La confiance de dire oui

Le PQ remporte les élections: 30e anniversaire


Il y aura trente ans ce soir, René Lévesque prenait la parole devant un Centre Paul Sauvé en liesse pour marquer l'élection d'un premier gouvernement du Parti Québécois. Les témoignages de ceux qui y étaient mentionnent invariablement l'euphorie du moment, le sentiment d'optimisme et de libération, l'impression que le pays était à portée de main...
Au-delà de l'effervescence, ce sont deux phrases de René Lévesque que l'histoire aura retenu de cette soirée, deux phrases qui resteront à jamais gravées dans notre mémoire collective : « Je n'ai jamais pensé que je pourrais être aussi fier d'être Québécois que ce soir » et « On n'est pas un petit peuple, on est peut-être quelque chose comme un grand peuple ».
En relisant le discours de M. Lévesque, c'est toutefois une troisième phrase qui m'est apparue la plus significative, celle où il affirme que : « (...) le pays du Québec viendra uniquement quand une société adulte, confiante en elle-même, l'aura approuvé avec une majorité claire et démocratique (...) ».
C'est là le propos d'un homme qui réalise qu'il n'y a rien d'acquis dans cette victoire et que le vrai travail reste à faire. Un homme qui réalise que ce n'est pas le Parti Québécois qui fera la souveraineté, mais bien le peuple québécois.
Or, René Lévesque connaissait bien le peuple québécois.
Bernard Landry a souvent raconté comment, en 1969, quand René Lévesque lui a demandé d'être candidat, il l'avait averti qu'il faudrait environ une génération pour faire la souveraineté.
Au moment de l'élection du Parti Québécois, donc, on était encore loin du compte et René Lévesque s'en doutait bien. Pour poursuivre la métaphore, le Québec de 1976 était à quelque part entre l'adolescence et l'âge adulte.
Le Québec avait commencé à s'affranchir, avec la Révolution tranquille, en se dotant des outils et des institutions pour prendre en main son destin économique, social et culturel, mais il n'avait pas encore franchi tout le chemin nécessaire. Le Québec des années 1970 commençait à maîtriser les outils dont il s'était doté, mais il n'était pas encore en pleine possession de ses moyens. Mais, surtout, le Québec n'avait pas encore pleinement confiance en ses moyens. C'est du moins ce que nous avons été forcés de constater quatre ans plus tard, en 1980.
Cette première élection du Parti Québécois aura donc été une étape nécessaire, voire historique, de notre prise en mains collective, mais elle ne pouvait, en soi, être une étape suffisante pour offrir au Québec la liberté ultime.
Il restait en effet encore beaucoup de travail à faire pour convaincre la population du Québec que nous avions véritablement les moyens de faire la souveraineté. Comme l'a dit René Lévesque, dans ce même discours : une dizaine d'années, c'est vite dans l'histoire d'un peuple.
Or, où en sommes-nous 30 ans plus tard?
Depuis le 15 novembre 1976, les Québécoises et les Québécois ont vu leurs entreprises devenir des leaders mondiaux dans de nombreux domaines allant de l'aéronautique à la biotechnologie, en passant par les technologies de l'information. Ce faisant, ils ont vu notre économie s'ouvrir alors que la proportion des exportations dans notre PIB a pratiquement doublé depuis 30 ans.
Ils ont vu nos metteurs en scène, nos artistes de cirque, nos médecins et nos chercheurs s'affirmer parmi les meilleurs au monde.
Ils ont vu le nombre de décrocheurs scolaires baisser des deux tiers et le pourcentage de bachelières et bacheliers doubler au cours de cette période.
Ils ont assisté à une révolution du rôle des femmes sur le marché du travail, alors que celles-ci sont passées d'un tiers de la population active en 1976 à près de 50 % aujourd'hui.
Ils ont vu le visage du Québec changer, alors qu'on attire aujourd'hui chaque année environ 70 % plus d'immigrantes et d'immigrants que dans les années 1970.
