Amir Khadir sera-t-il l'instrument involontaire des libéraux et des péquistes?

Peut-être bien, mais c'est tout de même la gauche qui profitera de son élection

Élection du 8 décembre 2008 - Résultats



Un député, c'est bien, mais sept, cinquante et un ou soixante-six, c'est franchement mieux. Alors, à quoi et à qui pourrait bien servir Amir Khadir, premier et unique représentant de Québec solidaire envoyé à l'Assemblée nationale? Le Dr Khadir, un des deux porte-parole de la jeune formation de gauche avec Françoise David, a battu le vieux routier péquiste Daniel Turp dans Mercier, la circonscription du Plateau Mont-Royal.
Dans son discours d'acceptation de la victoire lundi soir, le libéral Jean Charest a vite salué cette percée qui étire le spectre idéologique parlementaire québécois comme jamais depuis des décennies. Sera-t-il tenté d'instrumentaliser Amir Khadir en lui donnant un maximum de place, afin de nuire au PQ sur son flanc social-démocrate?
«Oui, bien sûr, ce serait tentant, pour Jean Charest de fragmenter l'électorat de gauche, mais, en fait, le Parti québécois pourrait aussi chercher à se servir d'Amir Khadir pour la raison contraire, précisément pour se démarquer d'une gauche nette et se repositionner autour d'un centre modéré», répond Jean-Herman Guay, professeur à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke. La même logique s'est appliquée quand René Lévesque souhaitait le maintien du Rassemblement pour l'indépendance nationale pour se démarquer et clarifier son propre message souverainiste et pour offrir un véhicule aux plus radicaux.»
Le politologue ajoute que, dans notre système électoral, la fragmentation du vote dans une famille politique peut effectivement lui nuire. Il précise surtout qu'au bout du compte, dans le jeu des tactiques et des stratégies, Amir Khadir risque d'abord et avant tout de servir les intérêts de sa propre famille idéologique.
«C'est la gauche qui va le plus tirer profit de son arrivée à l'Assemblée nationale et d'une manière très positive, pas par la négative à force de manipulations des autres formations, dit le professeur Guay. Pour la première fois, la gauche bien présente au Québec depuis longtemps s'incarne là. À travers ce député, les idées en rapport au souverainisme, au pacifisme, au féminisme comme à l'identitaire trouvent une voix. C'est un cocktail de valeurs qui touche environ 15 % des gens, des jeunes, des intellectuels, des artistes et des syndicalistes. C'est une gauche ouverte, non dogmatique, très postmoderne, capable de souplesse.»
En plus, cette «voix» s'incarne dans un contexte très particulier avec la crise financière, le resserrement des réglementations et l'intervention massive à coups de centaines de milliards de l'État dans l'économie. «Le laisser-faire a échoué et nous a amenés dans la crise, termine le professeur. Le contexte mondial donne raison à la gauche, jusqu'à un certain point. De ce point de vue, j'y reviens, c'est la gauche elle-même qui va profiter de la présence d'Amir Khadir à l'Assemblée.»


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