On a tué la politique

Dérives démocratiques - la société confrontée à sa propre impuissance



En fin de semaine dernière, au conseil général du Parti libéral du Québec (PLQ), on a remis aux délégués un album souvenir de Jean Lesage pour célébrer les 50 ans de son arrivée à la tête du PLQ, le 31 mai 1958. Abondamment illustré, l'album montrait notamment deux assemblées électorales de M. Lesage à Saint-Hyacinthe et à Victoriaville, pendant la campagne électorale de 1962. Les salles étaient bondées... Des milliers de personnes dans les deux cas.
Avez-vous observé de tels rassemblements depuis le début de la campagne électorale en cours? Niet! Les élections, en 2008, ça se fait en clips de 30 secondes à la télévision et à la radio, devant des groupuscules d'organisateurs. Quand Stephen Harper a lancé sa campagne électorale à Québec, le 7 septembre, il l'a fait dans une petite salle du Hilton remplie aux trois-quarts d'organisateurs locaux, de journalistes, de techniciens de la radio et de la télévision, et d'agents de la GRC chargés de sa protection... Le vrai public n'y était pas.
Fini les grands rassemblements politiques où la population allait juger elle-même du charisme des politiciens, de leurs qualités d'orateurs, de leur passion, et de leur vision d'avenir.
Vous allez me dire qu'on les voit mieux dans un débat télévisé que dans une immense salle enfumée des années 50? C'est vrai : on les voit, mais on ne les entend pas. Les débats sont de véritables courses contre la montre, où les chefs ont des clips de 30 ou 60 secondes pour expliquer leur programme sur des sujets complexes comme les gaz à effet de serre, ou les dangers d'une récession économique. D'ailleurs, la formule des débats de cette semaine devra être révisée. C'est vrai qu'elle était plus conviviale et offrait des échanges plus animés entre les chefs. Le problème, c'est que les quatre représentants des partis d'opposition n'avaient à peu près aucun compte à rendre parce que tout le monde tirait sur Stephen Harper. À quatre contre un, vous n'avez aucune chance dans un tel forum. C'est un peu comme si on donnait au demandeur, dans un procès, le droit de présenter quatre fois plus d'arguments que le défendeur. Normalement, Gilles Duceppe, Stéphane Dion, Jack Layton et Elizabeth May auraient dû également être mis au défi. Sauf à de rares occasions, ils n'ont pas eu à le faire tellement ils étaient tous occupés à tirer sur Harper.
En sait-on plus au lendemain de ces débats sur les programmes des candidats? Un peu plus, mais à peine. Pour une majorité, c'est une impression générale des chefs qui reste.
Pendant que les leaders débattaient, des journalistes vérifiaient la véracité de leurs affirmations. À de nombreuses reprises, ils ont été forcés de conclure que personne n'avait totalement raison ou tort. On peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres et aux statistiques sur la création d'emplois et les mises à pied. Quant à la solution à apporter au réchauffement de la planète, c'est un acte de foi qu'on nous demande de faire.
En fin de soirée, c'est la performance des chefs et non pas la solidité de leurs arguments qui était analysée. Stéphane Dion a-t-il été capable de s'expliquer en anglais? Stephen Harper a-t-il réussi à lancer sa contre-attaque?
Internet, télévision, radio, journaux, le filtre des médias est beaucoup plus important aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 50 ans. Les gens qui veulent s'informer ont plus d'outils pour le faire. Mais tous les journalistes qui assistent aux congrès des partis politiques et voient les politiciens de leurs yeux sur l'estrade vous diront qu'aucun média ne peut remplacer un contact aussi privilégié avec la réalité. C'est encore plus vrai depuis que la caricature véhiculée sur YouTube, Dieu créa Laflaque ou Infoman est devenue plus populaire et convaincante que l'information traditionnelle. Parlez-en à Sarah Palin...
Et Julie Couillard?
À moins d'être un peu voyeur... et nous le sommes tous... il n'y a qu'une chose à retenir de Mon histoire de Julie Couillard : la vie privée n'existe plus quand on veut faire de la politique. On a beau dire que les médias canadiens ne sont pas aussi osés que la presse américaine et britannique, c'est de moins en moins vrai. Les mésaventures d'André Boisclair avec la coke et son orientation sexuelle ont fait les choux gras de ses adversaires au PQ et chez les libéraux. La part croissante des blogues et des vidéos amateurs sur Internet fait que tout devient public. On n'en est plus depuis longtemps aux petites questions niaiseuses aux candidats pour savoir s'ils ont fumé du pot dans leur jeunesse et s'ils inhalaient. Avis donc aux intéressés : il faut être plus blanc que blanc pour devenir politicien. Et surtout, ne trichez pas sur votre curriculum vitae.


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