Ainsi, ils ont vu un Québec plus ouvert sur le monde ainsi que sur la différence au sein de sa propre société.
Bref, nous avons tous aujourd'hui encore plus de raisons d'être fiers d'être Québécois que René Lévesque pouvait en avoir le 15 novembre 1976.
Un grand peuple avec de grands défis
À son départ de la vie politique, en 1985, on a demandé à René Lévesque ce qu'il souhaitait comme avenir au peuple québécois. Il répondit : « Qu'il se rende compte d'un fait primordial : qu'il est probablement un des deux ou trois peuples les plus le fun, les plus intéressants et les plus capables aujourd'hui ».
En d'autres mots, qu'il était quelque chose comme un grand peuple.
Un grand peuple qui est aujourd'hui aux prises avec de grands défis.
Trente ans après la première élection du Parti Québécois, nous devons en effet faire face à une conjoncture bien différente de celle de 1976. Alors qu'à l'époque, les baby boomers faisaient leur entrée sur le marché du travail, aujourd'hui, ils prennent leur retraite. Alors qu'en 1976, la Chine mettait fin à sa Révolution culturelle et enterrait Mao, elle est aujourd'hui une redoutable puissance économique, capable de nous faire concurrence dans pratiquement tous les domaines. Et c'est sans parler des changements technologiques qui ont eu pour effet de réduire les distances et de faire tomber les frontières.
Bref, nous ne pouvons pas, comme État ou comme société, appliquer les mêmes solutions qui ont assuré notre progrès jusqu'ici. Nous devons regarder vers l'avenir et trouver de nouvelles façons de faire qui soient adaptées aux réalités d'aujourd'hui.
La souveraineté dans un contexte de mondialisation
C'est ainsi, notamment, qu'il nous faut continuer d'expliquer comment la mondialisation et la concurrence intense des économies émergentes rendent la souveraineté du Québec plus actuelle et nécessaire que jamais.
Par exemple, si, en 1977, on pouvait voter une loi à l'Assemblée nationale pour assurer la prédominance du français, aujourd'hui, c'est dans les forums internationaux qu'on discute de l'opportunité de subjuguer les mesures de protection culturelle et linguistique aux accords sur le commerce. Dans ce contexte, le Québec peut-il vraiment se permettre de laisser un autre s'exprimer à sa place sur une question aussi cruciale?
Il en va de même, comme nous l'avons vu au cours des derniers jours, pour des enjeux comme les changements climatiques où, malgré un important consensus québécois, nous sommes réduits à arpenter les corridors pour faire valoir notre point de vue et nos intérêts.
Bref, il est de plus en plus clair que, pour avoir prise sur les décisions et les enjeux qui nous concernent, il faut être assis à la table des nations, là où ça se décide.
Tous ces enjeux se décident de moins en moins dans un débat entre libéraux et péquistes ou entre Québec et Ottawa. Ils se décident dans le monde et c'est là qu'il faut être si nous voulons véritablement prendre notre destin en mains.
La confiance de dire oui
Or, contrairement à celle de bien d'autres nations au cours de l'histoire, la souveraineté du Québec a l'avantage de pouvoir se décider démocratiquement et sans violence. Il suffit simplement qu'assez de personnes mettent une croix sur un bulletin de vote et ça y est. Même pas besoin de demander la permission.
La souveraineté, c'est au peuple québécois de la décider. C'est à lui de la faire.
Tout ce que ça prend, c'est la confiance de dire oui.
Hélas, c'est ce qui nous a longtemps manqué et René Lévesque en était conscient.
Aujourd'hui, 30 ans après la première élection du Parti Québécois, plus personne ne doute que nous ayons les moyens de faire la souveraineté. C'est un progrès énorme.
Souhaitons, qu'inspirés de leurs succès, les Québécoises et les Québécois auront bientôt la confiance de dire oui au pays du Québec, oui à leur liberté.


