Un vieil ennemi

L'homme qu'ils ont choisi est un vieil ennemi, qui se retrouve maintenant dans une position où il pourrait faire très mal à la «cause».

Les péquistes devront "apprendre à «haïr»" Mulcair



Dix ans après le référendum de 1995, Thomas Mulcair n'avait pas décoléré. Malgré la conclusion contraire de l'enquête menée par le juge Alan B. Gold, il croyait toujours dur comme fer que le rejet de 5426 bulletins dans sa circonscription de Chomedey était le fruit d'un complot ourdi par le camp du oui.
Plusieurs souverainistes devaient prier pour que les militants du NPD commettent l'erreur d'élire Brian Topp. L'homme qu'ils ont choisi est un vieil ennemi, qui se retrouve maintenant dans une position où il pourrait faire très mal à la «cause».
L'hostilité grandissante que suscite le gouvernement Harper n'est pas étrangère à la résurrection du PQ et au regain de la ferveur souverainiste. L'effondrement du Bloc québécois a également permis à Pauline Marois de se substituer à Gilles Duceppe dans la défense des «valeurs québécoises» menacées par le nouvel Attila conservateur. Depuis plusieurs semaines, sa cible de prédilection n'est plus Jean Charest, encore moins François Legault, mais bien Stephen Harper.
M. Mulcair ne tardera cependant pas à apparaître comme le protecteur des valeurs progressistes que les Québécois partagent avec un grand nombre de Canadiens et il peut faire valoir un argument que le Bloc québécois ne pouvait pas utiliser: il est en mesure de remplacer le gouvernement Harper.
Le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir indiquait que le Bloc, malgré une présence très limitée dans les médias et un chef presque inconnu de la population, devançait maintenant le NPD dans les intentions de vote. Cela risque de changer très rapidement quand M. Mulcair va faire étalage de ses capacités.
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Les péquistes savent mieux que quiconque à quel point le nouveau chef néodémocrate peut être un adversaire redoutable. À l'époque où il siégeait dans l'opposition à l'Assemblée nationale, certains étaient terrorisés à l'idée de devoir l'affronter.
En avril 1999, quand une fuite de renseignements confidentiels était survenue au ministère du Revenu, Rita Dionne-Marsolais avait démissionné avec une rapidité qui en avait surpris plusieurs. La perspective de servir de chair à pâté au pitbull de Chomedey lui avait enlevé toute idée de s'accrocher.
Dans le feu du débat, M. Mulcair peut devenir carrément vicieux, comme cette fois où il avait crié au népotisme parce que l'épouse de Bernard Landry, Lorraine Laporte, dont tout le monde reconnaissait les mérites, avait été nommée juge à la Cour du Québec.
Quand il a débarqué à Québec au printemps 1998, Jean Charest a expliqué à ses députés, un peu déconcertés par la brutalité de ses propos, qu'ils devaient apprendre à «haïr» leurs adversaires péquistes. Celui qu'il leur donnait sans cesse en exemple était M. Mulcair, qu'il encensait littéralement. Jack Layton ne manquait pas de vigueur, mais il n'avait pas cette hargne qui caractérise son successeur.
Quand il avait qualifié l'ancien ministre Yves Duhaime de «vieille guidoune péquiste», qu'il souhaitait voir croupir en prison, le juge André Denis, de la Cour supérieure, avait estimé que ses propos avaient «largement dépassé la confrontation de points de vue, le débat ouvert, voire passionné, et le droit à l'expression dans une société libre et démocratique». M. Mulcair dit s'être adouci depuis qu'il est devenu grand-père, mais on sent que le naturel n'est jamais bien loin.
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Une majorité de Québécois souhaitaient le voir succéder à Jack Latyon. Alors qu'il avait longtemps été tenu en haute suspicion en raison de son passage à Alliance-Québec, son opposition à la vente du mont Orford et sa démission du gouvernement Charest lui ont valu une réhabilitation tout à fait remarquable dans l'opinion francophone.
La semaine dernière, un sondage effectué par la firme Environics plaçait les conservateurs et le NPD à égalité dans l'ensemble du Canada. La possibilité que le Canada soit gouverné pour la première fois par un parti social-démocrate est certainement de nature à rendre la souveraineté moins nécessaire dans l'esprit de plusieurs. Dirigé par M. Mulcair, le NPD devrait également perdre beaucoup de son étrangeté aux yeux des Québécois.
Le nouveau chef du NPD a assuré hier qu'il avait rétabli de bonnes relations avec Jean Charest depuis leur tumultueux divorce, mais il a la mémoire longue. De toute manière, c'est avec le PQ qu'il risque d'avoir affaire si jamais il devient premier ministre.
Au sein du NPD, M. Mulcair s'est fait le promoteur d'une extension des dispositions de la Charte de la langue française aux entreprises sous juridiction fédérale sur le territoire québécois, mais l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement péquiste créera dans le reste du pays un climat peu propice aux concessions.
L'adoption de la «nouvelle loi 101» promise par Pauline Marois, qui s'étendra au cégep et aux petites entreprises, sans parler du recours à l'abominable clause «nonobstant» pour interdire les écoles passerelles, ne pourra qu'indisposer l'opinion canadienne-anglaise.
Si la tenue d'un référendum réapparaît à l'ordre du jour, la Déclaration de Sherbrooke, selon laquelle il suffirait d'une majorité de 50 % des voix plus une pour qu'un gouvernement néodémocrate reconnaisse la souveraineté du Québec, sera certainement contestée. D'ailleurs, M. Mulcair lui-même pourrait bien découvrir un nouveau complot.


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