Apôtres d’une éducation sexuelle à la carte

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Une initiative mesurée et tout à fait louable pour contrecarrer la propagande progressiste voulant amener la théorie du genre à l'école


La conférence durait depuis une heure quand la troisième question de la salle était de savoir si le gouvernement encourage la fornication entre les jeunes avec son cours sur l’éducation sexuelle. Comme toutes les autres, cette question a été soumise par écrit, de manière anonyme, et c’est le docteur Raouf Ayas, un des deux conférenciers, qui y a répondu.


« Je ne ferai pas de procès d’intention, a dit le panéliste. Je ne dis pas que le gouvernement encourage quelque chose de mal. Je pense que le ministère est pris avec des théories et une idéologie et une laïcité qu’il veut imposer à tout le monde. On est dans une société de consommation. Et consommer des avortements. Et consommer des capotes. Je ne sais pas. Mais de là à dire que le gouvernement encourage la fornication, je ne sais pas. »


La table ronde organisée mercredi en soirée dans l’arrondissement de Saint-Laurent à Montréal était présentée sous le titre « L’éducation sexuelle au Québec, de la controverse à la solution ». L’invitation promettait de « proposer une stratégie et un outil pour les parents qui se sentent interpellés » par le cours d’éducation sexuelle qui sera implanté cette année au Québec. La salle remplie contenait une centaine de personnes, assez âgées, plutôt des grands-parents que des parents, à vrai dire.


La « solution » en question n’est pas de retirer les enfants des classes quand la matière jugée litigieuse est enseignée. La « stratégie » préconise plutôt une négociation avec les enseignants pour les convaincre de dessiner un plan pédagogique adapté aux rejetons des parents qui en feraient la demande quelques jours avant la classe.


Cette espèce d’accommodement ou d’enseignement à la carte s’appuie sur une analyse conjointe de l’abbé Robert Gendreau, directeur du Service de pastorale liturgique de l’Archevêché de Montréal, et du médecin Raouf Ayas, cardiologue. Ils cosignent un pamphlet intitulé « Réflexions pour susciter le dialogue parents/enfants sur le programme Éducation à la sexualité du ministère de l’Éducation du Québec de la maternelle à la 3e année du primaire ». Le livre au titre « pas sexy » (dixit l’auteur Gendreau) date du 5 janvier.


« Nous vivons une époque où le gouvernement propose de prendre la place des parents, a expliqué d’entrée de jeu l’animateur de la table, Raymond Ayas, fils du médecin essayiste. Nous estimons que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Nous avons produit une certaine approche pour nous conformer aux exigences du gouvernement tout en respectant notre vision du monde. »


Le père Gendreau, ecclésiastique depuis plus de trois décennies, a insisté sur cette idée de permettre un dialogue constructif entre les parents et l’État. « Le gouvernement a le pouvoir, les parents ont l’autorité. Comment peuvent-ils l’exercer ? En donnant un petit coup de main aux parents. Qu’ils soient les premiers intervenants. »


Raymond Ayas a aussi dit que l’État attaque la vision du monde des croyants, ce qui constitue une entorse à la liberté de croyances. « L’objectif du gouvernement est louable, a encore résumé M. Ayas fils. Nous comprenons qu’il veut ce programme dans toutes les écoles. Nous ne demandons pas un droit d’exemption. Nous proposons un moyen alternatif, comme pour les enfants qui ont des besoins spéciaux. On se dit : “Et si on créait un cheminement alternatif, négocié entre les parents et le professeur ?” »


Les auteurs du manuel alternatif jugent que le programme ministériel impose des enseignements sexuels à des enfants réputés trop jeunes pour les subir. Le médecin a décortiqué le programme devant l’assemblée. Il a par exemple mis en doute la pertinence de prévenir les abus sexuels en faisant « de tous les adultes des suspects » et « en entrant dans la tête des choses croches ». Il a aussi demandé pourquoi les documents officiels présentent une « vision positive » de la sexualité. « Tout ce qui est sexe est positif. »


Il a demandé pourquoi le programme prévoit pour les adolescents des enseignements sur différentes orientations sexuelles. « Il me semble que 12 ou 13 ans, c’est quand même jeune. » Il a dit que la psychologie n’est pas une science exacte. « Ça peut changer. Il faut la science, mais il faut l’amour. Dans ce programme du ministère, on ne parle pas d’amour. Dans la société actuelle, tout le monde accuse tout le monde. Il n’y a pas d’amour. Toute question qui se pose à vous, abordez-la avec la perspective de l’amour. Le Christ a dit que notre religion est une religion d’amour. »


Les reproches découlent aussi du fait que le cours d’éducation sexuelle contreviendrait aux valeurs catholiques.



