CHRONIQUE DE LA CROQUEUSE DE MOTS (4)

Vous avez dit... "dénationalisation" ?

Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

Oh! Voici que, cherchant un autre mets à croquer, je vois qu'on apporte sur la table un nouveau plat, côté desserts: un superbe gâteau en forme de livre! C'est celui de Mathieu Bock-Côté, ["La dénationalisation tranquille"->rub573]. Quel beau titre! Et si juste, si vrai!
->rub573]Cette dénationalisation, Bock-Côté l'analyse en trois étapes: 1) la question linguistique et la dénonciation, par des souverainistes mêmes, du "nationalisme linguistique" (!!!), 2) l'abandon bloquiste de la notion des deux peuples fondateurs (!!!), et 3) l'affaire Michaud. Quant à moi, c'est la dernière que j'ai pleinement vécue et dont je me suis surtout aperçu: fin de l'an 2000, ce blâme unanime à l'Assemblée nationale - [la première grande cause que j'ai défendue - avec l'apparition subséquente de la notion de "nationalisme civique". C'est à peu près à ce moment-là que, comme tant d'autres, j'ai baissé les bras, que je me suis laissée endormir par ce soi-disant "discours d'ouverture" et "discours d'inclusion", et que, dans un tel contexte, où il ne peut plus et ne doit plus être question de notre peuple et de notre histoire (pour ne pas être une ou un vulgaire et méprisant "ethnique", n'est-ce pas?), mes ailes de l'indépendance du Québec ont fondu comme celles d'Icare s'approchant trop près du soleil. Car à quoi bon l'indépendance, si on oublie, si on s'oublie et se renie?
Premier réveil: le 24 juillet 2007, jour du 40e anniversaire du célèbre "VIVE LE QUÉBEC LIIIIBRE!" de Charles de Gaulle, qui a presque été passé sous silence et ce, surtout par celui qui devrait être le plus intéressé, à savoir le Parti Québécois, le parti souverainiste du Québec. Un silence quasi impardonnable, une erreur, un autre flagrant manque de courage de la part de ce parti. J'ai souvent réentendu ce discours dans son intégralité et, chaque fois, des larmes coulent sur mes joues, des larmes de bonheur, de joie intense et, surtout, de fierté! Comme celle que j'ai éprouvée le 24 juillet 1967, alors que j'étais en France, dans un terrain de camping, et que j'ai écouté le discours du général de Gaulle à la radio: je jubilais! Enfin, désormais, quand je disais "Je suis Québécoise", on comprenait où j'habitais et je n'avais plus besoin de préciser "Canadienne française" pour me faire situer dans le monde. - La devise du Québec étant: "Je me souviens" - ou, plutôt: "Je ne me souviens plus!" - la vidéo de ce discours devrait être diffusée tous les 24 juillet, ou le 24 de chaque mois, me suis-je dit. Car, le progrès étant ce qu'il est, maintenant, allez dire ailleurs que vous êtes du Québec... On vous répond: "Ah! du Canada!"
Deuxième réveil (après un doute sérieux précédant le premier réveil): la saga des accommodements déraisonnables et celle d'Hérouxville (deuxième grande cause que j'ai défendue), traitée aujourd'hui par la Commission B-T à laquelle je m'intéresse de très près, qui m'a rappelée à mon identité première et à ce NOUS dont je fais partie. Un nous soi-disant interdit de prononcer? - [A bas le terrorisme verbal->9337], ai-je dit! J'ai, moi aussi, le droit de dire nous!
Phase finale, le réveil complet, je suis à nouveau debout: depuis quelques semaines, plus précisément depuis le début des travaux de la Commission B-T, je me rends compte que le discours change, se nuance et, voire, se transforme assez radicalement. Nous renaissons! Nous parlons! Nous nous souvenons! Nous retrouvons qui nous sommes! Par le fait même, on nous reconnaît et nous tassons tranquillement cette notion de nationalisme "civique" (opposé bêtement au nationalisme "ethnique"), cette notion de "nationalisme civique" vide de sens, de substance, d'ÉPAISSEUR, dit Bock-Côté, et qu'on essaye de remplir par une opposition droite (Canada) / gauche (Québec) - (je suis morte de rire), ou de fonder sur une simple Charte québécoise des droits qui serait "porteuse d'un projet de société" - (rien de moins!), ou de proclamer un ensemble de valeurs dites spécifiquement québécoises, mais aux étranges allures de valeurs universellement reconnues... (Encore, et encore plus morte de rire!)
- De quoi fouetter nos ardeurs souverainistes, n'est-ce pas! - La nature a horreur du vide, et moi aussi, d'ailleurs, et je vais donc voir ailleurs où je suis, - autour de cette table-buffet.
Revenons donc à ce superbe gâteau - du moins d'apparence, comme vous le verrez bientôt. Bock-Côté parle - ou reparle - du nationalisme historique, celui qui retrouve sa mémoire et son identité de peuple fondateur de ce pays, un nationalisme et une aspiration à la souveraineté enracinés dans notre histoire et dans notre culture.
Notion rafraîchissante s'il en est, eau désaltérante suite à la traversée du désert qui fut nôtre, et suite à la gourde à sec depuis des heures et des heures! Merci, merci, mille fois merci, grand cuisinier-pâtissier B-C! Votre gâteau est très nourrissant, - quoique fort indigeste, doit-on avouer. Vous, pourtant, qui nous avez habitués à une pâte légère tout en étant ferme, vous en avez utilisé deux, pour ce livre, car il s'agit, en fait, d'un gâteau marbré (à deux pâtes): l'une de votre cru, excellente et fort digestive, et l'autre venant de vos historiens-historiographes et sociologues de référence. C'est quand même inouï de constater que sur 165,5 pages de texte, on trouve 392 citations dont les références, placées à la fin, sont souvent suivies d'un plus ou moins long commentaire, et qui couvrent pas moins de 32,5 pages!!! La partie indigeste de votre pâte à gâteau est précisément cette dernière, mais je me plais à croire que vous le fîtes exprès, les choses laides se formulant, bien souvent, de laide façon, d'autant plus que l'indigestibilité de votre gâteau vient du syle obscur et ampoulé de tous ces intellectuels travailleurs à notre dénationalisation, donc à la négation de nous-mêmes, que vous citez trop abondamment.
J'y reconnais votre humour subtil, votre clin d'oeil qui nous ramène, au dernier chapitre et dans la conclusion, aux vrais historiens, ceux qui sont proches de l'âme de notre peuple et qui la font vibrer. Et mon clin d'oeil à moi, c'est que... le commissaire Gérard Bouchard fait partie de ces "historiographes dénationalisants", lui qui nous a dit qu'il fallait "jeter nos souches aux feux de la Saint-Jean", ce même Gérard Bouchard qui est à la tête de la Commission B-T ! J'y serai, le 23 octobre, au forum et aux audiences de Trois-Rivières. On verra bien qui préjuge, qui a des préjugés - car ils sont toujours du côté de la salle, n'est-ce pas?


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