Zéro suspense

Michael Ignatieff, saura bien trouver le moyen de se boucher le nez et de ne pas faire tomber le gouvernement Harper.

Coalition BQ-NPD-PLC


Je persiste et signe à nouveau ce que j'écrivais dans mon blogue le 8 décembre dernier: "Avec Iggy, une chose est sûre: cette belle idée d'une coalition de centre et de centre-gauche rendrait officiellement son dernier souffle. R.I.P. la coalition."
Traduction: question d'éviter de déclencher des élections ou, surtout, de se retrouver obligé de gouverner à la tête d'une coalition PLC-NPD appuyée par le Bloc, le nouveau chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, saura bien trouver le moyen de se boucher le nez et de ne pas faire tomber le gouvernement Harper. L'analyse politique n'est certainement pas une science exacte. Tout est donc possible. Mais à moins d'un accident de parcours ou d'une méga-gaffe de Stephen Harper, le budget de Jim Flaherty, bon ou mauvais, passera. Et le gouvernement minoritaire conservateur survivra. Encore une fois. Zéro suspense!
C'est que M. Ignatieff a beau faire des mamours au NPD et au Bloc en public, cette homme connu pour ses positions de centre-droite préférerait probablement se désagréger dans une marmite d'huile bouillante à la perspective d'avoir à partager le pouvoir avec six ministres du NPD, le tout en devant compter sur l'appui du Bloc pour survivre à chaque vote de confiance! Dites-vous bien que lorsque M. Harper dénonce l'alliance des libéraux avec les "socialistes" du NPD et les "séparatistes" du Bloc, Iggy n'est pas loin d'en penser la même chose. Bref, si j'étais Gilles Duceppe ou Jack Layton, je ne m'attendrais pas trop à recevoir une carte de la Saint-Valentin signée "Iggy with love"...
Maintenant, parlons argent. Non seulement M. Ignatieff souffrirait d'avoir à gouverner avec le NPD pour des raisons idéologiques, mais une petite voix doit aussi lui susurrer à l'oreille que s'il devait ouvrir les portes du pouvoir fédéral à un parti de "gauche" pour la première fois de l'histoire du Canada, le PLC n'aurait pas le moindre espoir de reconquérir un jour l'appui de la grande entreprise de Bay Street, partie, pour le moment, brouter dans les pâturages du PC de Harper.
L'AUDACE
C'est d'ailleurs un calcul que Stéphane Dion ne semble pas avoir fait. À moins qu'il n'ait été persuadé qu'une fois au pouvoir, l'argent reviendrait naturellement dans les coffres libéraux. Ce qui nous amène à un des thèmes obamiens du jour: l'audace. Sans comparer aucunement l'ancien chef du PLC à Barack Obama, il reste que la création même de cette coalition était dans les faits un geste d'une grande audace. Dans le sens le plus noble du terme. Le genre d'audace dont peu sont capables, même lorsque les circonstances le commandent. De plus, si la gouverneure générale avait refusé à M. Harper sa demande de proroger le Parlement pour lui éviter de perdre le pouvoir à la suite d'un vote de non-confiance, Stéphane Dion aurait remporté son pari face à l'histoire. Car il aurait réussi à unir, ne serait-ce que temporairement, les partis de centre et de gauche face à une droite, elle, résolument unie.
Ce type d'"audace" ne semble pas être tout à fait la tasse de thé d'un Michael Ignatieff...
LE PARI DE LA RECONSTRUCTION
Iggy semble plutôt vouloir opter pour la reconstruction du PLC. Ce qui ne sera pas de la tarte, non plus! Le voilà donc quand même tentant de s'inspirer du lexique obamien. "Espoir" et "changement" sont ses deux mots-clés. Mais pour le moment, il les réserve au Parti libéral.
Il vient tout juste de créer une "commission du changement" et un "comité spécial chargé du renouveau du parti". Non tant pour renouveler la vision libérale que pour tenter de réparer la machine dysfonctionnelle du parti. De fait, la réalité pour le PLC est cruelle: le scandale des commandites, l'impact cumulé de dix ans de divisions internes féroces, de même que la détermination de Harper à détrôner le PLC pour longtemps, font que ce parti n'est plus que l'ombre de lui-même. Donc, face à la très grosse, très sophistiquée et très riche machine bleue de Harper, le mandat de "changement et de renouveau" est en fait celui de renflouer les coffres libéraux et de "moderniser" ses stratégies de communication. Traduction: même avec des moyens limités, le PLC tentera de faire comme le PC, soit monter des bases de données pointues aptes à identifier les segments de l'électorat à conquérir et les mesures capables de les séduire. Cela voudra dire mieux utiliser les nouvelles technologies pour remobiliser les libéraux, mais aussi pour occuper le terrain de l'opinion publique tout en la sondant.
Dans cette guerre, le Québec, encore une fois, sera un terrain de bataille privilégié. Après y avoir mangé toute une raclée à la dernière élection, Harper tente de se monter une organisation "québécoise", donc moins téléguidée par Ottawa. Sa mission? Vous l'aurez deviné. Ce sera de développer ici "les nouvelles technologies, notamment les bases de données, les sondages et les groupes de discussion" (Le Devoir, 20 janvier).
En d'autres termes, avec M. Ignatieff prenant le même virage, Harper et ses conseillers auront réussi à imposer une "nouvelle" manière de faire de la politique à Ottawa. Cette manière, je l'ai déjà qualifiée de "clientélisme chirurgical". C'est la "science" du découpage de l'électorat en sous-groupes d'opinion auxquels les partis répondent par calcul, et rarement par principe. Vous me direz qu'user des "nouvelles technologies" est un incontournable. D'accord. Mais la question devient alors: "Dans quel but?" Si elles servent d'outil pour enrichir et ensuite mieux communiquer un corpus solide d'idées et de convictions, c'est une chose. Mais lorsque l'outil ne sert qu'à "vendre" un parti, ou pire, à camoufler ses véritables intentions, alors là...


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