Raconter la naissance de Montréal en évitant les dates douloureuses.

Rue Sainte-Catherine, sous la plume de l’historien.

Œuvre incontournable de Paul-André Linteau, spécialiste, histoire de Montréal.

Livres - revues - 2010

s "La rue Sainte-Catherine, au cœur de la vie montréalaise" (éd. de l’Homme) a été conçu en complément à l’exposition "La rue Sainte-Catherine fait la une" réalisée par Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, en ce début d’année 2011.
Ce qui peut frapper un émotif patriote à l’abord de cet ouvrage, c’est le professionnalisme de l’historien non astreint au mercantilisme des journalistes qui doivent vendre de la copie: il n’agite pas le grelot de nos dates-martyres nationales. Ainsi, il divise l’ouverture de la rue Sainte-Catherine en quatre longues étapes :
1. 1758- 1788
2. 1820-1860
3. 1860-1890
4. 1890-1910
Comme nous avons l’habitude de situer la fondation de Montréal par le Sieur de Maisonneuve à 1642, nous constatons qu’il s’est passé un siècle avant que la bourgade n’ait besoin de s’éloigner du vieux port pour prendre de l’expansion à l’intérieur des terres.

« À Montréal, autour de la vieille ville, les voies rurales, tel le chemin de Saint-Laurent, ont été ouvertes par la grand voyer. Pour le reste, la plupart des rues sont tracées par les propriétaires des terres agricoles. Comme ailleurs au Québec, ces terres ont la forme de très longs rectangles. À partir du fleuve, elles s’étirent sur plus d’un kilomètre vers l’intérieur de l’île. Les rues dans l’axe des terres (nord-sud) sont tracées par le propriétaire, devenu promoteur au moment du lotissement de sa propriété. Il leur donne souvent son nom ou celui de membres de sa famille. Pour les voies ouest-est, comme la rue Sainte-Catherine, l’opération est plus complexe, car elles traversent un grand nombre de terres. Il faut alors convaincre chaque propriétaire de participer à l’ouverture de la rue et de tenir compte de l’axe choisi par ses voisins. Certains se font tirer l’oreille et il faut parfois faire intervenir les autorités et même recourir aux tribunaux… » p.16

Ce chemin Saint-Laurent fixant déjà le centre géographique est-ouest de la ville, aujourd’hui connu comme le boulevard Saint-Laurent, l’auteur situe d’emblée sur un schéma ses quatre étapes d’ouverture des tronçons de la rue Sainte-Catherine, de part et d’autre du faubourg Saint-Laurent. Sans jamais mentionner le tragique événement de la Conquête, il démontre que l’étape "numéro 1" se déroule par tronçons, de façon discontinue :
« …un premier apparaît vers 1758 et d’autres s’ajoutent en 1762, puis en 1782, 1785 et 1788. À la fin du XVIIIième siècle, la voie, d’une largeur de 24 pieds, relie les rues Saint-Alexandre et Sanguinet. Vers l’est, elle est peu à peu prolongée, au moins jusqu’à la rue Panet, par des chemins privés, devenus publics dans les années 1820.
À l’ouest de la rue Saint-Alexandre, l’ouverture de la voie est faite plus tardivement. Il faut attendre le début des années 1840 avant qu’elle arrive à l’avenue McGill College (autrefois Sainte-Monique); peu après, elle rejoint la rue de la Montagne. Pendant la décennie suivante, elle est prolongée vers la rue Guy, puis jusqu’aux limites ouest de la ville, à l’avenue Atwater.
Plus à l’est, le segment entre l’avenue DeLorimier et la rue Fullum, complété en 1863, est prolongé jusqu’à la rue du Havre dans la décennie suivante. Vers 1890, plusieurs tronçons de la rue Sainte-Catherine sont déjà tracés dans Hochelaga et dans Maisonneuve, mais il faut attendre la première décennie du XXième siècle pour qu’elle soit entièrement aménagée jusqu’à la rue Vimont. »p.19-20

