Le discours d'ouverture prononcé aux Communes par le nouveau premier ministre Stephen Harper accorde beaucoup d'importance au Québec. Rien de surprenant là-dedans, puisque le chef conservateur espère en retour y en tirer assez de sièges dans environ un an pour obtenir une majorité de députés.
Un « espace » serait donc consenti à un représentant québécois à l'intérieur de la délégation canadienne à l'UNESCO d'où il pourrait «agir». Pour ce qui est d'un réaménagement des ratios fiscaux qui s'approcheraient de ceux qui étaient en vigueur avant les odieuses compressions fédérales de 1994, on se dirigerait plutôt vers un « accommodement », en attendant quelque chose de permanent. Les Pygmées du gouvernement libéral à Québec se sont immédiatement emballés : il sera bientôt possible de « manger »! C'est vrai qu'à la vue d'étudiants qui vendent du chocolat pour acheter des pupitres, ce ne sera pas un luxe.
Les miettes promises à l'Assemblée nationale ont quand même déplu à des députés libéraux fédéraux. À leurs yeux, le gouvernement Harper va choquer le Canada anglais qui insiste pour que toutes les provinces soient égales. Ce sentiment existe également du côté des élus conservateurs. Seul le silence musclé imposé par leur chef a évité que certains d'entre eux explosent devant les médias. L'avènement d'un gouvernement majoritaire fera assurément disparaître nombre de muselières au PC...
Si les libéraux fédéraux devaient reprendre le pouvoir suite à un vote défavorable aux Communes sur la question des mariages gais, du protocole de Kyoto ou au sujet du rôle que devrait jouer le Canada suite à l'éclatement d'un conflit armé en Iran, les ententes conservatrices avec le gouvernement du Québec, si maigres soient-elles, tomberont. Ce n'est pas la venue de Michael Ignatieff à la tête du PLC qui les maintiendra : l'homme est un adepte d'un État central fort qui encadre les compétences provinciales selon sa vision trudeauiste du Canada. En d'autres mots, le peuple québécois sera considéré comme une communauté culturelle parmi les autres, ni plus, ni moins.
Rien de neuf donc sous le soleil quant à la possibilité pour l'Assemblée nationale de savoir sur quel pied danser. Jean Charest attend tout de même un gros montant d'une enveloppe fédérale qu'il considère de plus en plus comme un butin. Le pauvre a tellement contribué à l'enrichir qu'il risque de ne plus être en mesure de distinguer « l'argent neuf » des millions qu'il y a abandonnés en attendant un règlement sur le déséquilibre fiscal. Parions que le retour des 800 millions provenant de l'annulation de l'entente sur le financement des garderies avec l'ancien gouvernement libéral fédéral se transformera à ses yeux en un gain ronflant, alors que cette somme devrait plutôt faire l'objet d'un autre accord avec Ottawa. Les paiements de transferts ainsi que la péréquation risquent également d'y être confondus. Il serait surprenant que les tenants de la dépendance à Québec osent dénoncer ces astuces comptables : on ne mord pas la main qui nourrit...
Stephen Harper applique admirablement le « plan B » concocté par le gouvernement libéral de Jean Chrétien. Les recettes fiscales du Québec détournées à Ottawa retourneront partiellement là où elles auraient dû toujours être, mais déguisées en traitements de faveur surtout réservés à la population, et non à l'État québécois. Le premier ministre canadien donne ainsi l'impression qu'il en est le fiduciaire, et que les goussets qu'il s'apprête à ouvrir relèvent uniquement de son bon vouloir. La distribution d'un chèque de 1200$ aux familles ayant un enfant de moins de six ans vise à raffermir cette perception. Également, la baisse de 1% de la TPS qui sera confirmée lors de la présentation du premier budget conservateur mardi prochain, cible le même objectif. Au gouvernement du Québec donc de coiffer le bonnet d'âne s'il veut augmenter ses revenus sans attendre Ottawa, en haussant toutes sortes de tarifs. Quel vulgaire traquenard!
