Utiles flatteries

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Trudeau s'est totalement couché devant les Américains


OTTAWA | À entendre le concert d’éloges auquel se sont livrés le premier ministre Justin Trudeau et le vice-président américain Mike Pence hier à Ottawa, on aurait pu croire que la renégociation de l’ALENA s’est déroulée dans l’harmonie. Ce fut tout le contraire.


Les pourparlers des 18 derniers mois ont plutôt été durs, acrimonieux, éreintants.


Les relations entre les deux pays ont atteint le fond du baril il y a environ un an, au moment où le Canada accueillait le G7 dans Charlevoix. Le président américain Donald Trump avait alors traité Justin Trudeau de « malhonnête » et de « faible ». Un des collaborateurs de l’imprévisible président avait même réservé « un siège en enfer » à notre premier ministre.


Un an plus tard, l’émissaire de Trump n’avait que de bons mots pour Justin Trudeau lors de son passage dans la capitale fédérale. Et vice-versa.


Un drôle de couple


C’est que les deux administrations en mal de popularité, par les temps qui courent, ont besoin l’une de l’autre.


Donald Trump est incapable de convaincre les démocrates, majoritaires au Congrès, de ratifier la nouvelle version du traité de libre-échange. Le texte ne serait pas assez progressiste à leur goût.


Ici, l’opposition accuse Justin Trudeau de s’être aplati devant Trump en acceptant une entente remplie de compromissions, comme des brèches dans la gestion de l’offre.


MM. Trudeau et Pence ont donc convenu de se lancer mutuellement des fleurs devant la presse internationale, suivant leur tête-à-tête.


La politique crée parfois de drôles de couples.


Durant le point de presse, le vice-président a pris soin de vanter la « fermeté » avec laquelle notre premier ministre a mené les négociations.


Justin Trudeau, grand apôtre des valeurs sociales, s’est quant à lui adressé directement aux démocrates, en leur jurant que le nouvel ALENA protège l’environnement et les droits des travailleurs.


Intérêt mutuel


Les deux gouvernements ont intérêt à ratifier l’entente le plus rapidement possible, c’est-à-dire avant leurs élections respectives qui arrivent à grands pas. Selon M. Pence, Donald Trump est « absolument déterminé » à faire ratifier l’accord « cet été ».


Aux États-Unis, le conflit commercial avec le Canada, et maintenant la Chine, a commencé à laisser des traces. Le président Trump a besoin de rassurer les entrepreneurs américains qui en souffrent.


Une ratification cet été tomberait à point nommé pour Justin Trudeau, à quelques semaines du déclenchement des élections fédérales d’octobre.


La conclusion de cette entente avec M. Trump aiderait le chef libéral à solidifier son leadership, qui s’est mis à vaciller dans la foulée de l’affaire SNC-Lavalin.


Mais un autre scénario, catastrophique celui-là, est toujours possible. S’il n’arrive pas à faire plier les démocrates, M. Trump pourrait réitérer sa menace de déchirer l’accord de libre-échange actuellement en vigueur.


Justin Trudeau a donc tout intérêt à mettre tout son poids dans la balance en faveur d’une ratification rapide. D’où la pluie d’éloges lancée hier à ses amis de la Maison-Blanche.