par Normandin, Pierre-André
Si l'OTAN craint de perdre la confiance des Afghans, le gouvernement de Kaboul craint davantage encore de perdre celle de ses alliés. Dans un effort pour gagner l'adhésion de la population canadienne - et surtout québécoise - , un ministre afghan en visite supplie le Québec d'aider son pays à retrouver sa fierté.
"Nous ne sommes pas fiers d'avoir des forces étrangères sur notre sol. Nous retrouverons notre fierté seulement lorsque nous pourrons reprendre pleinement nos affaires en main", dit le ministre afghan du Développement rural, Mohammed Ehsan Zia. Lors d'une entrevue exclusive accordée au Soleil, ce spécialiste de la reconstruction appelle le Québec à l'aide.
"Pour la première fois de notre histoire, nous avons l'occasion de fonder un pays démocratique. Pour y arriver, nous devons consolider nos institutions. Et pour ce faire, nous avons besoin de l'aide de la communauté internationale, du Canada et du Québec", plaide le ministre afghan des Régions.
Aujourd'hui, 120 soldats supplémentaires de Valcartier s'envolent vers Kandahar, portant à près de 200 le nombre de Québécois dans le pays asiatique. À huit mois du déploiement du 22e Régiment en Afghanistan, Mohammed Ehsan Zia veut convaincre les Québécois que leurs sacrifices ne seront pas vains.
Les progrès sont lents, reconnaît le ministre, mais ils existent. "Nous n'avançons pas un pas à la fois, nous avançons sur plusieurs fronts à la fois", assure-t-il.
Diplômé en "reconstruction postconflit" de l'Université York en Grande-Bretagne, Mohammed Ehsan Zia doit mener à bien l'un des plus difficiles mandats de l'administration Karzai : étendre les tentacules du gouvernement de Kaboul en régions.
S'il assure être en mesure de desservir 80 % de sa population, il admet connaître des ratés, notamment en raison des mauvaises infrastructures du pays. Et il est bien conscient qu'il serait impuissant sans "bras canadien" pour tendre la main à ses citoyens des provinces du sud.
Deux jours avant de s'envoler pour le Canada, le ministre a d'ailleurs visité Kandahar, où les 2500 soldats canadiens sont déployés depuis le début de 2006. "Les gens du district de Panjwai sont très satisfaits du travail des Canadiens, de la façon dont ils agissent avec eux. Les soldats travaillent avec les locaux, les rencontrent et écoutent le gouverneur provincial, particulièrement quand il est question des projets de reconstruction."
La situation y demeure néanmoins tendue.
Mohammed Ehsan Zia croit que les Canadiens font la différence dans le développement du sud de son pays. L'équipe provinciale de reconstruction (EPR) ne bâtit pas tant des écoles ou des cliniques, faciles à détruire, mais forme plutôt les employés du gouvernement. Une sorte d'investissement à long terme aux yeux du ministre puisque les Afghans sont plus rapidement à même de prendre leur destinée en main.
Flèches aux ONG
Le ministre afghan n'a pas dissimulé son irritation devant les critiques des organisations non gouvernementales (ONG) envers le travail humanitaire de l'OTAN. Encore la semaine dernière, une coalition européenne invitait les militaires à se limiter à assurer la sécurité, pas à distribuer l'aide. Ces groupes craignent que leurs employés soient pris pour cibles par les talibans.
"L'OTAN est présent dans des régions abandonnées depuis longtemps par les ONG en raison des problèmes de sécurité. Les opérations militaires permettent justement à l'aide d'y être enfin acheminée, martèle le ministre Zia. De l'eau est de l'eau, peu importe qui la distribue."
panormandin@lesoleil.com
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