisémitisme. Le fédéral canadian cible l'ennemi en tant que souverainiste-indépendantiste-sécessionniste. Etc...
    Notre faute est de trop vouloir imposer la solution à un problème que les Québécois ne comprennent même pas ou ne sont pas conscients. Le mouvement se stigmatise lui-même au lieu de stigmatiser l'ennemi. Nous-nous perdons dans des discussions interminables sur la solution ou le but, lorsque nous devrions nous concentrer sur le problème et l'ennemi et laisser la nation trouver par elle même la seule solution logique.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    10 mai 2010

    @Gébé,
    Admirons votre énoncé: "Pour attaquer le pouvoir central il faut d’abord identifier l’oligarchie et lui donner un nom compacte pour le réduire à un seul adversaire. Identifier ce qu’ils ont de communément détestable."
    ...cette tactique servit bien à convaincre les jeunesses hitlériennnes du "danger" que représentaient pour eux les juifs polonais: tribu dégénérée d'êtres pauvres et foyer de maladies contagieuses, dangereuse pour la nation. La propagande fit son chemin.
    Si l'astuce fonctionna pour le mal, la même approche psychologique peut réveiller les nationalistes endormis dans leurs chaînes.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    Parfaitement d'accord avec vous, M. Sauvé que : Nous devons saborder le pouvoir central d’Ottawa. Il n’y a pas d’autre solution et nous devons y consacrer toutes nos forces et inciter les provinces intéressées à coopérer avec nous.
    Très bientôt, certainement, à cause de la situation planétaire de crise systémique et de l'endettement astronomique de nos gouvernements, les autres provinces ne nous regarderont plus avec les mêmes émotions, mais selon les solutions pratiques que ce «sabordage» pourrait générer de positif. De toute manière, nous n'aurons pas le choix, ni les autres provinces non plus, alors...

  • Archives de Vigile Répondre

    9 mai 2010


    Monsieur Le Hir,

    Dans cette optique plus proche de la situation anticipée, la rencontre
    avec les autres provinces et aussi avec les États américains frontaliers
    deviendra un exercice postérieur à la reconnaissance de nos statuts.
    Ceci obligera chaque État concerné à régler d'abord ses propres
    affaires avec son gouvernement central.
    Salutations cordiales
    JRMS

  • @ Richard Le Hir Répondre

    9 mai 2010

    M. Sauvé,
    Votre analyse géostratégique est très intéressante, et je partage votre avis sauf sur un point, soit l'opportunité de faire cause commune avec d'autres provinces pour abattre le gouvernement fédéral.
    Le Québec a tenté de le faire au moment des discussions sur le rapatriement de la Constitution au début des années 1980, et le moins qu'on puisse dire, c'est que le résultat ne fut pas très probant.
    Je comprends que les circonstances ont changé et sont peut-être plus propices. Mais j'aurais trop peur que cela soulève l'espoir d'un accommodement encore possible et que nous y perdions beaucoup de temps et d'énergie. Je préfère de beaucoup une stratégie où nous profitons de la faiblesse de l'adversaire pour précipiter l'issue en notre faveur. Il sera toujours temps de faire des alliances par la suite pour tenter de rescaper ce qui pourra l'être.
    Richard Le Hir

  • Archives de Vigile Répondre

    9 mai 2010

    Bravo pour votre texte, M. Sauvé.
    Vous mettez les points sur les "i". Merci.
    Lawrence Tremblay.

  • Archives de Vigile Répondre

    9 mai 2010

    Pour attaquer le pouvoir central il faut d'abord identifier l'oligarchie et lui donner un nom compacte pour le réduire à un seul adversaire. Identifier ce qu'ils ont de communément détestable. La multiplication des adversaires engendre la division des militants.
    Le "pouvoir central" c'est aussi abstrait que "le Québec dans le Canada". C'est objectif et donc extérieur du peuple, du Québécois.
    La question subjective est "Quel avenir pour les Québécois dans le Canada" et QUI est un obstacle à cet avenir.