Inquiets et épuisés, à force de réception d’avis et de lettres d’avocat, les propriétaires de petits et moyens détaillants du Québec peinent à fermer l’œil depuis le début de la COVID-19.
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« Jusqu’à la fermeture des centres commerciaux, ça allait encore. Mais depuis le 22 mars (fermeture imposée par Québec), ça ne va pas du tout, affirme Linda Goulet, PDG du Groupe Panda. Ça fait des semaines que je ne dors pas ! Et, croyez-moi, je ne suis pas la seule. Dans l’industrie, nous sommes tous sur le gros nerf à nous demander ce qui va nous arriver. »
Au cœur de leur inquiétude : le paiement de leur loyer dans les centres commerciaux où sont installés leurs magasins. Panda, par exemple, compte 24 boutiques de chaussures dans autant de centres commerciaux de la province. Total de ses baux : plus de 190 000 $ par mois.
Le hic, c’est que même si les centres d’achats sont fermés, que les clients n’y ont pas accès et qu’aucune vente n’est possible pour les détaillants, leurs propriétaires réclament quand même, bail à l’appui, le paiement de leur loyer mensuel.
Photo Stevens LeBlanc
Difficile de respecter son bail
« Je veux bien respecter ma signature, mais dans le contexte actuel, je ne vois pas comment je le pourrais, soutient la propriétaire d’une douzaine de boutiques réparties dans la province. Je suis allergique aux batailles. Mais comment payer des dizaines de milliers de dollars de loyers tous les mois, si je ne vends pas ? »
Pour soulager les détaillants, Ivanhoé Cambridge, propriétaire de nombreux centres commerciaux au Canada, dont le Centre Eaton à Montréal et la Place Sainte-Foy à Québec, a annoncé à la mi-mars que ses commerces locataires pourraient profiter d’un report de leur loyer.
Bien que le geste n’ait pas été imité officiellement, des sources nous confirment que la plupart des grands propriétaires, tels Oxford, Cadillac Fairview, Cominar et Westcliff, proposent à leurs locataires récalcitrants, ou en difficulté, des ententes de report similaires à celle d’Ivanhoe.
Plusieurs d’entre eux exigent de leurs locataires qu’ils s’engagent à payer la totalité de leurs loyers dans les « deux à quatre mois » suivant la réouverture des commerces. Un cadeau empoisonné, aux yeux de nombre de détaillants.
La vraie crise
Pierre-Olivier Mercier, PDG du Groupe WLKN, lequel compte huit magasins, dont trois à Toronto, partage cette opinion.
« Je vois cela comme une façon d’acheter la paix momentanément. Mais après, lorsque viendra le temps de payer nos trois mois de loyers passés, que va-t-il se passer ? Je prévois que la vraie crise entrepreneuriale, c’est à ce moment-là qu’on va la voir. Ça va tomber comme des mouches, ça va être l’hécatombe. »