Crise mondiale

Une nouvelle phase s’est amorcée aujourd’hui

L’été s’annonce très chaud

Chronique de Richard Le Hir


Avec l’annonce aujourd’hui que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) allait puiser dans ses stocks stratégiques pour mettre sur le marché 60 millions de barils de pétrole destinés officiellement à compenser l'arrêt des exportations libyennes, une nouvelle phase s’amorce dans la crise mondiale qui s’annonce beaucoup plus sévère que les autorités ont bien voulu nous le laisser entendre jusqu’ici. En effet,
« Ce n'est effectivement que la troisième fois dans l'histoire de l'AIE, créée après le choc pétrolier de 1973, qu'une telle action est menée. Les membres de l'organisation avaient déjà mis à contribution leurs stocks stratégiques après l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990 et après l'ouragan Katrina qui avait frappé les États-Unis en 2005.
Cette mesure exceptionnelle de l'AIE devrait avoir pour conséquence d'augmenter l'offre disponible sur les marchés. Elle intervient après l'annonce mercredi, par l’agence américaine d'information sur l'énergie, d'une baisse plus forte que prévu des stocks hebdomadaires de pétrole. «L'AIE cherche à détendre la situation pour éviter une flambée des cours alors que la saison des déplacements d'été approche», explique-t-on [dans les milieux bien informés]. »

Pour pouvoir être mise en place, cette mesure a dû être approuvée par 28 pays membres de l’AIE, au premier rang desquels les États-Unis qui cherchent d’une manière très inorthodoxe de faire jouer à cette agence un rôle de banque centrale en lui assignant le rôle de neutraliser les spéculateurs. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. L’atonie de l’activité économique dans les pays développés et le ralentissement observé ces dernières en Chine montrent bien que les hausses du prix du pétrole ne s’expliquent que par l’action des spéculateurs et non par une hausse de le demande.
L’ennui, c’est que si le moyen envisagé peut sembler spectaculaire, il risque de se révéler peu efficace à moyen et long terme. En effet, le relâchement des stocks envisagé est bien modeste. Soixante millions de barils à raison de 2 millions de b/j pendant 30 jours, c’est ridicule quand on sait que la consommation mondiale de pétrole s’élevait en date de mars dernier à 90 millions de b/j.
Alors, à court terme, le prix du pétrole risque de baisser un peu, mais certainement pas autant que le voudraient les autorités pour favoriser une relance de l’économie, en raison des délais pour que soit répercutée à la pompe la baisse des prix du brut. Et s’il fallait que ce stratagème doive être maintenu pendant un certain temps pour empêcher toute flambée spéculative des cours, les réserves stratégiques en pâtiraient avec le risque qu’une nouvelle tempête du genre Katrina s’abatte sur le golfe du Mexique et désorganise l’approvisionnement américain pendant plusieurs semaines, déclenchant alors une hausse folle des cours à côté de laquelle les niveaux actuels ressembleraient à une partie de plaisir.
C’est ce qui a amené certains à voir dans le geste des autorités américaines un signe de désespoir. Quelque chose qu’on ne fait pas à moins de ne plus avoir de munitions en réserve, et une preuve qu’on est désormais en terrain inconnu . D’autres concluent que le président Obama et la réserve américaine ne sont plus en mesure d’agir directement sur l’économie.
C’est un constat particulièrement alarmant dans le contexte de ce qui s’annonce comme une fin de mois particulièrement difficile pour les États-Unis. Dans quelques jours en effet, de nombreux états et des centaines de municipalités doivent pour certains se refinancer, pour d’autres annoncer des coupures de dépenses et des milliers de mises à pied. Et la situation de l’Europe n’est guère meilleure. En fait, la situation des deux bords de l’Atlantique (50 % de l’économie mondiale) est si grave que certains observateurs se demandent si les États-Unis et l’Europe n’ont jamais connu une situation économique plus difficile.
Par ailleurs, si une entente est survenue aujourd’hui entre l’Union Européenne et la Grèce sur le financement des activités de cette dernière à court terme, il restera au parlement grec à adopter le train de mesures nécessaires la semaine prochaine et à les mettre en œuvre contre la volonté populaire. En d’autres termes, c’est la semaine prochaine que nous saurons qui, du peuple ou du gouvernement, aura le dessus dans ce qui est devenu un très dangereux bras de fer, susceptible selon son issue de mettre le feu aux poudres dans toute l’Europe.
L’été s’annonce très chaud.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2011