Entre patriotes, nous remarquons quand même que cette hésitation dans le développement vers l’ouest coïncide avec le passage du Régime Français au Régime Anglais. Les nouveaux maîtres des lieux, forts de leur « supériorité ethnique », n’interviennent pas dans les transactions privées visant à améliorer la voirie publique. L’explosion urbaine vers l’ouest se produira après la rébellion des Patriotes (1837), le rapport Durham (1839) et l’Acte d’Union (1840). Intéressant, pourtant, de retrouver ici, entre 1833 et 1836 le premier maire de Montréal en Jacques Viger. Il avait d’abord, en tant qu’Inspecteur des grands chemins, entrepris le drainage et le réseau des rues pour l’assainissement des faubourgs.(aussi érudit, collectionneur, fondateur Société historique Mtrl)
L’étape "numéro 2" de l’ouverture de la rue, selon Linteau (1820-1860), désormais fort avancée, ne mentionnera pas non plus l’installation du Parlement d’Union sur la Place d’Armes à Montréal. On y fait aussi peu de cas du fait que la population d’expression française (19,000) est déjà noyée dans la population d’expression anglaise (43,000). Because immigration d’après Durham. C’est à cette époque que les familles endeuillées des Patriotes parvinrent presque à obtenir la même compensation qu’eurent celles du Upper Canada. Ceci causa la colère de la population anglophone qui ne pouvait tolérer de « payer pour des gens qui se sont révoltés contre l’Empire ».
Ce n’est pas le fruit du hasard non plus que les étapes "numéro 3 et 4" (1860-1910) , ouvrirent la rue Sainte-Catherine de nouveau vers l’est. Il s’agissait de servir les usines nécessitant de la main d’œuvre peu qualifiée : savon, coton, sucre, tabac, bateaux, chemin de fer…
Sombre destinée que de parler français en Amérique!
Heureusement, l’auteur historien ne s’arrête pas là… Il décrit la progression constante de la rue Sainte-Catherine, avec ses hauts et ses bas. Les grands magasins et petits commerces du vêtement par les Juifs. Le nouveau Centre-Ville. Le haut lieu du divertissement. Le foyer de la mode et de la culture. Sa dernière phrase : À chaque lecteur de compléter son histoire en y greffant sa propre mémoire de la rue.
Que d’ignorance nous vaincrons en dévorant maintenant cet autre titre de Paul-André Linteau: "Histoire de Montréal depuis la Confédération", et bien sûr aussi : "Histoire du Québec contemporain".
Faits troublants nous rappelant que le sort du Québec entier se lit dans celui de Montréal. Quand nous aurons renoncé à la langue française, nous n’aurons plus de Cause. Nous serons canadians. My tailor is rich.
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Squared

Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles

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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.





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3 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    29 décembre 2010

    @ Hastings,
    Ce n'est pas le sens que je donne à ma phrase. Si vous avez continué à lire, vous avez vu que l'auteur raconte les étapes d'ouverture de la rue en faisant abstraction totale des événements politiques qui ont marqué à jamais notre destin à cette époque. Comme il a déjà écrit l'histoire de la ville, il ne s'en est sans doute pas privé alors, puisque son sujet de thèse avait été "l'immigrant" à Montréal, si je me rappelle. Sans l'avoir connu auparavant, je ne voudrais pas être vecteur d'attaque de révisionnisme sur lui gratuitement.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 décembre 2010

    Qui ne connaît pas la rue Sainte-Catherine? Tous peuvent affirmer , visiteur du Québec ou de quelqu'autre Pays que ce soit, avoir déambulé sur la "Catherine" à la recherche d'un bar coquin, d'un magasin "fashion", d'un resto connu, de commerces qui l'ont fait et la font encore, ou simplement pour voir le va-et-vient continuel d'une foule bigarrée qui ne se lasse pas de la "marcher".
    La renommée de cette rue légendaire, faite de multiples parades de la Saint-Jean, de père Noël, aux marches de protestations anti-guerre, marche pour un Montréal EN FRANÇAIS, ou pour que le CHUM se fasse enfin, et tant d'autres, cette rue légendaire, qui à l'est de Saint-Laurent était jusqu'à une quinzaine d'années passées, strictement de langue française dans son affichage et par les résidents qui y habitaient, a perdu aujourd'hui, et ce très profondément à l'est de Saint-Laurent, ce caractère français qui l'a si longtemps distingué d'autres grandes artères de Montréal.
    Mais qui connaît bien le caractère historique de la rue Sainte Catherine? Peu de visiteurs et je dirais, peu de Montréalais. L'occasion est belle aujourd'hui de se renseigner. Ouhgo nous a fait connaître le livre de Paul-André Linteau "La rue Sainte-Catherine, au cœur de la vie montréalaise" et l'exposition qui en découle. Son résumé explicite et concis, nous incite incontestablement à visiter ladite exposition "La rue Sainte-Catherine fait la une" réalisée par Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, en ce début d’année 2011.
    http://www.pacmusee.qc.ca/fr/expositions/la-rue-sainte-catherine-fait-la-une
    Nous avons ici une occasion formidable de bien intégrer l'histoire de cette rue et de continuer à en revendiquer tout ce qui doit la faire dans cette 2e décennie du XXI siècle.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 décembre 2010

    Vous écrivez :
    « Sans jamais mentionner le tragique événement de la Conquête...»
    Je suis heureux de constater que la ville de Québec n'a pas le monopole des historiens "révisionnistes".