Un souvenir toujours aussi amer

17 avril 1982 - la Loi sur le Canada (rapatriement)


par Malorie Beauchemin - Isolement du Québec, «judiciarisation», «affaiblissement forcé» d'un des peuples fondateurs du Canada, statu quo «intolérable» : d'anciens péquistes, ministres ou conseillers, semblent toujours avoir en travers de la gorge le rapatriement de la Constitution, il y a 25 ans.
Lorsque Pierre Elliott Trudeau, au début des années 80, amorce les tractations pour rapatrier de Londres la Constitution canadienne et y enchâsser une Charte des droits et libertés, Claude Morin est ministre des affaires intergouvernementales, sous René Lévesque. Il quittera son poste au début de l'année 1982, peu avant la date fatidique du 17 avril.
«Le Canada anglais s'est donné sa propre Constitution. C'est une vision canadienne anglaise qui a été imposée au Québec», dit-il, interprétant le geste du premier ministre Trudeau, qui a procédé sans l'accord du Québec. «C'est la négation de ce qu'a représenté le Québec dans l'histoire du Canada», ajoute du même souffle M. Morin, aujourd'hui âgé de 77 ans.
Pour lui, les Québécois ont été bernés par un grand mensonge : la promesse d'un fédéralisme d'ouverture advenant une victoire du Non au référendum de 1980 sur la souveraineté du Québec. «Trudeau a fait croire aux gens qu'il allait renouveler le fédéralisme comme les Québécois le souhaitaient, souligne l'ancien ministre. Au contraire, il a renouvelé le fédéralisme pour imposer la vision du Canada anglais.»
Denis Vaugeois, qui était à cette époque adjoint parlementaire du ministre délégué aux Affaires parlementaires (péquiste), abonde dans le même sens. «Le Québec s'est interposé parce que tant que la Constitution était à Londres, on était relativement protégé», se rappelle-t-il.
«Sur le coup, on l'a vécu sans se rendre compte de ce qui se passait, on ne réalisait pas l'ampleur du geste, soutient M. Vaugeois, aujourd'hui historien et président de la maison d'édition du Septentrion. J'ai ensuite passablement étudié la question pour me rendre compte combien c'est inimaginable les conséquences catastrophiques de 1982 sur le Québec.»
Professeur de droit constitutionnel à l'Université Laval, qui a aussi été conseiller pour le Parti québécois, Henri Brun estime que la province a souffert de cet isolement.
«Le débat est toujours présent puisque le Québec est membre d'une fédération dans laquelle il n'est pas à l'aise, dit-il. Le Canada s'est mis dans l'embarras, en forçant un des deux peuples fondateurs à s'affaiblir de cette façon.»
La Charte des droits et libertés a fait en sorte de transférer des pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec vers le système judiciaire, soutient-il, avec en dernier recours la Cour suprême et ses juges nommés par le gouvernement fédéral pour trancher.
«C'est dangereux dans une démocratie, rétorque l'ex-ministre Vaugeois. Les juges n'étaient pas préparés à ça. Résultat : 25 ans plus tard, le tribunal a plein de causes entre les mains. «Ce qui peut entraîner, selon MM. Brun et Vaugeois, «des dérapages», comme sur les questions d'accommodements raisonnables qui ont secouées le Québec dans les derniers mois.
Mais pour M. Brun, une seule conclusion : la situation actuelle «est intolérable». Il faudra, un jour, réparer l'injustice envers le Québec, estime-t-il. Ainsi, il encourage le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, qui a annoncé la semaine dernière son souhait de rouvrir le débat constitutionnel. «La seule autre option, c'est de faire la souveraineté du Québec», conclut le constitutionnaliste.


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