Dupés, des Québécois excités retiennent leur souffle en attendant de voir la manne arriver du gouvernement fédéral! Le nouveau dirigeant canadien s'est d'ailleurs amusé à les faire chanter, lors de son passage au Palais des congrès de Montréal le jeudi 22 avril dernier. Ainsi, pour toucher « l'argent d'Ottawa », les Québécois doivent renoncer à leur objectif indépendantiste considéré comme de la « polarisation politique. » Ce projet, pour Stephen Harper, serait le fruit d'une réaction extrémiste attisée par un État canadien trop centralisateur dans le passé! Pourtant, la mainmise qu'il compte conserver sur les revenus fiscaux du Québec démontre que ce comportement ne lui déplaît pas. Reste que la lecture que fait Stephen Harper de l'Histoire du Québec est éminemment réductrice, voire odieuse. Un peuple qui se sait minoritaire éprouvera toujours, s'il manifeste le moindrement de fierté, le désir de s'extirper de cette situation nocive qui ne pardonne pas, puisqu'elle condamne irrémédiablement à l'assimilation.
Il est clair que le premier ministre Harper est tiraillé à l'idée de donner de « l'oxygène » au gouvernement du Québec, sachant que l'administration Charest qui y est à la tête risque de se retrouver sur les banquettes de l'opposition dès l'an prochain. C'est pourquoi il s'est permis, jeudi dernier, de renvoyer grossièrement l'ascenseur à Mario Dumont, présent au Palais des congrès pour l'applaudir. On se souviendra que le chef de l'Action démocratique avait soutenu publiquement le Parti conservateur lors de la dernière élection, au grand dam de plusieurs de ses camarades. Stephen Harper a sciemment utilisé les termes fétiches du député de Rivière-du-Loup durant son discours, afin d'aviser la population qu'il endosse la « mixture autonomiste » de l'ADQ. Visiblement, l'homme n'a plus d'espoir de voir Jean Charest obtenir un second mandat des Québécois et souhaite donc que réapparaisse au Québec l'engouement dont fut l'objet le parti de Mario Dumont à l'automne 2002, à défaut de voir ce dernier aboutir à la tête du PLQ.
La formation d'un gouvernement souverainiste rendra assurément caduc le « fédéralisme d'ouverture » que propose présentement Stephen Harper. C'est pourquoi le premier ministre canadien s'en tient prudemment aux beaux discours depuis qu'il habite le 24 Sussex. Aucune action concrète n'est venue appuyer ce qu'il avance jusqu'à présent. Vrai néanmoins que le nouveau chef du gouvernement fédéral n'est en poste que depuis environ trois mois. Pourquoi alors cette admiration précipitée exprimée par plusieurs observateurs de la scène politique au Québec?
Le commentaire élogieux de Denise Bombardier diffusé sur les ondes du réseau TVA est en effet nettement prématuré. Cette dame semble vouloir uniquement fronder les souverainistes depuis quelques mois. Michel Vastel ne fut pas en reste dans son dernier article où il croit le leader du PC capable de « marcher sur les eaux! » L'émerveillement soudain de ces gens surprend, sachant qu'ils ne sont pas nés de la dernière pluie! Qui ne se doute pas que dès l'arrivée des indépendantistes au pouvoir à Québec, celui qui a dénoncé la « polarisation des choix politiques » devant des membres de la Chambre de commerce montréalaise sera le premier à l'exacerber? Le chef de l'État canadien n'hésitera pas en effet à appliquer la loi C-20 et à donner dans l'agitation raciste en brandissant l'épouvantail partitionniste.
Il est évident que la place que promet Harper aux Québécois dans « son Canada » n'est qu'un trône de papier qui s'écroulera, sitôt que ceux-ci voudront adopter l'unique mesure capable de protéger et de faire rayonner leur différence : la souveraineté. Donner un État national aux générations de Québécois à venir constitue un geste noble puisqu'il leur garantit le contrôle de leur futur. Ce que le « fédéralisme d'ouverture » de Stephen Harper ne pourra jamais assurer.
Personne n'est forcé de choisir entre ces options, entraînant leur polarisation comme le prétend le chef de l'État canadien. C'est plutôt l'amour de la patrie qui l'exprime librement et pacifiquement, celui-là même qui emballe le dirigeant conservateur envers la sienne.
[Patrice Boileau ->aut39]
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