Une démocratie en crise

Géopolitique - État profond


Dans L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie (2011), Hervé Kempf
soutient que l’oligarchie et la gauche productiviste sont dépassées, parce
que leurs politiques sont essentiellement axées sur la consommation et la
croissance économique, au détriment de l’environnement. Le célèbre
journaliste se range du côté de l’économiste et sociologue Thorstein
Veblen, soutenant pour sa part que dans les pays riches et fortement
industrialisés, la production est suffisante. Kempf remet en question la
croissance anarchique des richesses en la repensant dans le cadre d’une
planification complexe du développement économique mondial.
Cette approche
interventionniste et régulatrice déplaira sans doute aux partisans du
libéralisme économique de gauche comme de droite, mais, en général, je
crois que les gens intelligents, conscients des enjeux démocratiques et
planétaires, seront d'accord avec la critique constructive de l’activiste.
Le nœud du problème, selon l’auteur, c’est la démocratie participative,
parce que les changements majeurs qui s’imposent dans la gouvernance des
États doivent se réaliser de façon démocratique et légitime. Ce qui n’est
pas le cas en ce moment. Ironiquement, s’il tente de renforcer la
démocratie, Kempf se retrouve dans le camp des marginaux. Face à eux, les
oligarques déploient toute leur puissance, dans le but de promouvoir une
idéologie favorisant leurs propres intérêts qui, disons-le franchement,
entrent la plupart du temps en conflit avec ceux de la population.
L’exploitation du gaz de schiste illustre bien mon propos. L'auteur
rappelle que la démocratie, c’est la gouvernance par et pour le peuple. Or,
ce qui empêche l’exercice d’une saine démocratie, c’est la concentration
stratégique des médias et du lobbyisme, entre les mains des oligarques.
Kempf dénonce la forte concentration des médias au Québec. Il se demande si
nous sommes toujours en démocratie. Il constate qu’il y a une démocratie
pour les oligarques et les ploutocrates, non pour le peuple. En effet, les
oligarques d’ici ont implanté une démocratie de façade, qu’ils nomment
démocratie représentative. Il est vrai qu’en évitant entre autres le
scrutin proportionnel, la démocratie sert bien les intérêts des riches.
Le
journaliste précise aussi que les agences de notation telles Standard &
Poor’s, Moody’s Investors Service et Fitch Ratings sont payées par les
firmes qu’elles évaluent. Il remarque que ces agences ne divulguent jamais
leur méthode d’analyse et qu’elles favorisent la mondialisation du
fanatisme des marchés. C’est un peu ce qui s’est produit avec la Caisse de
dépôt et placement du Québec, lorsque Standard & Poor’s la plaça en
observation négative, par crainte que les débats politiques nuisent à
l’autonomie des investisseurs.
Quand le capital détruit la qualité de vie
des habitants, la démocratie recule forcément. Le régime néolibéral actuel
nous entraîne vers une hécatombe écologique qui causera des guerres et des
crises économiques répétitives. Bien qu’il soit très critique envers ses
collègues journalistes et les autorités, Kempf est conscient qu’il offre
peu de solutions aux problèmes que pose la croissance économique mondiale.
Mais, des solutions durables, il en existe. À titre d’exemple, il y en a de
nombreuses dans La Voie. Pour l’avenir de l’humanité (2011), une œuvre
récente d’Edgar Morin. Après avoir lu ce texte, on se demande quelle
plate-forme politique, ou quel gourou néolibéral peut rivaliser
d’intelligence, d’ingéniosité et d’érudition avec le philosophe. Ayant
atteint un âge vénérable, Edgar Morin pourrait prendre sa retraite, mais
parce qu’il est vertueux, il a décidé d’œuvrer au mieux-être de l’humanité.
Ce qui est tout à fait inconcevable pour la majorité des journalistes et
des affairistes au service des oligarques.
Luc Benoit
Chargé de cours, UQTR


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2012

    Je suis d'accord qu'il faut remplacer l'oligarchie, par une democratie participative, je dirait même qu'il faut amorcer une transition graduelle si possible d'une économie de marché (avec ces privations, ces gaspillages, et ces conflits d'interet) vers une économie participative qui mise sur le fonctionel, la prévention des problemes, l'automatisation de la production, et la coordination de la praticipation volontaire.

