Un TGV comme infrastructure

Le Québec et la crise



Confronté à la possibilité d'être défait en janvier, le gouvernement conservateur de Stephen Harper semble avoir compris le message que le Canada gagnerait à entreprendre un ambitieux plan d'infrastructures pour limiter les effets de la crise économique. Et il n'y a pas d'infrastructure collective meilleure qu'un réseau de trains à haute vitesse pour stimuler l'économie et l'emploi... tout en préparant notre pays à la menace du réchauffement climatique.
M. Harper pourrait annoncer le mois prochain que son gouvernement ira de l'avant avec un programme économique évalué à une trentaine de milliards $ d'investissements collectifs. Cela correspond à environ 2 % de notre Produit national brut. Or, un train à haute vitesse correspond tout à fait à plusieurs des priorités que suggèrent des groupes de réflexion, dont une table ronde de l'Université de Toronto, cette semaine. Ce groupe, présidé par les ex-ministres Perrin Beatty (conservateur) et Donald Macdonald (libéral) a proposé des investissements dans le domaine portuaire, frontalier, culturel et du transport en commun. Dans son rapport, il encourage des investissements qui fassent la promotion de «l'efficacité, de la productivité et du développement durable».

Un TGV Québec - New York ?
Un train à haute vitesse répond à tous ces critères. Après quatre décennies de tergiversations, d'hésitations et d'études, le moment présent est tout à fait choisi pour réactualiser ce dossier et à le remettre sur les rails, pour faire un jeu de mots.
Divers projets ont fait l'objet de discussions au fil des ans. L'ex-maire Jean Drapeau rêvait pour la métropole québécoise d'un TGV (pour train à grande vitesse, comme il existe en France) reliant Montréal, Boston et New York. Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a parlé récemment d'un lien similaire entre Québec et New York. En Alberta, un semblable projet a déjà été envisagé entre Calgary et Edmonton.
Mais c'est le corridor Québec-Windsor, où réside 70 % de la population canadienne, qui a été le plus discuté et qui semble le plus logique. Pas plus tard qu'en janvier dernier, les premiers ministres de l'Ontario, Dalton McGuinty, et du Québec, Jean Charest, ramenaient l'idée à l'avant-scène.
C'est dans ce corridor étroit qu'un tel projet ferroviaire peut atteindre sa rentabilité.
Quant à sa faisabilité technique, elle ne fait aucun doute depuis longtemps. L'ex-président-directeur général de Via Rail, Denis de Belleval, a rappelé récemment qu'il avait commandé l'étude la plus exhaustive à ce sujet dès 1987. Tout avait été concluant. Sauf un élément clef : l'adhésion de la classe politique.
«La haute fonction publique fédérale concernée (Transports, Finances, Conseil privé) a accueilli le rapport de 1989 avec hostilité, a rappelé M. de Belleval, l'été dernier, dans les pages du quotidien Le Devoir. On arguait que le corridor Québec-Windsor était abondamment pourvu en moyens de liaisons routières et aériennes et que le service d'alors de Via était, pour ainsi dire, redondant !»
Nouveaux arguments
Au cours des 20 années qui ont suivi, deux arguments massues se sont ajoutés à l'équation. Après vérification, ils devraient annihiler toutes les hésitations des politiciens d'aujourd'hui. Il s'agit des considérations de sécurité, qui sont venues ralentir à un rythme de tortue les délais du transport aérien, et des considérations environnementales, que l'on n'envisageait pas avec urgence à l'époque.
Jusqu'ici, les lobbies des autres modes de transport (avion et autobus, notamment) ont chaque fois réussi à étouffer le projet d'un train à haute vitesse. La croissance démographique, l'exemple réussi du TGV en France et ailleurs en Europe, et la fragilité de l'option de l'avion militent aujourd'hui pour l'ajout d'un autre mode de transport à la hauteur des attentes des clients du xxie siècle. Voilà ce qui pourrait profondément modifier nos habitudes pour les décennies à venir, bien plus qu'un stade, des ponts ou, horreur, une autre autoroute !
pjury@ledroit.com


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