Visites à Sagard - Devoir de réserve

L'affaire Desmarais


Le premier ministre Jean Charest a, comme d'autres politiciens et titulaires de charges publiques, séjourné au domaine Sagard de la famille Desmarais. À son avis, il ne faut pas y voir de scandale. Il souhaite que l'on fasse confiance au jugement de ces personnes dans leurs rapports avec les puissants du monde des affaires. Aveuglément? Certes non.
Faire état du séjour l'été dernier du président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Michael Sabia, à Sagard était certainement d'intérêt public. Si celui de dirigeants du Fonds de solidarité sur le yacht du président de Simard-Beaudry, Tony Accurso, a soulevé des questions, on peut aussi en poser dans le cas présent. De telles invitations procèdent du même esprit. Tout comme pour M. Accurso, la famille Desmarais voulait prolonger sur le plan amical sa relation avec un important partenaire financier. La question est de savoir s'il en résulte pour la partie invitante des avantages ou un quelconque traitement de faveur.
Les dirigeants du Fonds de solidarité FTQ ont eu à répondre à cette question. Ils ont assuré que non. Ils ont pourtant revu à l'occasion de cette affaire leurs règles de gouvernance. Michael Sabia aura aussi à y répondre ce printemps lorsqu'il défendra en commission parlementaire les résultats de son institution. Il paraphrasera très certainement le président du Fonds FTQ, Michel Arseneault, qui avait soutenu que la relation d'affaires avec Tony Accurso avait été des plus profitables.
La question ici n'est pas tant de savoir quel profit tire la Caisse de sa relation avec Power Corporation et les Desmarais (ce sujet n'est toutefois pas à ignorer), mais celle de la transparence qui s'impose lorsque relations d'affaires, sociales ou personnelles se mêlent.
La visite de M. Sabia à Sagard a pris une importance médiatique qu'elle n'aurait probablement pas eue s'il ne s'était agi de la famille Desmarais. Mais étant ce qu'elle est, elle ne peut échapper au regard public. Le poids financier qu'elle détient à travers Power Corporation lui donne un pouvoir d'influence exceptionnel que le fondateur de la dynastie a pris grand soin d'entretenir justement par le biais de relations interpersonnelles, tout particulièrement dans le monde politique. L'illustre bien son lien d'amitié avec le président Sarkozy.
Ces relations personnelles entre des dirigeants d'entreprises et titulaires de charges publiques échappent généralement aux règles de transparence nombreuses pourtant établies pour forcer la divulgation d'interventions relevant de l'exercice d'un pouvoir d'influence (dons aux partis politiques, registre des lobbyistes, codes d'éthique notamment). Certes, inviter un premier ministre, un ministre, un maire, un dirigeant de société d'État à un week-end amical familial, où on discutera de tout et de rien, n'est pas une activité de lobbyisme formelle, mais cela y conduit. Il y a une intention. L'intérêt public ne sera pas nécessairement mal servi, comme le suggère le premier ministre Charest. Mais il n'y a pas d'hérésie à porter à l'attention du public ces relations. On ne demandera à personne de publier son carnet de rendez-vous, mais il y a des zones où des règles de prudence s'imposent, sinon à travers une divulgation de la part de ceux qui invitent, tout au moins par l'exercice d'un devoir de réserve de la part des invités appelés à exercer un jugement qui semble pour le moment faire défaut.


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