CHRONIQUE DE LA CROQUEUSE DE MOTS

Vous avez dit... "accommodements" ??<br>QUELS accommodements?

Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

Ah! M. Paul-Emile Roy, qui nous demandez: Mais ["pour quelles raisons s’acharne-t-on à ne pas appeler les choses par leur nom?"->11008] - Eh! bien, foi de croqueuse de mots, c'est tout simplement à cause de cette maudite rectitude politique qui nous domine tant, surtout si lesdits mots sont TABOUS, ou le sont devenus par la force de la chose!
C'est le cas du mot "accommodements", utilisé si souventes fois ces derniers mois, au point d'en être devenu la risée de nos humoristes de tout acabit, pour résumer l'année 2007. Entendons-nous, le mot lui-même n'est pas tabou, mais tout ce qu'il inclut, par contre, l'est devenu...!
J'ai passé les deux dernières semaines à éplucher, analyser et commenter sur mon grimoire les mémoires de QS, du PQ et du PLQ, nos trois principaux partis (pour l'ADQ, on r'passera, comme chez l'Chinois, dommage pour ce parti et mes respects pour l'expression désormais consacrée), et j'y ai trouvé un point commun: parler de tout ce qui concerne le phénomène de l'immigration galopante et de tout ce qui gravite autour (dont l'intégration et cette chère "identité québécoise"), mais garder le silence absolu sur ces maudits accommodements qui ont tant dérangé, tout à coup, en ce début de janvier 2007, les Québécois et Québécoises de toutes origines, ou presque, et dont on a dit, et continue à dire, que certains d'entre eux remettent en cause certaines de nos valeurs fondamentales et le principe même de l'égalité hommes-femmes...
Je n'ai pas encore terminé mon boulot d'éplucheuse de mots et de textes concernant les accommodements, mais je puis vous dire, croix de fer, croix de bois, craché par terre et pilé dessus, qu'il ne faut SURTOUT PAS, monsieur, en nommer un seul! Oh! non! Ce serait... envenimer la situation et souffler, ne serait-ce que non intentionnellement, sur les soi-disant "braises de l'intolérance"!
Ce serait faire preuve de xénophobie, voire de racisme, puisqu'il faudrait bien nommer la communauté directement impliquée, comme la communauté hassidique d'Outremont, par exemple. Ce serait affreux et on crierait immédiatement haro sur l'antisémitisme! Ou bien, s'il fallait mentionner certaines demandes faites par des membres de la communauté musulmane, même "très-très minoritaires", ce serait peut-être encore plus affreux et on crierait tout aussi rapidement à l'islamophobie! Alors, on préfère passer sous silence tel et tel fait, telle et telle demande, tel et tel comportement, et jusqu'au mémoire très étoffé d'un groupe de citoyens d'Outremont qui met le doigt, photos à l'appui, sur les problèmes réels, les cas précis qui dérangent et perturbent la vie du quartier... Bien politiquement incorrect, ça, même si ce sont les faits bien réels! Donc, à proscrire et à garder sous scellé pendant 50 ans, minimum...
Nommer les choses par leur nom, selon leur sens littéral, ce serait, comme vous l'avez mentionné, M. Roy, faire preuve de mépris, effectivement, selon la belle rectitude politique... Par exemple, dire "eux" ou "vous", vous n'y pensez pas! Car il est même devenu "exclusif" de poser la petite question, bien anodine: "Puis-je savoir quelle est l'origine de votre nom?" ou: "Quelle est l'origine de ce si bel accent?"
Mépris uni-directionnel, bien entendu, car identifier et critiquer les Québécois de souche, y'a rien là, c'est tout à fait normal et plus que politiquement correct... - presque un devoir!!
De ces trois mémoires de partis dont je vous parlais, cherchez, dans le texte, le nom d'un seul de ces accommodements problématiques qui nous ont fait sursauter et qui le font encore, d'ailleurs. NENNI! Vous n'en trouverez pas! Pas vraiment. Cachés, camouflés, OCCULTÉS sous de beaux grands principes du genre: "l'égalité hommes-femmes, principe non négociable". - Oui mais, dites-moi donc, quels sont les "accommodements déraisonnables" entrant sous cette catégorie? - PAS UN MOT, PAS UN NOM, PAS UN CAS, Mesdames et messieurs! - Et pendant ce temps, sur le plancher des vaches, que l'on continue à se débrouiller comme on peut, à l'aide de ces seuls beaux grands principes qui ne servent, qui ne serviront à rien!
Québec solidaire préfère écrire l'emberlificotante phrase: "Aucune tenue vestimentaire ne doit empêcher un enseignant (sic) de transmettre les connaissances et de communiquer facilement avec ses élèves", au lieu de dire clairement, noir sur blanc, qu'unE enseignantE voilée, dont on ne voit que les yeux, et encore, qui sait, elle pourrait avoir "choisi librement" de porter la burka afghane, ce n'est pas acceptable dans notre société... - MEU NON! Pensez-vous! Ce serait aller trop loin, dans le CONCRET et le politiquement incorrect!
Quant au PQ, c'est à peine si l'affaire du kirpan est traitée, sauf pour dire que c'est la preuve que le Québec est soumis aux décisions de la Cour suprême du Canada... Le deuxième accommodement mentionné concerne le port de symboles religieux (non identifiés) par les représentants des institutions publiques. Tout ce qu'on apprend là-dessus, c'est que le PQ a comme orientation de ne pas les permettre, mais compte tenu des éventuelles difficultés d'application, il est laissé à la Commission d'y réfléchir et de proposer quelque chose... On lit bien, dans le mémoire péquiste, que "certains accommodements raisonnables heurtent de plein fouet la société québécoise et suscitent un malaise profond", mais lesquels... - motus et bouche cousue!
Dans son mémoire, le PLQ fait mention de 7 accommodements, dont 3 ayant été réglés à la Cour Suprême du Canada: la cause O'Mayley v. Simpson Sears (1985), le port du turban pour un membre de la GRC et l'affaire du kirpan. Les 4 autres sont plus récents et deux d'entre eux sont présentés correctement: les vitres givrés du YWCA d'Outremont et la directive du Service de police de Montréal aux policières. Pour les 2 autres, dont la présentation est déformée, c'est à se demander si le PLQ est mieux informé que la population dite ignorante et pleine de préjugés, car on mentionne un "menu qu'un propriétaire de cabane à sucre a décidé de modifier" et "la décision d’un CLSC montréalais d’exclure les hommes de cours prénatals à la demande de femmes musulmanes"... - Et pour régler l'ensemble des accommodements problématiques, le PLQ propose simplement une ouverture "aux multiples apports dans les limites qu’imposent le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la nécessité de l’échange intercommunautaire", et dans les limites juridiques déjà connues de l'accommodement raisonnable: la contrainte excessive engendrée, la perturbation du fonctionnement de l'entreprise et l'atteinte aux droits d'autrui. - On va aller loin avec cela!
Pourtant, s'il y a quelque chose à attendre d'un parti politique, c'est bien qu'il soit fermement BRANCHÉ et qu'il propose des solutions concrètes à des problèmes clairement identifiés. Ça nous fait une belle jambe de constater qu'aucun d'entre eux n'ait osé nommer ces derniers! Cela au nom de la rectitude politique et de l'ouverture inclusive tout azimut...
Faudrait-il que le Mouvement laïque québécois (MLQ) se transforme en parti politique? Car lui, au moins, il s'est branché clairement et a su appeler les choses par leur nom!
* * *

