Graffiteurs interdits de manifester

Amnistie internationale défend le droit de manifester à Québec

La Ligue des droits et libertés dénonce les arrestations, qu'elle assimile à une tactique abusive

Dérives démocratiques - la société confrontée à sa propre impuissance

Québec -- La Ligue des droits et libertés (LDL) et Amnistie internationale s'inquiètent pour le droit de manifester à Québec, en cette année du 400e. Les deux organismes voient dans le traitement réservé récemment à au moins quatre manifestants arrêtés par les policiers, un retour à une tactique «abusive» et «anticonstitutionnelle» observée lors du Sommet des Amériques. «On dirait qu'on veut dissuader les manifestants qui voudraient troubler le 400e. On sait que M. Labeaume n'aime pas l'opposition... Peut-être qu'on souhaite donner une image de la ville calme où tout le monde est d'accord avec tout ce qui se passe?», s'est questionnée hier Nancy Gagnon, présidente du conseil d'administration de la LDL de Québec.
Trois des personnes mentionnées par la LDL sont des graffiteurs arrêtés le 25 juin: les frères Yannick et Patrice Racine, ainsi que Jonathan Labine. Selon la Police de Québec, ils avaient été surpris, dans la nuit du 23 mai, à faire des graffitis indépendantistes rue Saint-Sacrement à Québec, où ils avaient détourné, sur un grand panneau publicitaire, le mot «BBQ» pour en faire un «RRQ» (pour Réseau de résistance du Québécois, un groupe lié au journal indépendantiste Le Québécois).
Le 26 juin à midi, après une nuit passée en prison, une procureure de la Couronne, Josée Lemieux, a indiqué ne pas s'opposer à leur libération moyennant plusieurs conditions, acceptées par le juge, dont «ne pas être présents à la manifestation du RRQ le 1er juillet, à Québec», «ne pas distribuer ou afficher des tracts» et «ne pas participer à toute réunion ou rassemblement du RRQ». Une autre condition était de passer en cour le 4 juillet, mais l'audience a été reportée au 12 août. On saura alors quelle «orientation» prendra l'affaire: procès ou plaidoyer de culpabilité. «Je suis à regarder le dossier avec mes clients», a signifié Me Mélanie Haddad, l'avocate de MM. Racine et Labine. Pour le reste, elle s'est refusée à tout commentaire.
Selon l'éditeur du Québécois, Patrick Bourgeois, Mme Haddad a au moins réussi à faire casser une des conditions, laquelle interdisait aux frères Racine de parler à M. Labine. «À partir du 4 juillet, ils ont obtenu le droit de se parler, mais seulement en présence de Me Haddad, et pour parler de l'affaire», a soutenu M. Bourgeois hier.
Un autre cas
La Ligue des droits et libertés signale un autre cas jugé troublant: le 3 juillet, durant la manifestation contre la présence militaire canadienne en Afghanistan et contre la parade militaire, une militante antimilitariste a été arrêtée pour entrave au travail des policiers. Elle s'est par la suite vu imposer des conditions de remise en liberté lui interdisant de manifester, mais aussi de consommer de l'alcool, alors qu'elle n'était pas saoule lors de son arrestation.
Mme Gagnon note que la «dernière fois qu'on a vu ce type de conditions de remise en liberté et ce type d'arrestations -- qui se sont passées de façon un peu étrange --, c'est au Sommet des Amériques en 2001, au moment où on voulait dissuader les manifestants».
Aux dires de l'avocat Denis Barrette, de la Ligue des droits et libertés, on doit s'inquiéter du «retour à cette tactique de la police et de la Couronne» puisqu'elle «détourne le système judiciaire» dans le but d'exclure des militants de la place publique. À ses yeux, ces conditions ne visent pas, comme les policiers l'ont argué, à éviter une récidive, mais plutôt à mettre des militants «hors jeu en les privant de leur liberté d'expression, de leur droit de manifester et de leur droit de se rassembler». M. Barrette estime que cette tactique anticonstitutionnelle a déjà été dénoncée par les tribunaux en 1997. Dans le cas des graffiteurs, il estime les conditions grossièrement abusives. «Ils ne participaient même pas à une manif lorsqu'ils ont prétendument commis un méfait. Pourquoi leur interdire de manifester? Interdire d'être en possession de canettes ou de cagoules, passe encore. Mais ne pas manifester ou se réunir? Il n'y a pas de rapport.»
Au bureau du maire Régis Labeaume, on a rejeté du revers de la main l'hypothèse que celui-ci ait donné quelque directive que ce soit pour nuire aux manifestants. «Absolument pas. Ne pensez-vous pas que le maire a autre chose à faire dans une journée?», a répondu Paul-Christian Nolin, l'attaché de presse du maire.


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