Beaucoup de gens, même chez les fédéralistes, ont caractérisé Stephen Harper comme étant autocratique et odieux. Cependant, la question n’est pas une affaire de personnalité. Les événements récents montrent comment va le Québec de suppression en suppression dans l’exercice de ses droits. On en vient présentement à contrer le suffrage universel québécois au nom du fédéralisme et des intérêts supérieurs de la nation canadienne.
Le Canada nous accorde le suffrage universel mais son premier ministre nous assure le contrôle de cette liberté. Quelle forme de liberté détient la nation québécoise et ses représentants si ce principe dit d’unité canadienne constitue la racine des droits que nous sommes censés avoir?
Nous nous sommes tant fait bassiner les oreilles avec les libertés canadiennes. Stephen Harper, fier de l’héritage britannique du Canada, a souvent dit que la monarchie constitutionnelle balisait le pouvoir. Il est sorti de la demeure de la vice-reine, tout fier de dire qu’il venait d’être autorisé de fermer le parlement. Pour lui, la situation autorisait un geste en vertu d’un critère ou d’une vérité plus grande que la légitimité habituelle des élus. Ce critère ou cette vérité c’est le pays ou l’unité nationale.
Dès qu’on avance des raisons comme celle-là, un premier ministre canadien peut donc justifier les décisions extraordinaires qu’il peut prendre. Les implications placent toute la nation québécoise en plein arbitraire. Des représentants québécois dûment élus ne devraient pas appuyer une coalition même si les libertés canadiennes l’y autorisent formellement. Pourquoi ce cordon sanitaire?
Le parlement canadien ne peut tirer sa légitimité démocratique qu’en reflétant le paysage politique des nations canadienne et québécoise. Maintenant Harper dit que des groupes de députés, les fédéralistes appuyant l’annexion du Québec au Canada, doivent détenir une position privilégiée. Le mot “pays” devenu fondement et origine du droit permet à son premier ministre d’échapper aux règles dès que les prérogatives souveraines du Canada sur la province de Québec sont par hypothèse remises en jeu.
Le premier ministre a fermé le parlement canadien. Il a évoqué dans un discours à la nation ce qui l’autorisait à recourir à cette mesure d’exception. Un groupe de députés allaient détenir la balance du pouvoir au sein d’une coalition gouvernementale.
Or, selon le premier ministre, toute balance du pouvoir détenue par des députés indépendantistes constituent en soi un pouvoir exagéré. Au sortir de sa rencontre avec la gouverneure-générale, Stephen Harper a affirmé que des députés qui disent s’exprimer au nom de la nation québécoise plutôt qu’au nom du Canada ne pouvaient servir de base première à des politiques nationales et que leurs conseils ne sauraient être écoutés en priorité.
Le premier ministre Jean Charest a répondu à ce geste d’autorité abusif en disant que tous les Québécois méritent d’être respectés. C’est un voeu bien faible par rapport au geste d’autorité du premier ministre canadien et au composé de motifs ultranationalistes canadiens sur lequel il se fonde. L’expression “unité nationale” est utilisée comme seuil qui trace ou efface les limites que peut franchir l’autorité du premier ministre.
Au Québec, on a mal mesuré la portée de ce geste d’autorité qui est en soi une violation des libertés fondamentales. Le mot vous semble trop fort? Comment un premier ministre peut-il décréter que des députés ont un pouvoir exagéré alors que le pouvoir assigné aux représentants de l’opposition procèdent des normes parlementaires et non pas du bon vouloir du premier ministre?
On est dans la situation où le Québec doit absolument réagir en fixant les limites du pouvoir fédéral et des prétentions du premier ministre canadien. On nous dit qu’on a le droit d’élire des députés mais qu’ils n’appartiennent pas à la même classe parce qu’il faut défendre le Canada dans sa tradition légitime. Ce n’est plus seulement de pouvoir fédéral de dépenser qu’il s’agit ou d’envahissement des compétences. On dit que le parlement fédéral doit représenter l’unité d’un genre, une sorte d’individu, l’individu canadien qui jouirait d’une préséance sur l’individu québécois souverainiste.
À compter de maintenant, le premier ministre canadien peut compenser le suffrage universel et en limiter les abus en appliquant ce partage comme critère. Pour justifier l’abus d’autorité du premier ministre canadien, on prend un langage catastrophiste. Tout le monde au Canada a parlé de “l’éclatement du pays”. Pourtant les Canadiens sont maîtres de décider du lien qui les soudent entre eux. Ils pourront rester unis autant qu’ils le veulent advenant la souveraineté du Québec.
Si Jean Charest est élu lundi, Stephen Harper se frottera les mains. Il dira que son coup de force a été salué par l’élection du premier ministre québécois le plus fédéraliste jamais connu. C’est ainsi que Harper a qualifié Charest dans le passé. Quant à Charest, il entend rester ce qu’il est.
André Savard
Autopsie d'un abus
Autopsie de l’abus d’autorité du premier ministre canadien
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