1) Mémoire du MLQ:
2) Texte de Daniel Baril, "Les accommodements religieux pavent la voie à l'intégrisme"


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1 commentaire

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    5 janvier 2008

    Les mass médias jouent aujourd'hui le rôle des églises en prescrivant ce que doit être le "bien et le mal" mais ce sans grand discernement. Les partis politiques sont aussi captifs du jeu des
    médias qui se nourrissent de toutes les « anomalies » qu’ils cherchent à envoyer à la figure des gens afin de se vendre.
    Mais la rectitude politique trouve son média maître dans un réseau d’État comme Radio Canada qui jour après jour nous offre le catéchisme des bonnes qualités qu’il faut posséder afin de correspondre à la norme morale de « citoyen du monde ». Celui-ci
    résidant au Québec pouvant connaître toutes les vertus possibles évidemment s’il devait « exister » pas seulement en théorie ne pourrait plus imaginer un seul instant se séparer du Canada. Des émissions comme Découverte, Dominique Poirier, le Téléjournal baignent dans cette machine idéologique du citoyen universel qui sert mieux l’intérêt canadian que la propagande directe fédéraliste trop apparente comme trop vulgaire. Il suffit à Radio Canada qu’on prononce le mot génocide que ce soit au sujet du Darfour, du Rwanda ou au sujet de la Shoah d’hier pour qu’une atmosphère de gravité se présente dans le studio.
    Bien sûr, ces mêmes gens sont incapables d’associer le même mot de génocide à la déportation des Acadiens ou au quasi anéantissement états-unien des autochtones, de la trop ancienne et compromettante histoire pour nos discoureurs hyper normalisés de la médiocrité radio canadienne.
    Plusieurs normes dans des contextes à la dérive ou changeants deviennent liberticides et se transforment en tabous brisant le libre usage de la pensée. Et les médias se transforment en instruments de ces normes d’asphyxie. Et lorsque les intérêts politiques bien placés s’en servent de ces « normes » cela devient du poison. Le sens critique seul protège.