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 novembre 2006

    Pour dire OUI, il faut que la question soit posée lors d'un référendum. Il est primordial que les dirigeants du PQ gagnent la confiance du peuple en nous expliquant, lors de la prochaine campagne électorale, quelle forme de pays sera le nôtre et comment il sera gouverné. Une campagne vigoureuse, axée sur les avantages et bienfaits de la souveraineté, tout en démontrant les failles et désavantages du système fédéral où les anglo-canadians nous perçoivent comme une minorité colonisée, devrait permettre au PQ de remporter la prochaine élection avec plus de 50% des votes.
    Il faut que le prochain Premier Ministre ou Président du Québec soit celui d'un vrai pays. Nous méritons mieux qu'un gérant de succursale qui ne peut prendre de décisions sans l'autorisation du Bureau-Chef d'Ottawa, de peur de se faire couper les vivres. Il est donc impératif qu'un référendum soit fait le plus tôt possible après une élection du PQ, surtout s'il obtient la majorité des votes. La question devrait être simple et claire, demandant simplement l'accord pour faire un Québec souverain, tout en évoquant la volonté de permettre un droit de passage de biens et personnes entre les Maritimes et le reste du Canada, pour que les Québécois puissent dire OUI en toute confiance

  • Archives de Vigile Répondre

    15 novembre 2006

    L'indépendance appartient au peuple, dixit Boislair... Il veut qu'on dise OUI à quoi et quand?
    Si tous ces beaux mots sont vrais, que le Parti québécois m'explique pourquoi, en 1995, lors du deuxième référendum, la question ne portait pas sur l'indépendance, tout comme en 1980? Pourquoi, si les négociations confédérales échouaient en 1995, l'Assemblée nationale s'arrogeait le droit de voter unilatéralement l'indépendance sans revenir devenant le peuple, pour luidemander s'il la voulait?
    Si Boisclair est sérieux, s'il veut vraiment faire l'indépendance du Québec, pourquoi ne dit-il pas tout de suite quelle question il va poser lors de son hypothètique référendum? Les Québécois veulent savoir. Et savoir tout de suite. Ils ne veulent plus de chèque en blanc...à un parti qui dit et qui ne fait jamais.
    J'attends la réponse à ces deux questions. Et je les reposerai sans cesse, tant et aussi longtemps que je n'aurai pas eu de réponse.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 novembre 2006

    Les dirigeants du PQ doivent faire de la souveraineté l'un des enjeux clairs de la prochaine élection et démontrer eux-mêmes la confiance de dire oui. L'article d'André Boisclair est très intéressant et stimulant à cet égard.
    Je suis de ceux pour qui un vote pour le PQ est un feu vert à l'actualisation des études de 1995 sur la souveraineté et à l'utilisation des ressources de l'État pour l'atteinte de l'objectif de créer un nouveau pays. Parizeau avait bien compris le lien à faire entre les deux et l'importance d'orienter les ressources publiques afin qu'elles contribuent au «nation building» québécois.
    Là où je suis plus prudent, c'est dans les moyens utilisés pour l'atteinte de l'objectif. Je crois qu'il faut laisser une certaine souplesse au chef. Il ne faut pas se laisser aveugler par des positions doctrinaires. Il faut plutôt comprendre l'importance de l'unité québécoise face à l'adversité. Boisclair, à l'instar de ses prédécesseurs, a vu le danger d'exposer ses atouts aux autres joueurs. Le forcer à jeter cartes sur table serait suicidaire.

  • Normand Perry Répondre

    15 novembre 2006

    Pour une très rare fois André Boisclair est parvenu à m'étonner positivement, faut-il bien le comprendre.
    Cette analyse d'André Boislcair trouvera toute sa cohérence que si ce dernier a le courage nécessaire de reprendre l'essence même de son propos lors de la prochaine campagne électorale au Québec.
    En ce sens, le respect du programme du Parti québécois, adopté par la très grande majorité des membres en juin 2005, surtout dans son chapitre numéro un, sera la plus grande preuve de cohérence entre son discours et son agir, et sera la meilleure façon d'exprimer cette confiance de dire oui et ainsi inspirer le plus grand nombres de gens au Québec à imiter cette attitude. Sinon, que sert-il à un individu d'être chef d'un parti souverainiste s'il ne conscent point à prêcher par l'exemple ?
    Autrement, toute pensée, toute parole et tout discours souverainiste n'est que pure futilité. En politique, il faut avoir le courage de vivre et mourir avec et pour ses idées !