Ressources naturelles

Une stratégie de reprise du contrôle

PLQ - La Grande Braderie des ressources naturelles



Le dernier budget du ministre des Finances, Raymond Bachand, présente une annexe intitulée «Un régime de redevances juste et concurrentiel», mais, lorsqu’on y regarde de plus près, on constate que, contrairement à ce qu’il prétend, les redevances sur les ressources naturelles proposées, bien qu’elles puissent paraître semblables à d’autres au Canada, ne peuvent certainement pas être confirmées justes et concurrentielles, fait valoir l’ex-sous-ministre Renaud Lapierre.

Photo : Agence Reuters Mathieu Bélanger


À présent que les critiques, soutenues par la majorité de la population et appuyées par les travaux des experts du BAPE, ont obligé le gouvernement libéral à décréter la nécessité d'une pause pour qu'une étude environnementale stratégique soit réalisée sur l'exploitation des gaz de schiste; que le budget Bachand a proposé de rajuster les redevances; que l'entente Ottawa-Québec — qui copie celle de Terre-Neuve — sur Old Harry a enfin abouti; et que Madame Pauline Marois a clairement indiqué les principes qui la guideraient pour s'assurer que les revenus générés par les ressources naturelles du Québec reviendront majoritairement aux Québécois, nous pouvons d'ores et déjà faire avancer la réflexion.
J'aborderai la question sous deux aspects: le travail incomplet du budget Bachand, à cet égard, et les actions à mener pour que l'État redevienne le véritable maître d'oeuvre de ces ressources.
Propositions trompeuses
Le dernier budget Bachand présente une annexe intitulée «Un régime de redevances juste et concurrentiel», mais, lorsqu'on y regarde de plus près, on constate que, contrairement à ce qu'il prétend, les redevances proposées, bien qu'elles puissent paraître semblables à d'autres au Canada, ne peuvent certainement pas être confirmées justes et concurrentielles.
La raison en est simple. Pour que l'on déclare une situation comme ayant ces caractéristiques, il faudrait pouvoir savoir quelle sera la position de ce gouvernement sur la révision de l'ensemble des droits et permis. En effet, à la redevance, il faut ajouter le prix des permis pour juger si le tout est concurrentiel.
Pour l'heure, tout ce que l'on peut dire, c'est que le prix des permis au Québec est ridiculement bas; et que ceux de l'Alberta et de la Colombie-Britannique ont rapporté, grâce au principe de l'appel d'offres, 5000 fois plus à l'hectare que les permis qui ont été donnés à ce jour chez nous. Même en admettant les propos de M. Bouchard selon lesquels, dans ces deux provinces, à l'inverse du Québec, les réserves sont prouvées, nous ne sommes pas pressés. En effet, le prix du gaz sera, d'après l'estimation d'experts, à 9 $ par millier de pieds cubes dans quinze ans; cependant, pour optimiser cette composante du prix dans le temps, c'est aujourd'hui que nous devons reprendre le contrôle des droits d'exploration.

Revenus supplémentaires
Mais, avant d'aborder ce point, restons sur les nouvelles redevances suggérées. Dans la proposition du gouvernement Charest, ce sont les entreprises qui détermineront quand elles exploiteront commercialement un puits. Ainsi, si elles décidaient d'exploiter un puits au prix actuel, qui est autour de 4,38 $, la nouvelle formule nous donnerait moins de redevances, car il faudra que le prix du gaz soit au moins à 5,25 $ pour que cela devienne plus avantageux que le régime lamentable actuel.
Pour garantir que ces redevances rapporteront un niveau acceptable de revenus supplémentaires à l'État, il faut absolument que celui-ci fixe un prix minimum de marché au-dessus duquel les entreprises exploitantes pourraient commercialiser le gaz ou le pétrole des Québécois. Ainsi, au minimum de 9,25 $, l'État engrangerait des revenus de 900 millions de dollars.
C'est à ce niveau de prix que l'État encaisse au moins 51 % des revenus nets, ce qui devrait être un minimum obligatoire. Enfin, pour ceux qui voudront prétendre que l'accord de libre-échange avec les États-Unis ne nous permettrait pas de fixer un prix minimum, nous n'aurons qu'à rendre les nouveaux crédits de redevances moins avantageux en fonction du prix au marché de la ressource.
La stratégie de reprise de contrôle
Premièrement, il est urgent que l'État rebâtisse son expertise dans tout le secteur de l'exploitation de nos ressources. Ce n'est pas en confiant des sommes d'argent à Investissement-Québec que l'on y arrivera. Voilà pourquoi je propose la création d'une «Société de développement des ressources naturelles du Québec» qui aurait pour mandat d'assurer le développement harmonieux au bénéfice des Québécois des ressources suivantes: mines, forêts, eau, gaz, pétrole.
Deuxièmement, pendant la période de quasi-moratoire que nous vivons, je crois qu'il est stratégique que l'État offre aux entreprises qui détiennent les permis d'exploration gazière et pétrolière de leur verser 50 % des dépenses qu'elles ont effectuées à ce jour sur cesdits permis aux conditions suivantes:
elles céderont à l'État 50 % des droits de propriété sur les permis sur lesquels elles ont réalisé des travaux;
elles recéderont à l'État 100 % des permis sur les zones où elles n'ont pas exécuté de travaux.

Cette offre, raisonnable, permettra à l'État de récupérer un statut comparable à la Norvège. Lequel conserve toujours 50 % de la propriété. Et, pour les zones qui n'ont pas fait l'objet de travaux, de pouvoir utiliser la méthode appropriée au bon moment, y compris l'appel d'offres si nécessaire, pour optimaliser les retombées pour la collectivité en stimulant l'exploration, comme le recommande le BAPE, tout en décourageant l'exploitation trop rapide. Cette opération, si elle était réalisée actuellement, coûterait environ 60 millions de dollars à l'État, du moins si l'on tient compte du chiffre de 200 millions de dollars qu'auraient dépensé les entreprises au Québec duquel il faut soustraire les crédits d'impôt auxquels ces entreprises ont déjà droit.
Garantir l'accès aux revenus
Cette somme apparaît bien modeste pour reprendre le contrôle d'actifs collectifs. Nous jouissons d'une éclaircie, il est important de ne pas manquer cette occasion, sachant que le budget Bachand consacre 7 millions aux études environnementales stratégiques, 5 millions à l'amélioration des connaissances sur les eaux souterraines et 6 millions à l'inspection des puits.
Si l'État, autant libéral que péquiste, a jugé bon dans la décennie 70 de créer la SOQUIP et d'y investir plus de 100 millions pour connaître le potentiel des ressources énergétiques du sous-sol québécois, il me semble plus qu'approprié, avec le niveau avancé des connaissances que l'on a acquises sur ces structures géologiques et l'évolution des techniques d'exploration, qu'il prenne tous les moyens disponibles pour garantir aux citoyens du Québec l'accès à la très grande majorité des revenus générés par ces ressources. Nous avons du temps devant nous, car les prix seront en hausse. C'est une vérité de La Palice, mais il faut être maître du jeu.
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Renaud Lapierre - Ex-sous-ministre adjoint de l'Énergie du Québec et ex-membre du conseil d'administration de la SOQUIP (Société québécoise d'initiatives pétrolières)


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