MONTRÉAL -- 15 novembre 1976. La foule est survoltée. Le toit du Centre Paul-Sauvé est sur le point de se soulever. Le Parti québécois vient d'être porté au pouvoir. L'avenir nous appartient. Nous y croyons dur comme fer. Nous sommes à l'aube d'un jour nouveau où le Québec, ce pays nié et méprisé, se lèvera avec fierté pour clamer son identité et son désir de prendre sa place dans le cercle des nations.
Nous allons enfin redresser l'échine, relever la tête, assumer notre réalité telle qu'elle se présentera. Nous allons aussi tendre la main à tous ceux qui nous entourent en leur demandant de partager la joie que nous ressentons de devenir enfin adultes. Nous offrirons notre collaboration à tous ceux et celles qui voudront bien nous accompagner dans l'extraordinaire aventure de mettre au monde un pays.
Nous croyons qu'il suffira de montrer ce dont nous sommes capables, la somme de travail que nous sommes prêts à abattre et la valeur de ce qui nous appartient. Puis, nous proposerons aux hommes et aux femmes de ce pays en devenir de reprendre entièrement en main l'essor culturel, économique et social de cette nation en ébullition qu'on nomme la nation québécoise. Nous avons survécu, nous allons maintenant prendre la place qui nous revient.
Tais-toi, Québec!
Tais-toi. C'est ce que crie le Canada. L'opposition s'organise. Les couteaux s'aiguisent. La peur est venue ronger la belle confiance de 1976. Ils s'appelaient Trudeau, Chrétien et Ryan. Ils s'étaient donné pour mission de couper les ailes à tous ceux qui proposaient aux Québécois de sortir des ornières dans lesquelles le fédéralisme les avait plongés. Lévesque, Parizeau, Lorrain, Bourgault et tous les autres beaux fous, libérateurs de peuple, ont mordu la poussière. 1980.
L'année 1976 était déjà loin. Mais l'idée d'indépendance était toujours vivante. Comme elle l'est encore aujourd'hui, 30 ans plus tard.
On ne peut pas plus empêcher la naissance d'un peuple qu'on peut empêcher une femme d'accoucher quand le moment est venu. Le reste n'est que du temps perdu.
2006
Trente ans ont passé. On discute encore à savoir si le Québec forme une nation. Le reste du Canada gronde et bombe le torse. Même Jean Charest, ancien chef conservateur devenu libéral, ne sait plus sur quel pied danser. Il a déjà affirmé, lors d'un voyage en France, que le Québec formait une nation. Ici, il fait semblant de ne plus le savoir.
Le ministre Béchard a été invité à jouer les potiches à Nairobi et à se la fermer sur les suites que le Québec entend donner au protocole de Kyoto afin de ne pas faire perdre la face au Canada et à madame Ambrose. Le Québec n'existe pas sur le plan international, même quand il fait des bons coups. Surtout quand il fait des bons coups.
Pour ne pas embarrasser le gouvernement canadien et monsieur Harper, il faudra bientôt aussi oublier le déséquilibre fiscal. On a déjà commencé à nous expliquer qu'il faudra bientôt effacer l'ardoise du fédéral, car ça commence à faire suer le Canada tout entier.
L'humiliation du Québec qui semble servir de ciment au reste du Canada nous rapetisse et nous bouche l'horizon. Trente ans déjà que nous tendons l'autre joue. Malgré les déclarations d'amour de 1995, nous sommes toujours comme la servante qui ramasse les miettes.
Le Canada, ses élus, même ceux du Québec, conservateurs, libéraux ou néo-démocrates, ses institutions, ses journaux, ses élites continuent de s'essuyer les pieds sur une nation qui n'a pas encore eu le courage de dire: Enough is enough! Ce sont pourtant les seuls mots qu'ils comprendraient vraiment. Pour nous, ça voudrait dire: passons enfin à autre chose. Nous avons déjà perdu 30 ans.
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