Vente d'Énergie NB à Hydro: l'opposition s'accroît

Churchill Falls - Hydro-Québec / Énergie NB

Hélène Baril - (Montréal) Comme prévu, la vente d'Énergie NB à Hydro-Québec reste en travers de la gorge des contribuables du Nouveau-Brunswick, qui dénoncent sur toutes les tribunes ce qui a été présenté comme une transaction historique.
«Le backlash est énorme», résume Yves Gagnon, professeur à l'Université de Moncton et spécialiste en énergie. Même si la rumeur courait que des discussions étaient en cours avec le Québec, personne au Nouveau-Brunswick ne se doutait de l'ampleur de la transaction projetée, selon lui.
L'entente entre les deux gouvernements prévoit qu'Hydro-Québec achètera Énergie NB pour 4,8 milliards de dollars, soit le montant de sa dette accumulée, et deviendra le principal fournisseur d'électricité du Nouveau-Brunswick. À la clôture de la transaction, les tarifs industriels baisseraient de 30% pour s'établir au même niveau qu'au Québec et les tarifs résidentiels seraient gelés pour cinq ans.
L'industrie serait clairement avantagée par la transaction. Une seule usine de papier du groupe Irving économiserait plus en une seule année que tous les clients résidentiels d'Énergie NB, selon des chiffres obtenus par CBC, ce qui passe très mal dans la population.
Le grand patron d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, qui est au Nouveau-Brunswick cette semaine, a cru bon de préciser en entrevue à la télévision d'État que c'est le gouvernement néo-brunswickois et non Hydro-Québec qui avait choisi cette structure de tarifs avantageuse pour l'industrie. Aucun industriel du Nouveau-Brunswick n'a d'ailleurs contesté la transaction projetée, mais les journaux, la télé et même Facbook sont inondés de messages furieux.
Pour M. et Mme Tout-le-Monde, les sources d'irritation sont nombreux. D'abord, le gouvernement libéral de Shawn Graham s'est fait élire en 2006 en promettant de ne pas vendre Énergie NB, rappelle Yves Gagnon. «On réalise maintenant qu'on vend un actif collectif qui, si on le gère bien, peut devenir un moteur économique.»
En plus du biais favorisant les entreprises, les gens en ont aussi contre le fait qu'Hydro-Québec aura le statut de société de la Couronne au Nouveau-Brunswick et, de ce fait, ne paiera ni taxe ni impôt sur les profits plantureux qu'elle encaissera, ce qui parait très injuste pour les petits salariés.
Beaucoup de monde s'inquiète aussi de ce qui arrivera après la période de gel de cinq ans. Il est prévu que les tarifs augmenteront par la suite selon le taux d'inflation, mais de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer une limite maximale d'augmentation.
«C'est une transaction qui est nettement à l'avantage du Québec», estime le professeur Gagnon. Il soutient que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a délibérément noirci la situation d'Énergie NB pour faire avaler sa décision de vendre la société d'État.
«Il est normal qu'une entreprise comme Énergie NB ait une dette et cette dette n'est pas déraisonnable», assure-t-il. En outre, l'élimination de cette dette n'améliorera pas la marge de manoeuvre du gouvernement comme qu'il le prétend, selon lui.
Les agences de crédit Moody's, Standard&Poor's et DBRS ont d'ailleurs confirmé que la vente d'Énergie NB n'aura aucun impact sur la cote de crédit de la province.
Du côté du gouvernement, les ministres responsables de vendre la transaction dans l'opinion publique font valoir que, sans l'entente avec Hydro-Québec, le prix de l'électricité augmentera rapidement au cours des prochaines années.
Le gouvernement de Shawn Graham espère conclure une transaction avant le 31 mars, pour éviter une augmentation de tarif prévue de 3% le 1er avril. La transaction éliminerait aussi le besoin d'acheter de l'énergie pour remplacer la production de la centrale nucléaire de Point Lepreau, qui doit cesser ses activités le 31 mars pour rénovation. Le coût de cette énergie de remplacement est estimé à 800 millions par le gouvernement.
Malgré l'opposition suscitée par la transaction avec Hydro-Québec, le gouvernement a en principe le pouvoir de la faire approuver par le parlement. Majoritaire, le gouvernement Graham a été élu en 2006 et les prochaines élections, qui sont à date fixe au Nouveau-Brunswick, sont prévues pour le 27 septembre 2010.


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