Michel Corbeil -
Lucien Bouchard aurait payé pour connaître cela. Jacques Parizeau, l'infatigable et flamboyant souverainiste, est devenu un travailleur de l'ombre, humble serviteur de la cause et employé de soutien pour le chef du PQ.
Depuis qu'il avait démissionné de la présidence du PQ, au lendemain du référendum de 1995, celui que les indépendantistes ont toujours appelé avec respect "Monsieur" avait hérité d'un autre surnom. Pour plusieurs, il était la "belle-mère".
Ses critiques contre son successeur immédiat, Lucien Bouchard, ont fait les délices des chroniqueurs. Même si Bernard Landry tentait de le ménager, le chef péquiste déchu a hérité de sa part d'attaques de "Monsieur".
Puis, André Boisclair a été élu.
L'arrivée du simple soldat Parizeau est passé inaperçue pour la bonne raison que celui-ci ne se fait plus voir.
Le soir de l'élection d'André Boisclair, en août, dans Pointe-aux-Trembles, Jacques Parizeau était l'orateur-vedette invité. Les stratèges péquistes ont suggéré que c'était l'heure de gloire de son jeune héritier, André Boisclair.
La conjointe de M. Parizeau, Lisette Lapointe, voulait que son illustre mari rencontre les journalistes après son discours. Après un moment de réflexion, Jacques Parizeau a tranché. Il ne s'adressera pas aux médias.
Son allocution prononcée, il s'est glissé à l'extérieur de la salle et a quitté discrètement. "Il ne voulait pas faire d'interférence. C'est tout à son honneur."
Si "belle-mère" il y a, c'est maintenant Bernard Landry, suggère-t-on au PQ. Plusieurs rappellent au Soleil que M. Landry avait, lui, inauguré la campagne d'André Boisclair, lors de l'élection complémentaire, l'été dernier. "Un discours interminable, où il avait attaqué les libéraux, critiqué les finances publiques et où il n'avait pas parlé d'André", rapporte l'entourage de M. Boisclair.
Les organisateurs ont constaté à quel point M. Parizeau s'est fait discret, lors de l'investiture de sa conjointe. "Je vous la présente. Vous la connaissez. C'est une femme remarquable", a résumé un militant présent à la "convention" dans Crémazie.
"M. Parizeau est un bon soldat, se réjouit un proche de l'actuel dirigeant du PQ. Beaucoup de militants l'appellent encore. Je suis certain que certains ont dû lui demander de faire pression pour remplacer André. Je ne doute pas qu'il les a calmés."
André Boisclair contacte fréquemment Jacques Parizeau, souligne le cabinet du chef de l'opposition. "''Monsieur" joue un rôle de consultant officieux", fait-on savoir. La semaine dernière, M. Boisclair a confié à l'animatrice Christiane Charrette, de Radio-Canada, qu'il a demandé conseil à son aîné pour traverser la tempête entourant son leadership.
Jacques Parizeau conserve une grande influence au sein du PQ. Il est l'inspirateur de la faction dite des souverainistes "purs et durs".
Jeudi, il a fait la démonstration qu'il peut faire oeuvre utile loin des caméras. C'est lui que le PQ a envoyé chez Bernard Drainville pour convaincre le chef du bureau politique de Radio-Canada à l'Assemblée nationale de se présenter comme candidat péquiste, aux prochaines élections générales.
"Je ne pensais pas qu'il avait un rôle de cette nature", commente Jean-François Lisée, universitaire, analyste et ancien conseiller de l'ancien chef du PQ. "Je pense que c'est un très bon signe pour M. Boisclair.
"Ça montre vraiment qu'il y a un senior du parti qui est prêt à donner de l'énergie pour faire des approches. Juste ce détail, du rôle de M. Parizeau dans la campagne Boisclair, contrebalance la sortie de Bernard Landry."
Jacques Parizeau est âgé de 76 ans. C'est probablement le politicien qui a le plus fait courir les... jeunes. Ses sorties sur les campus sont toujours des événements. Il a fait la tournée des cégeps à plusieurs reprises, notamment durant les campagnes électorales.
Le Parti québécois n'aurait pas encore décidé s'il demandera au vieux soldat de se jeter dans la prochaine mêlée électorale. Si sa santé le lui permet, la tentation sera grande.
klavoie@lesoleil.com