On a beaucoup parlé des enveloppes brunes qui passent à la mairie de Montréal dernièrement. Le maire Tremblay a répondu que le problème existait bien avant lui et qu'il n'y avait pas lieu de l'en tenir responsable ou de l'empêcher de se représenter à la mairie pour cela.
Le contexte bouillonnant a obligé le premier ministre Charest à nommer un nouveau ministre des affaires municipales et à solliciter un plan pour mieux encadrer la gestion municipale. Cette tâche a incombé à Florent Gagné, ancien directeur de la Sûreté du Québec. Même Jean Charest finissait par trouver gênant d'avoir passé six ans les yeux bandés...
Dans les faits, le monde municipal, pour assurer ses services de proximité comme on dit, a nécessairement des liens avec le monde de la construction. Dans une grosse ville comme Montréal il est facile de faire transiter les décisions importantes par un noyau de personnes qui vont décider des contrats.
La magouille trouve aussi bien son compte dans les petites villes. Des malversations présumées qui ont fait l'objet d'une couverture de presse parfois nationale concernant une petite municipalité vont néanmoins rester lettre morte auprès de la population locale. Un scandale éclabousse la mairie? Eh bien, faisons semblant de regarder ailleurs. Mon ami est employé municipal, pensera l'un, et je croise le maire, plus un tel de ses conseiller municipal chaque jour.
Dans une village, ce n'est pas LCN qui va décider de placer les bons élèves à droite et les mauvais élèves à gauche. Une habile ségrégation entre gens d'importance ou de moindre importance flotte discrètement sous le vernis amical. On ne fait rien si on est de moindre importance à moins d'être certain d'avoir énormément protégé ses arrières.
Un manquement à l'éthique peut être vu par mille personnes honnêtes, franchement honnêtes... Elles seront en quelque sorte les complices passifs et involontaires d'un comportement suspect.
C'est parce que les gens honnêtes, s'ils n'aiment pas être complices, détestent encore plus s'attirer des problèmes. Les exemples sont nombreux. Le signataire de cette chronique, comme bien des gens ayant pignon sur rue dans une petite municipalité, en a déjà été témoin.
Il y a quelques années, le réseau LCN et le Journal de Montréal mettaient à jour une histoire de favoritisme présumé dans mon village. Un développeur immobilier liait la mise en chantier d'un important projet au maintien en poste d'un haut fonctionnaire municipal. Chacun savait que ce fonctionnaire était déjà mieux payé qu'un ministre.
La nouvelle fit place à une autre sur LCN et quand vint la réunion du Conseil municipal la foule ne se déchaîna pas. Puisque plus personne n'en parlait, c'est que le téléphone arabe devait bien fonctionner dans certains milieux ou que les réponses aux questions avaient déjà été trouvées.
Il faut dire qu'on choisit ses combats. Celui touchant l'éthique des administrations demande temps et pouvoir d'enquête. De cela, le citoyen ordinaire se sent dépourvu. S'il y avait une responsable de l'éthique pour chaque Mouvement régional de comté, on pourrait demander à celui-ci d'aller chercher des éclaircissements. Espérer qu'un citoyen osera poser les bonnes questions au prochain conseil municipal est un ressort plutôt hypothétique pour endiguer la corruption.
Quant à ajouter aux procédures habituelles comme le voudrait Florent Gagné un serment de la part des élus qui obligerait celui-ci à professer son attachement aux valeurs éthiques, on l'écoutera le sourire en coin. Le maire Tremblay était convaincu de faire un geste hautement moral en privatisant une société gardienne du patrimoine foncier de la ville. Dans bien des municipalités, ce sont des fonctionnaires municipaux bien à l'écoute des gens dits "terrain", experts en construction et en projets, qui passent pour les vrais décideurs.
Nous l'avons vu maintes fois dans les petites municipalités comme dans les grosses. Encore ce printemps, pour sa défense, le maire Tremblay se targuait de n'avoir rien vu et de n'avoir décidé de rien.
André Savard