Un premier tour d'horizon

Les chiffres du journal La Presse annonçaient un balayage libéral. Il n’a pas eu lieu.

Chronique d'André Savard


Le taux de participation à ces élections a sombré dans un creux jamais vu depuis 1927. Il y avait une stupeur historique devant l’arbitraire du déclenchement de cette campagne. Le vrai thème dans les conversations courantes était de savoir comment éviter des élections aussi rapprochées : voter pour un gouvernement majoritaire ou négliger de se présenter dans l’isoloir.
La population désavouait les élections et se sentait armée d’un scepticisme inguérissable. Il régnait un désengagement soupçonneux. Et Charest comptait sur ce nihilisme commode.
Du début jusqu’à la fin, justifier la tenue des élections par l’économie n’a pas convaincu. Puis un événement est survenu qui a mis une division en pratique et qui l’a donnée cruellement à voir. Stephen Harper a fermé le parlement fédéral parce que les députés québécois y détenaient la balance du pouvoir. Il aura dévoilé encore une fois la prodigieuse tromperie du gouvernement fédéral prêt à représenter la nation québécoise au-delà de ses élus légitimes.
Les sondages de vendredi publiés par La Presse montraient une avance de seize pour cent pour les libéraux. Pourtant une majorité avait donné Pauline Marois gagnante du débat des chefs. En outre, le taux de satisfaction à l’endroit du gouvernement Charest était récemment en chute libre.
Le sondage d’Angus Reid cerna mieux le vivier qui se constituait au Québec. Le Parti Québécois a rebondi et gagné du terrain tant en termes de comtés que de suffrages populaires. Il a pris vingt des comtés perdus par l’Action Démocratique. Les chiffres du journal La Presse annonçaient un balayage libéral. Il n’a pas eu lieu.
Le paradoxe était le suivant en fin de campagne : Charest allait gagner la course alors qu’on jugeait son bilan de plus en plus effrayant à mesure qu’on le considérait davantage.
Par rapport au Fédéral, le mandat renouvelé de Charest désigne surtout de nouvelles promesses d’échecs. En échange d’ententes administratives, il reste à savoir si Charest promettra en contrepartie sa soumission à de nouvelles normes pancanadiennes. Reste à voir si on assistera dans les mois qui viennent, à la mise au tombeau de certaines institutions québécoises comme la Commission des Valeurs mobilières.
***
Avec cette victoire courte, le premier ministre s’incruste et le chef de l’opposition annonce son départ. Il est temps des bilans pour Dumont. Bon communicateur, Mario Dumont en arrivait parfois à faire oublier son inconséquence comme nationaliste. Il s’est voulu de droite comme s’il s’agissait des intentions d’une marque.
Il chercha ses alliés à Ottawa et dans la bonne vieille droite canadienne. Son nationalisme a fortement pali. Les années suivant le référendum présentèrent les tours et détours d’un long fourvoiement.
Le rapport Allaire dessinait un programme ambitieux de refondation de l’Etat québécois. Mais les principes, convictions, et espérances du jeune homme qui voulait émanciper le Québec de son statut provincial ont subi ensuite des éclipses et des contradictions.
Dumont préféra faire son pain avec des marottes. Il revenait sans arrêt sur l’abolition des Commissions Scolaires tout en sachant qu’il lui faudrait recréer un palier administratif pour hériter des nombreuses fonctions assumées par les Commissions Scolaires.
Dumont avait certes une grande force de caractère mais elle fut fort peu utilisée pour façonner l’union sacrée nationaliste. Dumont laisse un espace à conquérir.
Nous voyons Jean Charest qui prolonge son effort de récupération. Il essaiera de reprendre la rhétorique nationaliste et ce thème d’union sacrée face à l’urgence économique.
Dans son discours de remerciement, Charest a parlé de la nécessité que le Québec occupe toute la place qui lui revient au Canada et dans le monde. Chez les fédéralistes, ce genre de discours alterne habituellement avec des discours sur l’oubli de soi-même ou sur la solidarité interprovinciale.
Charest comme les autres ténors fédéralistes s’inquiètent du « nous » québécois mais il ne s’inquiète pas du « nous » des états-majors du Canada, autant du Fédéral que ceux des provinces anglaises. Charest dit qu’il est le premier ministre de tous les Québécois. Alors on s’attend à ce qu’il ne puisse tolérer le geste de Harper qui mine en profondeur les postulats de la raison démocratique.
S’il veut être un vrai premier ministre d’une majorité de Québécois, il devra cesser de dire que les « vrais problèmes » commandent la soumission du Québec à un espace économique plus large sous les auspices du Canada. Il devra cesser de prophétiser sur la place grandissante du Québec tout en prônant la soumission à l’ordre existant. Il devra cesser de limiter son offre de service en se cachant derrière la fonction traditionnelle d’un premier ministre d’une province.
André Savard


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    9 décembre 2008

    On peut dire que le PLQ très provincial de M. Charest se fait élire par 90 % de votes anglophones et/ou ethniques et de l'argent dans sa grosse caisse, venant de la droite économique, mais aussi par 50 % de francophones fédéralistes qui ne veulent rien savoir de l'indépendance pure et dure du Québec du genre préconisé par le PI dont le candidat de Borduas a reçu seulement 200 votes après avoir mené une assez bonne campagne électorale dans son comté. Ça ne semble pas s'être tellement mieux passé dans les autres comtés où le PI a présenté des candidats.
    De leur côté, les gauchistes du Québec solidaire étaient contents d'élire M. Khadir mais ne semble pas découragés de coller au fond à 4 % des votes au niveau provincial. Tant mieux pour leur moral qui semble collé au plafond.
    Fait que, pour ne pas finir frustrés, les Québécois devraient chercher une solution originale nationaliste pour le Québec qui tiendrait compte des désirs des 2 camps, fédéraliste et souverainiste, même si ça semble difficile à réaliser. Une solution du centre qui éliminerait le tout ou rien des extrémistes "TOUT AVEC LE CANADA OU RIEN AVEC LE CANADA".
    Ce n'est pas avec le 35 % du PQ plus le 4 % de Québec solidaire que le Québec va devenir un pays même si c'est scandé dans certaines assemblées.