    Je suis totalement en désacords lorsque Kempf dit qu'il faut appauvrir matérielement l'occident. Nous avons la possiblite technique que subvenir aux besoins de toute la population et d'enrichir les 99%. C'est une aberration que des personnes adultes agées ou enfants, n'aient pas un access automatique et inconditionel à la nourriture de qualité, à un logment adequat et fonctionel, aux services de transport et de telecommunication, techniquement on peut fournir a tous tout ceci et plus, les privations sont des problemes systemiques d'organisation (systeme economique, politique,social) et non des problemes techniques ou de fesabilité. Si des personnes sont sans abrit, ce n'est pas parce qu'il manque de bois dans les forêts du Québec pour faire des logement, ou qu'il manque de main d'oeuve, c'est notre système qui ne livre pas la marchandise. Si des enfants ont faim, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de possibilité technique pour produire plus de nouriture mais parce qu'on limite la production et la distribution de facon abitraire(pour le profit au lieu d'etre en fonction des besoins). Si ont utilise des vehicule a combustion (et qu'on passe 500 heures dans le trafic par année), ce n'est pas parce qu'il est techniquement impossible d'organiser l'urbanisme pour ne pas en avoir de besoin(Epcot Center) ou parce qu'il n'exste pas de RAV4EV 100% electrique depuis plus de 10 ans mais parce ce que des organisations dont le but premier n'est pas de repondre aux besoins de la population mais bien de faire des profits sont en conflit d'intérêt dans le système monétaire actuel et favorisent la dependance au petrole (et le gaspillage que sont les changement d'huile, filtre, reparation de pieces, radiateur, ehcapement, etc, etc, etc). De plus dans notre systeme ont deplore le fait de reduire le travail requis parce qu'on en dépand pour notre pouvoir d'achat, on automatise une fonction et on deplore(a raison dans notre systeme) des pertes d'emploi et la précarité qui y est associée(ce qui dans un meilleur systeme ne serait pas le cas). Notre systeme multiplie le gaspillage, marginalise la prévention et favorise la dépandance et la privation.
    Pour combattre l'Oligarchie outre une réforme démocratique, il faut selon moi à plus long terme; réduire l'influence et la concentration de l'argent, démenteller/remplacer/modifier/baliser/reduire l'influence des structures hierarchiques dans toutes les organisations (ministères, agences, compagnies, medias, armée, etc) et rendre les organisations plus transparentes, démocratiques et ouvertes à la particiaption des citoyens et aux considérations externes(éviter la vision en silo).

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2012

    Monsieur Benoit,
    Il semble que partout en Occident, c'est l'argent qui achète le pouvoir. Aux États-Unis, c'est Obama avait reçu le plus d'argent pour sa campagne électorale et il a gagné... même chose au Canada pour Harper.
    Et si l'on se fie à cela, c'est Legault qui va gagner la prochaine élection provinciale au Québec.
    La question, c'est comment sortir de cette dynamique? Car une fois que les riches élites capitalistes ont leurs hommes au pouvoir, ce sont ces dites élites qui sont les premiers à voir leurs intérêts servis.
    Les riches pourraient détenir tout le pouvoir qu'ils veulent s'ils désiraient une vie décente pour tous leurs concitoyens moins fortunés.
    Mais force est d'admettre que ça ne semble malheureusement pas être le cas sinon il existerait quelque chose comme un revenu universel pour faire en sorte que tous puissent vivre décemment.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2012

    Il y a une voie qui me redonne espoir. C'est celle de la voie citoyenne et de la reprise en main par les citoyens de leur destin.
    Cela veut dire carrément remplacer la fausse démocratie de représentation qui s'exprime par l'élection et les politiciens professionnels, par le tirage au sort et des gestionnaires amateurs (mais des professionnels de la vie) nommés pour de courts mandats non renouvelables.
    Exemple : Luc Benoit choisi par tirage au sort pour être membre de la Chambre citoyenne formée de 124 autres citoyens et citoyennes comme lui pour gérer le Québec pendant une période de 2 ans, sans renouvellement de mandat.
    Je rêve? Bien sûr. Mais si notre démocratie est défaillante, c'est parce que sa source - l'élection - l'est.
    Jamais en 200 ans et plus d'existence la fausse démocratie dans laquelle nous vivons n'a permis aux pauvres d'arriver au pouvoir. Jamais. Tirez vos conclusions.
    Pierre Cloutier