Agriculture - Secouer le monopole

L’UPA est une organisation solide, il serait temps qu’elle cesse d’être frileuse et de prétendre être tout à tous

Agroalimentaire - gestion de l'offre


L'année 2011 offrira-t-elle une bonne nouvelle du côté du gouvernement du Québec? Son Livre vert pour une politique agricole est prêt et, selon La Presse canadienne, il reprend plusieurs recommandations du rapport de la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois, mieux connu sous le nom de rapport Pronovost.
Clair, intelligent, audacieux, le rapport avait été largement salué à sa sortie en février 2008 — de quoi craindre qu'il finisse sur une tablette! Le gouvernement a au contraire poursuivi le travail, notamment sous la gouverne de Claude Béchard dont l'un des derniers mandats fut d'être ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Sa maladie, puis son décès l'automne dernier, auront décalé l'aboutissement du Livre vert.
Mais l'attente s'achève, et le gouvernement Charest semble disposé à frapper un grand coup en acceptant de remettre en question le monopole de l'Union des producteurs agricoles (UPA) alors qu'il a beaucoup dit depuis trois ans qu'il ne s'agissait pas pour lui d'une priorité.
L'UPA n'est évidemment pas d'accord, plaidant la nécessité d'un regroupement syndical unique (qui pourrait être autre que l'UPA, concède toutefois l'organisme) pour que la voix des agriculteurs reste forte. C'est une curieuse arithmétique. Le rapport Pronovost a bien expliqué que nulle part ailleurs, que ce soit province ou pays, on ne retrouve en matière agricole un monopole comme celui de l'UPA. L'Ontario voisine, notre meilleur point de comparaison, compte même trois organisations agricoles accréditées.
En 1972, la toute nouvelle Loi sur les producteurs agricoles avait calqué sa définition d'une association représentative sur le modèle de l'UPA. Il y avait toutefois une lacune: rien n'était prévu pour vérifier de temps en temps si les agriculteurs veulent toujours que ce soit ce syndicat qui les représente. Il y a eu une consultation générale en 1972 et, depuis, plus rien. Donc non seulement la loi prévoit une organisation unique, mais, en plus, elle lui donne «un caractère permanent», comme le souligne le rapport Pronovost. Dans une société démocratique, c'est un absolu qui dérange. Or l'UPA fait des mécontents et ne répond plus à l'ensemble des besoins actuels.
Mais l'un de ces mécontents, l'Union paysanne, rechigne à son tour: elle voudrait que Québec impose la pluralité. Dans une société démocratique, c'est une exigence qui étonne: laissons plutôt les principaux concernés s'exprimer à ce sujet. Le gouvernement doit toutefois veiller à ce que la consultation ait du sens et ne soit pas laissée aux mains de l'UPA. Il faut que le directeur général des élections, déjà mentionné dans le rapport Pronovost, préside au processus afin de s'assurer que les positions de chacun soient traitées en toute équité.
Le rapport Pronovost ne faisait pas de la fin du monopole syndical une recommandation-clé, mais le prônait par souci de cohérence avec l'ensemble de ses 49 recommandations, axées sur la souplesse et la diversité dans la gestion agricole, qui doit à la fois prévoir l'exportation de masse et le développement de produits de niche. L'UPA est une organisation solide, il serait temps qu'elle cesse d'être frileuse et de prétendre être tout à tous.
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jboileau@ledevoir.com


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