Trente ans après sa première victoire électorale, le Parti québécois n'aurait aucune raison de rougir de son bilan comme gouvernement du Québec. Si ce n'était d'un gigantesque paradoxe pour un parti qui veut réaliser la souveraineté du Québec : la plupart de ses grandes réalisations l'auront, dans les faits, éloigné de son objectif principal.
Le bilan législatif du PQ est impressionnant. Plusieurs de ses réformes ont marqué de façon profonde la société québécoise et, même dans la gestion quotidienne de l'État québécois, ce bilan est largement positif.
Il est impossible de souligner le trentième anniversaire du 15 novembre 1976 sans penser aux réalisations impressionnantes du premier mandat de René Lévesque : la Loi sur le financement des partis politiques, le zonage agricole et la réforme de l'assurance automobile. M. Lévesque s'était fait élire comme un «bon gouvernement» qui s'occuperait de la question nationale à part, lors d'un référendum.
On connaît le reste de l'histoire : les péquistes ont perdu le référendum de 1980, mais ils ont été réélus avec une forte majorité en 1981, sur la base de leur bilan de gouvernement et même si les électeurs venaient de défaire l'option fondamentale du PQ.
Dans les faits, les électeurs venaient d'établir une distinction qui a été déterminante pour l'option souverainiste : il était possible de voter pour le PQ sans s'engager pour la souveraineté.
Mais revenons au bilan du PQ. Ce fut surtout la loi 101 qui a marqué ce premier mandat et qui en reste, encore aujourd'hui, l'héritage le plus précieux. Une loi qui, on a tendance à l'oublier aujourd'hui, a mis fin à plus d'une décennie de fortes tensions et de conflits, surtout à Montréal. Depuis son adoption, et malgré le fait que certaines de ses parties aient été invalidées par la Cour suprême du Canada, l'essentiel de la loi 101 demeure et nous a donné deux décennies de paix linguistique.
Si la loi 101 est sans doute la plus belle réalisation du PQ, elle est aussi celle qui l'a le plus éloigné de son objectif de réaliser la souveraineté du Québec. En assurant la sécurité linguistique et culturelle du Québec francophone, elle aura rendu la souveraineté moins nécessaire dans l'esprit de bien des Québécois.
C'est une théorie qui court depuis plusieurs années déjà : le PQ, en adoptant la loi 101, a été, en quelque sorte, son pire ennemi puisque la première justification de la souveraineté du Québec avait toujours été la préservation de la langue et de la culture française dans cette seule nation à majorité francophone en Amérique du nord. Pas étonnant que Stéphane Dion, par exemple, ait déjà affirmé qu'il considérait la loi 101 comme une «grande loi canadienne».
Mais c'est une théorie qui peut facilement s'étendre à d'autres secteurs.
Le PQ a un bilan législatif très riche, qui se compare facilement à celui de la Révolution tranquille. Il y a eu des erreurs, comme la nationalisation de l'amiante, certes, mais le bilan législatif du PQ est plus qu'honorable. Quand il était au pouvoir, a contribué à faire avancer le Québec.
Sauf qu'il faut constater que toutes ces avancées ont été effectuées dans le système fédéral canadien et sans qu'il soit nécessaire de faire la souveraineté du Québec.
Bien sûr, on peut dénoncer les intrusions fédérales dans des champs de compétence des provinces, le déséquilibre fiscal ou le fait que le Québec n'ait pas signé la constitution de1982. Tous ces problèmes du fédéralisme canadien sont réels et ne peuvent être banalisés.
Mais il faut constater aussi que rien dans la constitution canadienne n'a empêché René Lévesque d'engager ses réformes et que les récents gouvernements du Parti québécois de créer deux des programmes sociaux les plus avancés et novateurs de l'histoire récente au Canada, soit l'assurance médicaments et les garderies à 5$ par jour. Dans le cas des garderies, cela s'est même fait avec la complicité ouverte du gouvernement fédéral de nul autre que Jean Chrétien.
Pour la prochaine élection, André Boisclair a affirmé vouloir faire de l'éducation sa première priorité. Encore une fois, il s'agit d'une juridiction provinciale et rien, ni personne ne pourra l'empêcher d'agir à sa guise dans ce domaine. Tout ce que M. Boisclair pourrait dire, c'est qu'avec la souveraineté, le Québec pourrait avoir plus de ressources à consacrer à sa priorité, mais c'est tout.
Quand on fait le bilan de ces 30 ans, il est impossible de ne pas noter le paradoxe : le PQ a plutôt bien gouverné le Québec et n'a pas été empêché de faire progresser le Québec par le fédéralisme canadien. Par contre, il n'a jamais réussi à réaliser son objectif fondamental, soit de faire du Québec un État souverain.
Les gouvernements du PQ ont-ils été les ennemis objectifs de la souveraineté? Peut-être bien. De toute façon, dans ce pays, on n'en est pas à un paradoxe près...
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