    M. LeHir,
    Vous soulevez effectivement un point important en mentionnant l'influence indue et néfaste des spéculateurs sur l'économie mondiale. Comme vous le savez peut-être, pour avoir publié des articles sur le sujet ici sur Vigile.net, je suis porte-parole d'un mouvement appelé Démocratie 2.0, en qu'en tant que tel, j'ai écrit quelques articles concernant l'économie (http://www.vigile.net/Economie-v2-0-1, http://www.vigile.net/Economie-v2-0-2, http://www.vigile.net/Economie-v2-0-3). J'y propose certaines réformes (annulation de la dette, création d'une monnaie québécoise, création d'une banque centrale québécoise, contrôlée par les citoyens), mais j'ai malheureusement manqué de temps depuis pour approfondir ces questions ici-même sur cette tribune.
    Toutefois, j'ai eu la chance récemment d'assister au colloque des IPSO il y a quelques semaines et où j'ai eu l'opportunité de poser une question concernant ces sujets à MM. Aussant et Parizeau. M. Aussant a paru plutôt surpris par ma question, mais M. Parizeau a pris la peine de me répondre. Du au format de la période de questions, je n'ai malheureusement pas eu la chance de débattre de la question avec lui en profondeur, mais voici tout de même ce qu'il est ressorti de la réponse de M. Parizeau : tout d'abord il n'a pas répondu à la question sur la dette, sautant tout de suite à celle concernant la monnaie. Bien qu'il ait admis qu'un Québec indépendant aurait toute la latitude nécessaire pour créer sa propre monnaie, il a également admis d'emblée que cette hypothétique monnaie ne ferait sûrement pas long feu, pour cause des mouvements spéculatifs sur les marchés financiers.
    Comme je le disais, en avoir eu l'opportunité de creuser la question plus amplement avec un économiste de sa stature, j'aurais aimé discuter de réformes beaucoup plus larges associées avec un modèle politique de forme Démocratie 2.0, comme celle d'abolir le système de marché boursier, qui est l'une des composantes économiques défectueuses avec lesquelles nous devons subir les effets présentement.
    J'ai cependant eu le temps de mentionner, à l'appui de ma question, cette citation célèbre du Baron Armel Mayher de Rothschild, qui va comme suit : "Donnez-moi le contrôle de la monnaie d'une nation, et je me moque de qui écrit les lois".
    Je crois qu'à la lumière d'une telle citation, provenant d'une telle source (la famille Rothschild étant l'une des familles de banquiers internationaux qui exerce un contrôle indéniable sur l'économie mondiale), toute "souveraineté" du Québec assortie d'une "association économique" nous liant encore et toujours au dollar canadien ne sera au bout du compte qu'une demi-souveraineté, une selon laquelle on pourra peut-être nous voter nos propres lois, mais dans laquelle nous n'aurions possiblement pas les moyens de nos ambitions, toutes aussi légitimes soient-elles.
    Je vous remercie donc de me fournir, avec votre article, le prétexte idéal pour faire part à cette tribune de cette anecdote qui devrait porter tout le monde à réfléchir à ce que signifie réellement la souveraineté d'une nation.
    Bien à vous,
    Adam Richard

  • Archives de Vigile Répondre

    24 juin 2011

    Ce sont les plus forts qui résisteront comme cela s'est fait depuis le début de l'humanité.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 juin 2011

    Comment se fait-il que personne ne remette en cause cette spéculation tout azimut! Mais on laisse faire ceux qui vous tenaillent le ventre avec leur spéculum financier! Le problème de la spéculation est relativement simple. On exploite vos peurs, vos désirs effrénés et vos croyances mortifères! Sortir de ce cercle infernal, psychotique et morbide est impossible, à moins d’en être carrément expulsé. Et si cela arrive, vous risquez bien d’être complètement écrasé par la masse aveugle dont vous faisiez l’instant d’avant partie et de ne jamais prendre conscience de votre salut possible. Voilà pourquoi personne n’ose prendre le risque de quitter le navire à la veille du naufrage. Tous ont peur et seuls les matamores de la spéculation – ceux qui parient et risquent votre avenir, le leur étant bien à l’abri dans des paradis fiscaux – jouent allègrement avec votre vie!
    Je ne me fais aucune illusion sur cette hypertrophie psychotique et ces artifices hallucinogènes. Nous vivons des temps apocalyptiques, comme le prévoyait Gilles Deleuze peu avant sa mort. Tout peut à tout moment s’effondrer. Et certaines entités ont tout intérêt à ce que ce catastrophisme perdure.
    Ce système hors contrôle se bouffe le foie! Prométhée n’a plus même besoin de l’aigle (Les Etats-Unis) pour revivre son perpétuel cauchemar. La faillite des États-Unis est consacrée. Le souverain n’est plus inatteignable. Et dès que les charognes le sentent, ils précipitent sa fin. Ou mieux, la rejouent sans arrêt comme on repasse la même scène qui nous fait jouir inlassablement!
    Mais à quoi se raccrocher, me direz-vous? Quelles valeurs promouvoir?
    Les Droits de l’Homme? Enflés et complètement dénaturés de l’esprit de la loi. Le passé historique? Qu’on a brusquement et sans ménagement balayé du revers de la main afin de se libérer des castes dominantes pour basculer dans le domaine de la brutalité et de l’atrabilaire arbitraire!
    Anthropologiquement parlant, l’individu ne peut qu’observer ce lent effondrement. S’agira-t-il d’une chute contrôlée? Non. Dans cette guerre de tous contre tous se glisseront inévitablement quelques événements imprévus (n’est-ce pas toute la force de l’homme de jouer le hasard contre lui-même et d’en tirer son humanité?) qui feront l’histoire. Il faut demeurer aux aguets et observer attentivement, hors d’atteinte de toute émotion incontrôlée, ce moment singulier de l’histoire, car ce pourrait bien être le dernier.