PARTI QUÉBÉCOIS

Un homme et son parti

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La volonté de puissance

En tant que chef du Parti québécois, Jacques Parizeau a toujours eu des relations le plus souvent harmonieuses avec les militants. Une des principales raisons de cet état de choses, c’est que personne ne pouvait douter de sa foi indépendantiste. Pierre Karl Péladeau donne la même impression aux membres du PQ, ce qui constitue pour lui un atout indéniable pour diriger un parti reconnu pour sa turbulence.

Lors de sa première élection à titre de chef du Parti québécois en 1989, Jacques Parizeau n’a pas misé sur la souveraineté.

Il n’a pas fait comme Bernard Landry, qui avait promis en 2002 l’accession à la souveraineté dans 1000 jours. Un an plus tard, l’échéance était reportée : il fallait bien l’ajuster, puisque le PQ, ayant perdu le pouvoir, se retrouvait dans l’opposition. « La population, dans sa sagesse, nous a donné 2000 jours, le double », avait déclaré Bernard Landry, qui n’avait pas son pareil pour enjoliver la plate réalité devant ses militants.

Lors de la campagne électorale de 2007, de triste mémoire pour le PQ, le chef André Boisclair s’était engagé à respecter le programme du parti et à tenir un référendum le plus tôt possible dans le mandat. Personne ne croyait à cette prétention, mais ça n’a pas empêché Jean Charest de faire du scrutin une élection sur le référendum.

Non, Jacques Parizeau, à cette époque où Robert Bourassa projetait de renouveler le fédéralisme avec l’accord du lac Meech, ne proposait pas de faire l’indépendance, mais défendait plutôt l’idée de référendums sectoriels pour arracher à la pièce des pouvoirs à Ottawa. Cela ressemblait davantage au beau risque de René Lévesque qu’à la souveraineté. Qu’à cela ne tienne, les militants étaient prêts à accepter tous les détours stratégiques et tactiques de leur chef, convaincus que sa foi était intacte et qu’il poursuivait, sans fléchir, son objectif de faire du Québec un pays souverain.

Après Meech

Ce n’est qu’à l’approche de l’élection suivante de septembre 1994, alors que l’accord du lac Meech était mort et enterré, que Jacques Parizeau promet de tenir un référendum sur la souveraineté dans les huit à dix mois suivant la victoire du PQ. Certes, les résultats de l’élection ont jeté une douche froide : les libéraux, avec à leur tête un Daniel Johnson dont la fadeur rivalisait avec l’infatuation, avaient récolté 44,4 % des voix contre 44,7 % pour le PQ, un mince écart d’à peine 14 000 voix, alors que les stratèges péquistes s’attendaient à un score avoisinant les 50 %.

Bien que tout le monde ou presque lui conseillât de renoncer à son engagement de tenir un référendum, Jacques Parizeau a décidé de maintenir le cap. En fait, sa doctrine, c’était de tendre l’arc, rappelle-t-on, la seule façon de pouvoir un jour tirer la flèche. Il fallait ne jamais laisser entendre qu’il pourrait ne pas y avoir de référendum, il fallait affirmer qu’il aura lieu de toute façon, quoi qu’il arrive. Quitte à passer pour téméraire, irréaliste, entêté. Secrètement, Jacques Parizeau se gardait toutefois la possibilité de mettre les freins. Mais il ne fallait surtout pas que ça se sache.

À sa façon, Pierre Karl Péladeau tend l’arc. Il affirme qu’il est entré en politique dans un seul but : faire du Québec un pays. Un pays riche. Gouverner une province ne l’intéresse pas. C’est ce qu’il dit aujourd’hui, un message d’autant plus crédible qu’il a abandonné une existence de magnat milliardaire et tout-puissant ainsi que la possibilité de mener une vie familiale plus normale. Il y a une adéquation parfaite entre son discours volontaire et les sacrifices qu’il s’est imposés.

Ralliement

Les militants le croient. Cela explique sans doute qu’aucun mouvement anti-PKP n’a vu le jour au sein du parti après sa victoire. Pendant la course à la chefferie, des partisans de Martine Ouellet et de Pierre Céré menaçaient de déchirer leur carte de membre si ce candidat associé à la droite devenait chef du PQ. Pour la plupart, les militants d’Option nationale ou de Québec solidaire, attirés au PQ par les Ouellet, Céré et, au début, Jean-François Lisée, sont restés au parti, rapporte-t-on. Pierre Karl Péladeau démontre une capacité de retenir ces militants qui dépassent pour l’heure les prédictions de la gauche au PQ. On donne la chance au coureur.

L’expression est trop forte pour Pierre Dubuc, du SPQ Libre, qui a publié durant la course à la chefferie un livre très critique du baron médiatique, PKP dans tous ses états. Le militant, qui a appuyé Martine Ouellet, dit plutôt que le chef péquiste est en observation. Ainsi, le SPQ Libre attend de voir quel appui Pierre Karl Péladeau accordera au Bloc québécois. Déjà, le député de Saint-Jérôme avait douté de l’utilité de cette formation politique pour ensuite affirmer récemment qu’elle n’était pas morte. Les relations entre le Bloc et le PQ ne sont pas évidentes : le chef du Bloc, Mario Beaulieu, aurait voulu que le PQ envoie un courriel à ses membres pour les convier à son investiture dans la circonscription de La Pointe-de-l’Île dimanche dernier ; le parti frère n’en a rien fait, déplore Pierre Dubuc. Le chef péquiste y a toutefois fait un saut de puce.

En outre, le SPQ Libre veut que Pierre Karl Péladeau affirme son opposition au projet d’oléoduc de TransCanada plutôt que de rappeler, comme il l’a fait jusqu’ici, qu’il s’agit d’une compétence exclusive du gouvernement fédéral. Sa position sur les négociations du secteur public est également attendue. On le voit : PKP devra passer des tests de social-démocratie.

À Québec, Pierre Karl Péladeau s’aventure là où les autres chefs péquistes n’osaient guère. Il accepte les invitations des radios privées qui sont résolument fédéralistes et ouvertement antipéquistes. Chaque fois, il s’en tire sans égratignure, usant d’un bagout populaire qui fait mouche pour parler, certes, du pays et des mérites de s’occuper de nos affaires, mais aussi de sa conjointe Julie et de son mariage prochain ou encore du retour des Nordiques.

Pierre Karl Péladeau parle donc des vertus de l’indépendance et des désavantages du fédéralisme canadien, mais il reste vague sur l’enjeu du référendum, sur le quand et le comment. À ce sujet, sa position est toutefois semblable à celle de Lisée : il faut travailler à faire mousser l’option d’ici 2018 et annoncer s’il y aura référendum ou non six mois avant l’élection. En 2018, tendra-t-il encore l’arc ?

On ne sait pas encore comment il parviendra à contrer la stratégie éprouvée des libéraux, qui est de faire en sorte que l’élection soit un référendum sur le référendum. Soixante pour cent des électeurs s’opposent à la souveraineté, mais les trois quarts ne veulent rien savoir d’un référendum sur la souveraineté. Solide fonds de commerce des libéraux sur lequel ils se sont appuyés pour battre les péquistes. À répétition.


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