Rapport Duchesneau

Agir en chef d'État

Comment demander à un PM qui agit en chef-de-gang de réagir en Chef d'État?



Invité au congrès de la Fédération québécoise des municipalités, Jean Charest a pu prendre la mesure hier de l'exaspération des maires devant son refus d'instituer une enquête publique sur l'adjudication des contrats de travaux publics. Il a pu entendre leur cri du cœur alors que d'un bloc, les 2000 élus présents ont applaudi leur président qui rappelait le premier ministre à son «devoir de chef d'État». Réagira-t-il?
Oui, Bernard Généreux a bien dit. C'est bien cela que les Québécois en général, tout comme les élus municipaux en particulier, attendent. Que Jean Charest agisse en chef d'État! Cette fonction est celle bien sûr du lieutenant-gouverneur constitutionnellement. Dans la pratique toutefois, les rôles de chef du gouvernement et de chef de l'État se confondent au Québec, car vers qui d'autre que le premier ministre pourrait-on se tourner lorsque les intérêts supérieurs de la nation sont en cause? Dans de telles circonstances, on attend qu'il mette de côté toutes considérations d'intérêts particuliers ou partisans qui sont le lot quotidien d'un premier ministre et fasse preuve d'élévation.
Prendre une décision comme celle que l'on attend de Jean Charest n'est évidemment pas facile, car justement, il faut arriver à mettre de côté tout ce qui est intérêt particulier et accepter qu'elle puisse déstabiliser le gouvernement. Référons à cet égard à la difficile décision prise par Robert Bourassa en 1989 alors qu'il invoqua la clause dérogatoire pour protéger la loi 101. Il lui en coûta une crise politique avec le départ de trois ministres anglophones et l'appui de premiers ministres provinciaux à l'accord du lac Meech.
Dans le cas présent, on sait que la tenue d'une enquête publique pourrait exposer le Parti libéral et le gouvernement Charest à des difficultés. Mais le bien commun est au-delà de cet intérêt particulier. Le bien commun est la nécessité d'un redressement moral, car le président de la FQM l'a bien rappelé hier à Jean Charest: la gangrène menace les institutions québécoises.
Les élus municipaux savent bien ce que sont les effets de la collusion érigée en système. La présomption de culpabilité commence à planer sur tous les élus, sans distinction. Les citoyens savent que dans le monde municipal existe un système d'élections clés en main assuré par des entreprises de services professionnels (bureaux d'avocats ou d'ingénieurs). Ils savent que des enquêtes sont ont eu lieu ou sont en cours à Boisbriand, Mascouche, Laval, Saint-Jérôme. Qu'à Montréal, il y a eu le scandale des compteurs d'eau. Qu'un ancien ministre péquiste a prétendu avoir été l'objet d'une tentative de corruption par le maire de Laval, Gilles Vaillancourt. Comment alors distinguer élus honnêtes et corrompus? Tous ne sont pas atteints, mais tous sont malades de cette peste. (sic)
Jean Charest a réagi avec calme devant l'accueil reçu des élus municipaux. Il a dit à nouveau vouloir explorer toutes les pistes. En fait, de pistes il n'y en a guère, si ce n'est poursuivre le travail policier ou déclencher une enquête publique en vertu des règles habituelles. C'est la voie qu'il a choisie quand son honneur personnel a été attaqué par l'ancien ministre Marc Bellemare. Difficile de comprendre qu'il hésite à faire de même quand c'est l'honneur du Québec qui est en cause. Ces prochains jours, il sera en visite officielle en France, où il sera reçu comme un chef d'État. Ce voyage devrait être l'occasion de prendre du recul et réfléchir à la responsabilité qui lui incombe à ce titre.


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