OMERTA AU MINISTÈRE DES TRANSPORTS

Une culture libérale

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Couillard Ponce Pilate

Philippe Couillard a bien maladroitement relativisé l’omerta au ministère des Transports en qualifiant l’affaire de « problème profond de culture dans l’administration publique ». À l’écouter, le PLQ n’aurait que peu à voir avec ces pratiques du secret, en matière d’affaires louches, du « plus gros donneur d’ouvrage » au Québec. Faux ! Cette culture s’est enracinée, a prospéré lors de mandats libéraux. S’il veut vraiment assainir le MTQ, il lui faudrait commencer par l’admettre.

Le témoignage de l’analyste Annie Trudel et de l’experte en audit Louise Boily, devant la Commission de l’administration publique, a eu l’effet d’une bombe à fragmentation à l’Assemblée nationale : débat d’urgence, accusation d’outrage au parlement, demande de prolongation de la session. Normal : les allégations, vraiment graves, dont certaines sont potentiellement criminelles, ont de quoi bouleverser : fractionnement de contrats, intimidation, dissimulation systématique des traces, sabotage, mensonge, falsification de documents déposés à l’Assemblée nationale et à l’UPAC, etc.

Le premier ministre a soutenu qu’il fallait prendre ces allégations « excessivement [sic] sérieusement et sans compromis ». Il s’est toutefois contredit lorsqu’il a entrepris de les relativiser, en soutenant qu’elles relèvent d’un « problème de culture organisationnelle qui dure depuis au moins 20 ans, d’après moi, et même plus ». À l’écouter, il serait à peine caricatural de conclure que, au fond, ce serait la faute à Duplessis, ou, pourquoi pas avant le « cheuf », à Vautrin, voire Mercier !

Il ne s’agit pas ici de nier que l’antique « voirie », les « travaux publics » et autres transports ne furent pas, traditionnellement, à travers l’histoire, le lieu de combines douteuses couvertes par de scandaleuses omertas. Dans ses mémoires, René Lévesque raconte son arrivée à la tête du ministère des Travaux publics en 1960. Les « contracteurs » unionistes régnaient en barons. Il les rabroue. Mais, rapidement, c’est un candidat libéral défait de justesse qui lui propose de lui confier l’attribution des contrats aux entrepreneurs libéraux. Lévesque, outré, refuse évidemment et rappelle les promesses de l’Équipe du tonnerre consistant à instaurer des règles saines, comme celle du plus bas soumissionnaire. L’autre le traite de « naïf » et claque la porte !

Certaines habitudes, en moins grossier, semblent avoir perduré : il suffit de lire le chapitre 6 de la partie 3 du rapport Charbonneau, consacré au ministère des Transports. Reste que cette « culture » est trop aisément invoquée par M. Couillard comme un ensemble de pratiques relevant d’abord de l’« administratif ». Dans son discours, il semble qu’un pilier de notre régime, le principe de responsabilité ministérielle, soit en passe d’être abandonné. Le 19 mai, au lendemain de l’éclatement de l’affaire Poëti, Jacques Daoust et Philippe Couillard annoncent le limogeage d’une sous-ministre et d’un chef de cabinet. L’administratif encaisse. Le lendemain du témoignage d’Annie Trudel et de Louise Boily, le premier ministre évoque une maladie de l’administratif. Or il semble superflu de le rappeler, mais les politiques sont les patrons des « administratifs ». Devant la commission Charbonneau, l’ancien sous-ministre Jean-Paul Beaulieu a, par exemple, « décrit la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent souvent de hauts fonctionnaires de l’État lorsque surviennent des changements de gouvernement ».
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