«Vive le Québec libre»: une page d'histoire occultée

De Gaulle - « Vive le Québec libre ! » - l'Appel du 18 juin 1940



Daniel Johnson et Charles De Gaulle, en visite au Québec.

Photo Archives La Presse
Éric Clément - Mis à part quelques groupes souverainistes, ni le gouvernement du Québec, ni la Ville de Montréal, ni les autorités diplomatiques françaises au Québec, ni même le Parti québécois ne marqueront mardi le 40e anniversaire du célèbre discours qu'avait prononcé le général de Gaulle du balcon de l'hôtel de ville de Montréal, le 24 juillet 1967.


La nouvelle chef du Parti québécois, Pauline Marois, a dit à La Presse hier qu'elle aurait aimé que le gouvernement du Québec souligne les 40 ans de la déclaration du général. Mais, du même souffle, elle a ajouté que le PQ ne le marquera pas non plus. Elle n'a pas eu le temps de s'en occuper depuis sa récente nomination, et son parti s'affaire à préparer le 20e anniversaire du décès de René Lévesque, survenu le 1er novembre 1987.
L'ex-ministre péquiste Louise Beaudoin rappelle toutefois qu'en 1997, alors que le PQ était au pouvoir, le 30e anniversaire avait été marqué par des célébrations - notamment aux abords de l'hôtel de ville - auxquelles ont participé des personnalités françaises telles que Pierre Messmer, ex-ministre de Charles de Gaulle, ainsi que Philippe Séguin, à l'époque patron du parti gaulliste français, le RPR.
«La situation a évolué car, aujourd'hui, tout le monde est un peu embarrassé, dit Mme Beaudoin. Qu'il y ait un embarras du gouvernement québécois actuel, on s'en doute, mais des autorités françaises, si elles sont gênées de ce que le général a dit, elles ont tort. L'idée et le pourquoi de la souveraineté sont encore là.»
Pour l'ex-premier ministre péquiste Bernard Landry, le 24 juillet 1967 demeure une date importante. «Comme a dit René Lévesque à l'époque, ce sont les Québécois et les Québécoises qui vont décider de l'indépendance nationale, mais le fait que le général ait dit ce qu'il a dit a internationalisé la cause, qui, à cette époque-là, était loin d'être connue dans le monde entier», explique-t-il.
À l'époque, Bernard Landry, à peine rentré de France, où il avait étudié pendant plusieurs années, était devant l'hôtel de ville. Il se rappelle par ailleurs qu'en 1985, lorsqu'il est allé en Chine avec Lévesque, un ministre chinois lui avait dit n'avoir jamais entendu prononcer le mot «Québec» avant ce 24 juillet 1967.
«Un représentant du Quotidien du peuple nous a même dit qu'ils avaient dû inventer un idéogramme chinois pour le mot "Québec" afin d'en parler dans leur journal, dit M. Landry. C'est dire le retentissement d'une telle affaire.»
Joint à Paris, Louis Duvernois, sénateur des Français établis hors de France, a couvert la visite du général en tant que journaliste pour l'Agence France-Presse. Pour lui, le général était un «visionnaire» et avait voulu «servir les Québécois, toutes opinions confondues».
«Son discours a été perçu comme un engagement politique envers les souverainistes, dit-il, mais on voit que, 40 ans après, ce n'est pas le souverainisme mais le nationalisme au sens le plus noble du terme qui a animé le général de Gaulle, non seulement au Québec mais aussi en France.»
«Ce qui a créé l'équivoque, ajoute Bernard Landry, c'est le Rassemblement pour l'indépendance nationale, qui avait comme mot d'ordre "Québec libre". Pour le RIN, cela ne voulait pas dire libre de choisir, comme le pensait le général, mais choisir l'indépendance.»
Pour Pauline Marois, qui avait 18 ans en 1967, le discours du général était clair. «Il venait nous livrer un message auquel il croyait profondément et c'était un peu comme réparer une erreur de l'Histoire de nous avoir d'une certaine façon abandonnés.»
Pour Mme Marois, cet anniversaire doit amener les Québécois à «réfléchir de nouveau» sur la question de la souveraineté, une idée qui n'est «pas morte mais pas forte», ajoute Louise Beaudoin. Mme Beaudoin, tout comme Mme Marois, souhaite que les souverainistes reviennent à la base de l'idée de souveraineté, c'est-à-dire aux notions de langue, de culture, d'identité, de patrimoine et de «cette façon particulière de vivre ensemble au Québec», affirme-t-elle.
«Le fait qu'il y ait eu dans notre histoire des événements comme celui-là nous oblige à une certaine réflexion», conclut Mme Marois.
Pour joindre notre journaliste: eric.clement@lapresse.ca


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