On nous accuse de parler juste de chasteté. Non. Mais on en parle. La maîtrise de soi est une œuvre de longue haleine.




Lesquelles, précisément ? « Il n’y a pas d’amour dans ce programme, a dit le Dr Ayas. Le vrai amour, c’est quand on donne aux autres. Si vous ne voulez pas parler de chasteté, d’abstinence, etc., vous faites quoi ? Vous dites que tout est bon. Tu vas sortir avec ta copine, que tu aies 15 ans, 11 ans, 8 ans, tout est bon. Il n’y a pas de jugement moral. Il n’y a personne qui dit moralement ce qui est bon ou pas dans ce programme. »


Pour l’Église catholique, la sexualité doit demeurer une réalité de l’amour conjugal dans le cadre indissoluble du mariage tout en restant « ouverte à la procréation ». En clair, la doctrine catho rejette les rapports sexuels hors mariage, bannit les méthodes contraceptives artificielles et abhorre l’homosexualité. La recherche du plaisir pour lui-même, seul ou avec les autres, est également proscrite.


« On nous accuse de parler juste de chasteté, a dit M. Gendreau. Non. Mais on en parle. La maîtrise de soi est une oeuvre de longue haleine. »


La controverse gonfle


Le tandem du prêtre et du médecin est apparu dans l’actualité la semaine dernière quand un communiqué transmis par l’abbé Gendreau a suggéré l’achat de son livre (pour 10$) comme solution de remplacement aux cours d’éducation sexuelle.


« On dirait qu’on a touché une corde sensible, a dit le Dr Ayas en rappelant la médiatisation de ses positions. Je pense qu’il y a un discours antichrétien dans les médias. » Il a cité un article du Journal de Montréal demandant à qui appartiennent les enfants. « Si votre enfant casse un carreau, vous êtes responsable. Si votre fille tombe enceinte, vous ne pourriez pas décider si elle peut se faire avorter ou non ? »


L’archevêché s’est dissocié de la démarche Gendreau-Ayas comme de l’ouvrage présenté par la hiérarchie catholique comme une simple initiative personnelle de son directeur de pastorale. L’Assemblée des évêques du Québec n’a pas non plus recommandé le boycottage des cours d’éducation sexuelle.


Les écoles primaires et secondaires du Québec doivent offrir le programme du ministère de l’Éducation dans ce domaine depuis septembre. Pour l’instant, la proposition n’est pas contestée devant les tribunaux comme l’a été l’introduction du cours d’éthique et de culture religieuse il y a quelques années. Québec avait eu gain de cause devant la Cour suprême en 2012.


« Nous ne sommes pas dans une logique de combat. Nous ne sommes pas là pour faire des poursuites judiciaires », a résumé Raymond Ayas.


Le ministère de l’Éducation reste ferme en affirmant que les exemptions aux formations sur le sujet de la sexualité ne seront offertes que de manière exceptionnelle et pour des motifs importants, par exemple si des enfants ont vécu des traumatismes et des agressions. Le premier ministre Legault a aussi affirmé clairement qu’il n’était pas d’accord avec la proposition de retrait à la demande de l’abbé et du Dr Ayas.


Les médias n’ont pas non plus épargné l’idée de stricte obédience aux doctrines vaticanes. Il faut dire que les propositions catholiques sur l’éducation sexuelle arrivent en pleine ère post-#MeToo et au milieu d’innombrables révélations concernant les agressions sexuelles commises pendant des décennies par des membres du clergé.


« On accuse l’Église de bien des choses, ces temps-ci. Le timing n’est pas très bon, m’a dit mon archevêque, a admis le père Gendreau. Mais comme me l’a dit un ami, la question des prêtres pédophiles, c’est un sur 2220, selon une étude récente aux États-Unis. Est-ce qu’on va complètement balayer l’Église à cause de ça ? »




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