Une leçon pour Harper

Géopolitique — Proche-Orient


Éditorial - Stephen Harper se serait bien passé de ce voyage officiel à Paris. La France n'est-elle pas la principale représentante de cette "Vieille Europe" tant moquée par le secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, avant l'invasion de l'Irak ?
Déjà que le premier ministre canadien a dû essuyer la semaine dernière un camouflet de Jacques Chirac sur le Protocole de Kyoto, voilà aujourd'hui qu'il doit souffrir la comparaison entre son approche et celle de ses hôtes sur le Proche-Orient. Elle ne l'avantage pas. Elle le renvoie même au rang de néophyte.
Stephen Harper a rencontré hier le premier ministre Dominique de Villepin. Il doit dîner avec le président Chirac aujourd'hui.
Qu'ont dit Dominique de Villepin et Jacques Chirac dès les premiers jours de l'escalade à la frontière israélo-libanaise ? Que le Hezbollah devait être neutralisé, qu'Israël avait le droit de se défendre, mais que sa riposte était disproportionnée. Qu'un cessez-le-feu immédiat devait être décrété, qu'une force d'interposition onusienne devait être déployée sur le terrain et qu'il fallait soutenir le Liban pour éviter qu'il ne replonge dans ses vieux démons interconfessionnels.
Ils ont montré du doigt les parrains syriens et iraniens de la milice fanatisée qui a joué avec le feu en s'emparant de deux soldats de Tsahal. Ils ont fait preuve d'empathie envers les trop nombreuses victimes civiles.
Dominique de Villepin s'est même rendu à Beyrouth pour marquer sa solidarité avec le peuple et le gouvernement libanais. Ainsi que pour soutenir les ressortissants franco-libanais désireux de fuir les bombardements.
Au final, c'est un discours nuancé que la France a fait entendre.
Tout le contraire du message unidimensionnel - voire simpliste - qu'a tenu pendant beaucoup trop de temps Stephen Harper. Puisque des fous furieux du Hezbollah ont déclenché les hostilités, le pilonnage de l'armée israélienne ne pouvait qu'être juste et mesuré, selon lui. Point à la ligne.
Ce n'est qu'hier, enfin, qu'il a élargi son regard mais, encore là, sans chercher à tout voir. Il a dénoncé la spirale des violences et invité les parties à négocier une trêve. Pas un mot cependant sur le Liban, ni sur la terrible punition collective qu'il encaisse. Encore heureux que le chef du gouvernement canadien puisse se rabattre sur le communiqué du sommet du G8 qui appelle Tel-Aviv à la retenue.
Au plus bas dans les sondages, Jacques Chirac et son premier ministre en font beaucoup. Les plus cyniques diront qu'ils cherchent à soigner leur image. Il est vrai que Dominique de Villepin est un maître dans les effets de toge. Sa visite éclair à Beyrouth a été pensée pour les bulletins de télévision. Mais la situation actuelle exige que les chefs d'État et de gouvernement fassent beaucoup plus que le service minimal.
M. Harper n'a pas été à la hauteur. Il n'a même pas su trouver une façon digne d'exprimer ses condoléances aux proches de la famille canado-libanaise décimée dans le sud du Liban. Son attitude a été cavalière.
Là où, par contre, on instruit un mauvais procès à Stephen Harper, c'est lorsque la bulle médiatique lui reproche la lenteur des opérations d'évacuation des ressortissants canadiens pris au piège. C'est oublier que le Canada est loin du front. Qu'il possède peu de moyens logistiques. Et que plusieurs pays éprouvent les mêmes difficultés.
Hormis ses rencontres avec George Bush, le chef conservateur en est à ses premiers pas sur la scène internationale. C'est la première fois qu'il est contraint de plonger dans une crise aussi explosive. Souhaitons qu'il aborde les dossiers avec plus de nuances la prochaine fois. Et dans toutes leurs complexités.


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