Une «fausse bonne idée»?

Élu il y a à peine un an et demi, le gouvernement Charest détient un mandat qui pourrait durer environ trois ans encore.

Élection Québec - 8 décembre 2008


Je ne connais pas l'avenir et peut-être ai-je tout croche dans mon appréciation de la situation courante. Mais, en plus du cynisme aisément décelable derrière la stratégie d'élections québécoises précipitées, je ne peux pas m'empêcher de penser que celle-ci pourrait fort bien se révéler être une «fausse bonne idée». Voire même une sorte de piège.
Élu il y a à peine un an et demi, le gouvernement Charest détient un mandat qui pourrait durer environ trois ans encore.
Il n'existe aucun motif valable pour justifier des élections précipitées. Seule excuse, peu glorieuse, étroitement partisane et inavouable: M. Charest aimerait exploiter les circonstances pour se donner une majorité qui lui permettrait de traverser confortablement la crise financière dans les prochains mois. Or, justement, des mois, il lui en reste entre trente et trente-six avant le terme de son mandat actuel! On peut présumer que la crise sera résolue d'ici là.
Le public ne veut pas non plus d'une nouvelle campagne électorale. Certes, dès que les élections sont lancées, les gens, nous dit-on, s'y résignent. Sauf que cette fois-ci, une élection fédérale vient tout juste d'avoir lieu, avec le résultat curieux que l'on connaît. Il arrive parfois que trop, c'est trop.
Vu l'absence de motif sérieux, il faudra bien inventer un prétexte. Ce sera évidemment la crise financière. Mais, comme le sens commun le suggère, elle exigerait que le gouvernement s'y consacre en priorité plutôt que de se lancer en élections. D'autant que rien n'interdit présentement à M. Charest de faire de son mieux pour s'en occuper, même s'il est minoritaire. Les partis d'opposition seraient mal venus de lui mettre systématiquement des bâtons dans les roues pour des raisons frivoles. Ils le seraient encore davantage s'ils s'avisaient de le renverser en plein tumulte financier et économique.
Il y a autre chose. Si M. Charest réclame un nouveau mandat dans le but explicite d'affronter la situation, il se portera de la sorte volontaire pour assumer la responsabilité complète de la suite des événements. D'événements dépendant de causes extérieures dont il ne sera pas nécessairement responsable, mais dont il le deviendra aux yeux de la population puisqu'il l'aura bousculée pour lui demander qu'elle le laisse sans entrave résoudre les problèmes entraînés par la crise. Il la prendra ainsi sur ses épaules. Il s'identifiera à elle et à ses séquelles. Attitude plutôt téméraire et mission périlleuse pour un premier ministre de province, qui sait pourtant qu'il ne contrôle pas tous les outils dont il aurait besoin.
J'ajoute ceci, pas du tout négligeable: M. Charest a des chances d'être réélu majoritaire (encore que...), mais, à cause du désenchantement affectant l'ADQ, il a des chances encore plus fortes de faire du PQ l'opposition officielle et de lui donner par le fait même un statut et des moyens d'action plus efficaces, ce dont il se repentirait sans doute assez vite. Sa fuite en avant, par le biais d'élections prématurées, aboutirait ainsi à un résultat paradoxal qui, de mon point d'électeur péquiste, ne serait pas si vilain. D'une part, M. Charest serait, à sa propre demande, aux prises avec une crise contre laquelle il se serait engagé à protéger le Québec, et ses performances seraient jugées en conséquence. D'autre part, il aurait amené et promu, en face de lui, un PQ renforcé...
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Claude Morin, Ancien ministre des Affaires intergouvernementales du Québec


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