Fort éclairant que cet article de Noémi Mercier, paru dans la revue L’actualité de février 2011 : « Le tableau de la discorde ». C’est un commentaire spécialisé d’une toile du peintre Charles Huot trônant à l’Assemblée nationale : « Le débat sur les langues. » L’historienne de l’art Johanne Chagnon, qui conseille la journaliste dans sa présentation de ce tableau illustrant les débats houleux dans le premier Parlement de la province du Bas-Canada (1793), le qualifie de « moment fort d’affirmation nationale et culturelle ». On se situe à moins de 35 ans après le brutal assaut de l’Empire britannique sur la population de la colonie française de Nouvelle-France. Genre, notre période actuelle, population infériorisée par le premier référendum de 1980. Débat sur les écoles passerelles où la députation aux aspirations françaises part menottée par la Cour Suprême devant l’actuel gouvernement aux tendances assimilationnistes.
Les frustrations qui allaient culminer 40 ans plus tard dans la rébellion des Patriotes sont déjà illustrées dans ce « tableau de la discorde ». Si les élus de langue française sont encore majoritaires en nombre, le plan de domination des conquérants anglais apparaît déjà dans les têtes pointées sur le tableau de Huot.
John Richardson s’objecte à la convention de la rédaction des textes dans les 2 langues. Il voudrait que seul l’anglais ait force de loi. Il faut 3 jours de discussion pour que les Canadiens (français) obtiennent les 2 langues sur un pied d’égalité. Mais Londres aura le dernier mot, ramenant le français au niveau de langue de traduction. (les 2 langues sur un même pied d’égalité, c’est les 2 pieds sur notre langue, disait Chartrand)
James McGill, l’homme d’affaires (fourrure) le plus riche de Montréal, siégeait à cette chambre, soumise au veto du Conseil législatif dont les membres étaient presque tous britanniques. Sa succession donnera lieu à la fondation (1821) de l’Université McGill, présage à la domination anglaise de l’éducation supérieure au Québec.
Joseph Papineau, membre de cette assemblée vit sa renommée surpassée par son fils Louis-Joseph, chef des Patriotes. C’est lui que le premier ministre Honoré Mercier (1890) choisit pour figurer sur le tableau qui trônerait à l’Assemblée. Or au moment d’accrocher la scène du rassemblement patriotique de St-Charles-sur-Richelieu du 23 octobre 1837, un autre premier ministre officiait : Charles-Eugène Boucher rejeta la toile, jugée « trop révolutionnaire ».
Michel Chartier de Lotbinière, un autre député pointé sur le tableau. Fier défenseur de sa langue toute sa vie, il fit confiance à l’anglais : « …nous ne voudrions pas que notre langage vint à bannir celui des autres sujets de Sa Majesté, mais demandons que l’un et l’autre soient permis. » (quand nous parlons anglais, ils n’ont pas besoin d’apprendre le français)
Jean-Antoine Panet, fort de la majorité d’expression française, est nommé orateur (président d’assemblée), en dépit de son unilinguisme français. Il s’en excuse auprès du lieutenant-gouverneur : « Je supplie Votre Excellence de considérer que je ne puis m’exprimer que dans la langue primitive de mon pays natal et d’accepter la traduction en anglais de ce que j’aurai l’honneur de lui dire. »
Le public spectateur de la tribune. « Peu de Canadiens ont pris la peine d’apprendre l’anglais » se plaint un député (anglo), constatant que les débats dans la langue de Shakespeare échappent à plusieurs visiteurs.
Le Château Saint-Louis, résidence officielle du gouvernement de la Nouvelle-France pendant plus d’un siècle, rasé par les flammes en 1834, puis enterré par les autorités britanniques, fit place à une plateforme en bois, qui, précédant la terrasse Dufferin, porta d’abord le nom de Lord Durham. Cependant, presque à l’insu des députés anglais, l’artiste Charles Huot fait transparaître dans un vitrail de l’assemblée l’architecture de ce Château.
Armand La Vergne (1910) jeune député nationaliste force les entreprises de services publics à fournir à leurs clients du Québec des documents bilingues (au lieu d’unilingues anglais) « moment fort d’affirmation nationale et culturelle » dit l’historienne de l’art.
Un soubresaut de français à Québec survient en 1968 lors d’une réforme du Parlement. L’orateur (speaker) devient le président, l’Assemblée législative (Legislative Assembly) l’Assemblée nationale, le greffier (clerk) le secrétaire général.
C’est à cette époque que le Québec aurait pu devenir français. Mais, que s’est-il donc passé? Comment nous sommes-nous ainsi rendormis?
Si la population du Bas-Canada fut vite noyée par l’immigration anglaise recommandée par le rapport Durham, le Québec réussit longtemps à se maintenir comme majorité française. Ce qui nous apporta un faux sentiment de sécurité, c’est qu’on nous fit voir notre loi linguistique comme garante de notre avenir. Or la Charte de la langue française étant devenue inopérante à plusieurs points de vue, la partie anglaise de ce pays peut désormais utiliser une autre ruse pour terminer l’œuvre de Durham. Dans un tableau d’économie mondiale dominée par la langue anglaise, on justifie l’objectif caché de bilinguisme dans un leurre de culture multilinguiste pour un avenir plus ouvert offert à notre jeunesse. Et voilà comment notre descendance accepte volontiers l’assimilation salvatrice. Le Québec français n’est plus tant terrassé par les Anglais que par les assimilés. Et ceux qui s’en formalisent encore, les têtes blanches, ne veulent pas mourir sans avoir une dernière fois paradé leurs pancartes devant un Parlement de Carnaval.
Longtemps humilié par l’Anglais
Un Québec qui a failli devenir français
Pays dénigré par les assimilés
Tribune libre
Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles
Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latin...
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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
13 janvier 2011Faute d'avoir sous la main la revue L'actualité, voir la toile de Huot:
http://images.recitus.qc.ca/main.php?g2_itemId=4347