Arthur Buies, écrivain déchiré

Une nouvelle édition de sa correspondance dresse le portrait de l’une des plus fortes plumes du XIXe siècle québécois

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Sur Arthur Buies






C’est l’une des plus belles figures d’écrivain de notre XIXe siècle. Arthur Buies (1840-1901) n’a sans doute pas reçu toute la reconnaissance qu’il méritait. Connu surtout, dans l’imaginaire populaire, comme personnage de journaliste alcoolique et folklorique dans Les belles histoires des pays d’en haut de Claude-Henri Grignon, la réalité est beaucoup plus nuancée.


 

De son « oeuvre » se dégagent surtout aujourd’hui les chroniques. Pas de romans, de poésie, pas de théâtre. Mais dans tous les cas, malgré tout, beaucoup de romantisme. Orphelin de mère à trois ans, avant d’être confié par son père (un Écossais qui a ensuite quitté Montréal refaire sa vie en Guyane britannique) à des tantes, Arthur Buies va vite se muer en adolescent rebelle.


 







Rebelle surtout à la plupart des causes que la petite bourgeoisie canadienne-française de l’époque avait le plus à coeur, inféodée à la fois au pouvoir britannique et aux représentants de l’Église catholique.


 

En 1856, après avoir été exclu du Petit Séminaire de Québec et du collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, il est inscrit par son père au fameux Trinity College de Dublin, en Irlande. Le jeune Buies n’y fera pas long feu…


 

« Écervelé au suprême degré » (selon les mots de Louis-Jacques Casault, un cousin de sa mère), Buies va plutôt prendre la direction de Paris avec le projet d’y faire ses études. Il va y passer trois ans, fréquentant le lycée Saint-Louis en vue d’y obtenir le baccalauréat, quêtant aux uns, empruntant aux autres, remboursant lorsqu’il n’avait plus d’autre choix. Un épisode français qui n’a fait que renforcer ses opinions sur l’aliénation de ses compatriotes.


 

« Nous n’avons pas chez nous de langue maternelle. Nous savons un jargon de langue ; sois sûre que nous ne parlons pas du tout français, nous ne parlons pas non plus l’anglais ; ce que nous parlons c’est un galimatias de deux langues, un galimatias corrompu », écrivait-il à sa soeur Victoria en 1858, avant de partir rejoindre les troupes de Garibaldi stationnées dans le sud de l’Italie, comme un ultime sursaut de provocation suicidaire.


 

Disparates et inégales


 

Cette nouvelle édition de sa Correspondance (une première avait paru chez Guérin en 1993), améliorée de notes et de nouvelles lettres, rassemble lettres privées, lettres publiques, lettres reçues, brouillons de lettres. Et ses propres lettres, en ce sens, sont un peu aussi à l’image de son oeuvre : disparate et inégale.


 

Il faut dire que les soucis d’argent l’auront préoccupé une grande partie de sa vie. En 1855, il pouvait déjà écrire que son « existence n’a été qu’un tissu d’infortunes et de malheurs malgré des moments de folle gaieté ».


 

Rallié à la cause de la colonisation, défendue par le curé Labelle, Buies s’est marié à l’âge de 47 ans avant de devenir père de trois enfants. La réalité n’aura jamais fini de rattraper ce diable d’homme, qui passera son temps, s’il faut en croire sa correspondance, à courir après l’argent, tout en luttant avec ses démons et de sérieux ennuis de santé.


 

Mais nourri très jeune à l’esprit des Lumières et à sa littérature, fervent progressiste (« L’homme ne sera libre que lorsque la femme sera émancipée », pense-t-il), défenseur de la langue française et farouche opposant au projet de Confédération canadienne, Buies carbure malgré tout à l’humour et à la vivacité.


 

En 1889, interrogé sur ses lectures, pourtant bien calé dans le giron de son ami le curé Labelle, il ne semble pas hésiter : « Quand je lis Voltaire, je me dis : c’est là le génie français par excellence. Limpide comme de l’eau de roche, une clarté lumineuse, le bon sens avant tout, une netteté de vue prodigieuse… » Et Diderot ? « Diderot ! Voilà assurément le prosateur le plus agréable et le plus séduisant. Diderot est délicieux. Il ne faut pas dire cela aux petites pensionnaires. »


 
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