On accuse le Hezbollah d'agir au Liban comme un pouvoir parallèle ou un gouvernement parallèle dont les opérations échappent au contrôle et ne relèvent guère du gouvernement démocratiquement élu du pays.
Mais qu'est-ce qu'un gouvernement parallèle? Il ne faudrait pas oublier qu'en octobre 1970, on a parlé d'un gouvernement parallèle lors de l'enlèvement, par des terroristes du FLQ, de l'attaché commercial britannique James Cross et de Pierre Laporte, ministre du gouvernement du Québec.
Jean-Paul Desbiens, auteur de l'ouvrage «Les insolences du frère Untel», était éditorialiste au journal La Presse en octobre 1970. À cette époque, il a prévu le danger qu'un pouvoir parallèle pourrait poser pour le Québec, en signalant le chaos qu'un tel phénomène avait déjà provoqué en Jordanie.
Ainsi, le 6 octobre 1970, lendemain de l'enlèvement de Cross, Desbiens écrivit:
«L'exemple de ce qui vient de se passer en Jordanie est probant: le roi Hussein est le seul de tous les chefs arabes à avoir reconnu, sur son territoire, un pouvoir parallèle: celui des Palestiniens. Il a essayé de négocier avec eux; il a essayé de limiter leur pouvoir; mais à la fin, il a bien fallu que ces deux pouvoirs s'expliquent. À ce jour, cela a donné entre dix et vingt mille morts (quand c'est loin, on ne compte pas à l'unité près), et ce n'est pas fini.»
Desbiens donna encore un autre exemple, celui-ci impliquant l'ancien premier ministre israélien Ben Gurion: «Quelque vingt ans auparavant, Ben Gurion, chef israélien, avait donné l'ordre de couler un navire transportant des armes qui lui auraient été fort utiles dans sa lutte, à cette époque. Il a cependant donné l'ordre de couler le navire en question, dans l'idée de refuser toute espèce de reconnaissance à un pouvoir parallèle.» (La Presse, 6 octobre 1970).
Confronter le Hezbollah
On peut donc tirer la conclusion que le régime du Hezbollah constitue un gouvernement parallèle que le Liban aurait déjà dû confronter. Le Liban, toutefois, était et demeure trop faible pour le faire, et les puissances internationales, pour leur part, n'ont pas agi. L'Israël a donc assumé cette tâche dont l'exécution, maintenant plutôt tardive, pourra bien s'avérer impossible sans causer des dommages irréparables au Liban.
La destruction apparemment excessive de l'infrastructure libanaise et le préjudice déjà causé à tant de Libanais innocents laisseront des blessures graves, à la fois physiques, politiques et psychologiques. En même temps, il faut reconnaître le fait que le Hezbollah fournit de l'aide importante à la population de la région concernée, en lui assurant des services alimentaires, de l'instruction, des soins de santé et d'autres services sociaux. Cette réalité rend le dilemme actuel encore plus sérieux.
La solution à cette problématique n'est pas facile à trouver. Comme on fait dans le cas de chicanes d'enfants, il faudrait d'abord mettre fin aux hostilités. Par la suite, toutes les puissances du monde devront faire entamer des pourparlers auxquels pourront participer tous les intervenants impliqués directement et indirectement dans le conflit.
William Tetley
_ Professeur, Faculté de Droit de l'université McGill
_ L'auteur fut ministre des Institutions financières au conseil des ministres Bourassa de 1970 à 1976.
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