C’est fait, le Liberal Government of Quebec a adopté sa loi bâillon pour nous imposer les diktats pétroleux et gazeux albertains et sa vision de la transition énergétique consistant à changer quatre trente sous pour une piastre.
C’est le recteur McMahon de l’UQTR qui doit s’en réjouir, lui qui, dans un communiqué daté du 24 novembre, souhaitait l’adoption rapide du Projet de loi 106 (PL106), en des termes qui semblaient considérer comme excessifs les trois mois d’audience déjà écoulés pour en faire l’étude.
Il nous rappelait même « que chaque jour supplémentaire d’attente constitue une entrave à la consolidation de la position de l’UQTR parmi les leaders mondiaux du secteur des énergies propres » et ajoutait qu’il « en va de l’atteinte des objectifs liés à la diminution de notre empreinte environnementale ».[i]
C’est à se demander si le recteur a lu le PL106 et s’il est conscient de la complexité de ce dossier et de ses implications sur notre société.
À l’instar du gouvernement qui offre notre territoire aux pétrolières, le recteur offre même notre université aux gens d’affaires. Il déclarait, lors d’une allocution devant la Chambre de commerce et d’industrie du Cœur du Québec : « L’UQTR, c’est votre université », prête à « rendre possibles vos idées, vos projets, vos ambitions », parlant aussi des conditions « à créer ensemble pour former les leaders de demain ».[ii]
Analysons ces prises de position du recteur.
D’une part, il est indéniable que l’UQTR a un rôle crucial à jouer dans le développement des filières énergétiques renouvelables, son Centre de recherche sur l’hydrogène (CRH) en fait foi, comme l’implication potentielle de ses unités de recherche dans le projet BELT (Bioénergie La Tuque)[iii] et sur les véhicules de l’avenir[iv].
D’autre part, on peut légitimement questionner le lien que fait le recteur entre PL106 et opportunités de recherche pour l’UQTR. Considérant sa connaissance du milieu politique et des affaires, il apparaît impossible que le recteur n’ait pas vu l’arnaque politico-industrielle se cachant derrière le volet hydrocarbures du chapitre IV de cette loi et compris que la seule façon d’en rendre l’étude non problématique et rapide eût été de scinder le projet, solution à laquelle s’oppose catégoriquement le gouvernement sans justification autre que d’ouvrir la porte en catimini aux pétrolières et à la fracturation du schiste, à l’encontre de la volonté et de l’opposition citoyennes.
N’y a-t-il pas lieu de se rappeler qu’il y a à peine quelques années, le milieu des affaires proposait à l’UQTR de financer une chaire sur l’exploitation des hydrocarbures du schiste? En parallèle avec les recherches sur les énergies renouvelables, le recteur aurait-il eu vent d’une bonne affaire en perspective du côté des fossiles? Se ferait-il complice de la duplicité gouvernementale qui tente de nous faire croire qu’il diminuera les GES d’une main en les augmentant de l’autre main?
Or, en tant que citoyens payeurs de taxes et donc bailleurs de fonds de l’UQTR, ne serait-il pas approprié de la part du recteur qu’il nous inclue aussi dans son concept d’une université « en phase avec sa communauté externe », sans pour autant négliger le milieu des affaires, duquel nous sommes aussi les bailleurs de fonds en tant que clients et pourvoyeurs des subventions aux entreprises?
Peut-être n’a-t-il pas remarqué la forte opposition citoyenne à ces magouilles pétroleuses et son argumentaire fort diversifié et référencé, fournissant d’excellents thèmes de recherche autres que l’ingénierie pour les universitaires en diverses disciplines socio-économico-politiques, sciences de la santé et environnement.[v]
Monsieur le recteur se doit de réaliser que la formation des leaders de demain implique justement l’initiation au sens critique et à l’implication citoyenne, notamment face aux politiques parfois insensées de nos gouvernements. À défaut de prendre la juste mesure de la nécessaire analyse d’un tel projet de loi et d’aligner sa prise de position sur celle de la majorité des citoyens qui s’y oppose, l’université ne doit pas s’abaisser à un rôle de lobby affairiste pétrolier.
[i] http://www.uqtr.ca/media/Comm2016/novembre/161124_Comm.UQTR_TEQ.pdf
[ii] http://blogue.uqtr.ca/2016/09/15/le-recteur-daniel-mcmahon-rencontre-la-communaute-daffaires-de-nicolet/
[iii] http://blogue.uqtr.ca/2016/09/12/le-projet-belt-ouvre-la-voie-a-de-nombreuses-collaborations-avec-nos-unites-de-recherche-associees-a-la-bioenergie-et-au-bioraffinage/
[iv] http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/actualites/uqtr/201604/12/01-4970477-luqtr-travaille-sur-les-vehicules-de-lavenir.php
[v] http://ecoquebecinfo.com/wp-content/uploads/2016/05/Robert-Duchesne_Memoire-Energie-Est.pdf, p.12-13-14
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2 commentaires
Yves Corbeil Répondre
18 décembre 2016C'est la très discrète député de Laviolette qui doit être bien fière de son Université.
Je ne comprendrai jamais pourquoi ce genre d'information ne nous vient pas des médias traditionnelles, c'est à croire qu'il y en a plus de médias neutres.
Merci M.Duchesne,
François A. Lachapelle Répondre
18 décembre 2016L'UQTR est sûrement un moteur de 1ère importance pour l'ensemble de la région trifluvienne élargie. Une université "régionale" comme l'UQTR génère des impacts dans toutes les sphères de la vie.
Ses impacts sont culturo-socio-économico sans oublier le volet politique.
À raison, Robert Duchesne fait ici ressortir le rôle politique que doit tenir une université dans ses choix.
Malheureusement, avec la complicité du recteur actuel McMahon qui se fait complice des Chambres de commerce, les méfaits de la nouvelle loi 106 du Ministre Pierre Arcand sont dénoncés.
Le dossier des hydrocarbures de schiste qui sont le lot du territoire du Québec, particulièrement dans la Vallée du Saint-Laurent, ne peut que menacer nos ressources hydriques qui ont mille fois, pas assez, qui ont des millions de fois plus de pertinence pour la pérennité de la vie sur terre.
Ce dossier des hydrocarbures pour l'UQTR en 2016-17 me fait penser au dossier de la fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly-2 de Bécancour dans les années 2010 à 2012. Il faut rappeler que Gentilly-2 a été définitivement fermée le 28 décembre 2012 et que cette centrale ne fournissait alors que 3% des besoins d'Hydro-Québec.
Devant l'éventualité de la fermeture de Gentilly-2, l'UQTR, sauf erreur, ne trouvait pas d'autre argument que d'être contre cette fermeture pour sauver ses programmes. Quand on connaît l'empreinte environnementale des déchets nucléaires sur des siècles, la vision de certains universitaires ressemblait à celle des lobbyistes affairistes qui pullulent dans les Chambres de commerce.
Il est bon de lire les sages propos d'un citoyen ordinaire comme Monsieur Duchesne pour dégager la vision humaniste que doit porter une université comme l'UQTR.