Langue française et Immigration

Une incurie peureusement et savamment calculée

La langue - un état des lieux

Texte publié dans Le Devoir du mercredi 30 janvier 2008 sous le titre "Des correctifs pour protéger le français"
La question du français vient de ressaisir l’actualité politique. En est
l’occasion l’étude de Marc Termote déposée il y a quelque dix-huit mois à
l’Office québécois de la langue française, mais non encore présentée au
public. Les commentaires qu’on lit et que l’on entend relient étroitement
cette question à celle de l’immigration. Nombreuses sont les manifestations
d’inquiétudes et de colères. Est-il en train de se bâtir là une véritable
“affaire Termote”? On verra.
Le recul du français à certains égards et dans quelques parties assez bien
circonscrites du territoire exige dès maintenant des mesures précises qui
concernent à la fois et le français et l’immigration. Alors voici quelques
correctifs possibles.
Premièrement, à entendre les zézaiements, les nasillements, les
barbarismes et autres mollesses dans le discours de jeunes fréquentant
encore les établissements scolaires et de leurs devanciers diplômés
soi-disant bien scolarisés, il devient évident que l’enseignement du
français doive comporter une initiation aux règles élémentaires de la
prononciation. Et dans la même veine, il faut aussi que cet enseignement
ait un souci constant de la qualité de la communication orale. Tout cela
serait cependant superficiel sans une connaissance éprouvée des exigences
lexicales et grammaticales de la langue française, et sans une initiation à
l’esprit ou au génie de cette langue par la fréquentation prolongée des
meilleures œuvres littéraires issues des écrivains québécois et français.
En bref : il faut un approfondissement sérieux de l’enseignement du
français.
Deuxièmement, il est nécessaire et urgent que le gouvernement du Québec
mette en place un dispositif qui soit capable d’assurer l’enseignement du
français à tous les immigrants qui n’en ont pas une connaissance
suffisante. Et cela dès leur arrivée chez nous. Pour qu’ils puissent, bien
évidemment, entrer le plus vite possible sur le marché du travail qui doit
être français ici, et s’intégrer harmonieusement à la vie commune qui doit
également se dérouler en français sur notre territoire.
Troisièmement, il importe de redresser notre politique d’immigration. Vu
que les immigrants se regroupent massivement à Montréal et dans ses
environs immédiats, et que c’est justement là que l’intégration paraît
difficile et insuffisante, il faut les répartir dans les différentes
régions du Québec. D’abord selon les capacités d’accueil de leur population
respective. Ici, il ne doit y avoir aucun malentendu. Cette répartition
doit être présentée clairement à toute personne qui envisage d’immigrer
chez nous. Si, par exemple, quelqu’un désire s’établir à Montréal et qu’il
n’y a plus de place dans cette ville, selon la politique d’immigration,
l’année où il aimerait venir, alors, ou bien il retarde sa demande ou bien
il accepte de s’installer ailleurs sur le territoire. Et c’est dans ce lieu
qu’il devra normalement devenir citoyen du Québec.
Quatrièmement, il faudrait aussi que l’appel et le choix des immigrants
correspondent le mieux possible à nos besoins en main-d’œuvre. Il est bien
de rechercher des investisseurs. Mais il faut aussi penser aux métiers et
aux professions qui, selon les lieux, ont des besoins déterminés de
renforts. Par exemple, l’effort considérable qu’il faut faire dès
maintenant pour enseigner le français aux nouveaux arrivés va demander un
nombre important d’enseignants de cette langue. Voilà un débouché
intéressant pour des immigrants dont la langue est déjà le français. Il
faut absolument aller en chercher. D’autant plus que ces immigrants parlent
souvent une langue dont la qualité fait envie pour la majorité de nos
concitoyens. C’est là un enrichissement inestimable pour la société
d’accueil que nous sommes.
Ces quelques mesures seraient propres à calmer bien des inquiétudes et à
répondre à de justes réclamations. Sans compter qu’il y va de l’identité
même de la nation québécoise. Quand donc voudra-t-on voir que les espèces
menacées de disparition ne logent pas toutes dans les seuls règnes végétal
et animal? À force d’insister sur l’importance primordiale du français,
peut-être pourra-t-on sensibiliser une ministre en apprentissage de la
langue de bois et de ses esquives, et justement secouer un gouvernement
pratiquant dans ce domaine une incurie peureusement et savamment calculée,
voire institutionnalisée.
Le lundi 28 janvier 2008
Fernand Couturier

Québec

-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé