Un gnome d'État

Tribune libre

La grève étudiante a déjà duré trois mois. Trois mois. Une grève étudiante.
On a dit que Jean Charest est à la tête d’un gouvernement illégitime, on peut discuter de sa légitimité mais il a été démocratiquement élu. On peut cependant affirmer que Jean Charest est un leader faible.
Je me demande ce que pense, par exemple, le président de la France quand il rencontre Jean Charest. La France est un État possédant l’arme nucléaire, la France entretient des liens diplomatiques avec Israël et les pays arabes, La France et l’Allemagne portent sur leurs épaules le destin de l’Europe. Le président de la France joue dans la cour des grands. Jean Charest est embourbé dans un conflit étudiant. Sarkozy se disait-il secrètement, en rencontrant Charest : “Casse-toi, pauvre con”?
Imaginons que Lucien Bouchard soit présentement premier ministre du Québec. N’aurait-il sermonner les leaders étudiants? Jouant de sa stature et de son autorité morale, ne leur aurait-il pas fait honte d’être en grève? On dira ce qu’on voudra de Bouchard, il a quand même imposé le déficit zéro en préservant une relative paix sociale.
Imaginons que Robert Bourassa soit premier ministre aujourd’hui. Ne pourrait-on imaginer qu’il aurait négocié avec les étudiants, qu’il leur aurait sorti des déclarations qui veulent tout et rien dire et même le contraire où chacun aurait vu une façon de sauver la face? Les étudiants seraient retournés en classe et, quelques mois plus tard sans doute, certains d’entre eux, mais pas tous, auraient eu l’idée que, peut-être, ils s’étaient fait un peu fourrer, mais peut-être pas vraiment.
Et comment le froid Harper aurait-il géré cette crise?
Jean Charest, comme un risible apprenti sorcier, a tenté de laisser le conflit s’envenimer en espérant en récolter les fruits politiques, et aujourd’hui la situation est pire que jamais.
Jean Charest dépose une loi spéciale pour protéger le droit à l’éducation. Voilà, le droit à l’éducation, cette formule, ce slogan, sera ce qui lui servira de pensée politique pour les prochaines semaines jusqu’à que ses faiseurs d’images lui pondent quelque chose d’autre. C’est ce qu’il répétera comme un autiste en réponse à toute question.
Aujourd’hui, c’est le droit à l’éducation ; hier, c’était “Nous sommes prêts” et “Les deux mains sur le volant” et “On ne veut pas envoyer les criminels à la télévision, mais en prison”. Le slogan comme pensée politique. L’abrutissante pensée politique de Jean Charest est à la pensée politique ce que le slogan publicitaire est à la philosophie.
Pourrait-on dire que l’éducation a été au Québec un instrument d’émancipation nationale pour un peuple qui était, il y a soixante ans, pauvre et sous-éduqué, un peuple de seconde classe dans son pays? Pourrait-on se demander si l’éducation, avec la recherche et le développement, ne seraient pas l’avenir d’une petite nation face à la mondialisation? Pourrait-on se demander si l’éducation profite plus, autant, ou moins à l’individu ou à la société? Pourrait-on se demander, d’une façon plus pragmatique, comment nous avons l’intention d’utiliser les fonds supplémentaires que nous voulons ajouter aux budgets des universités? Peut-on se demander si il est bien sage de financer presqu’entièrement l’éducation de quelqu’un qui quittera le Québec dès son diplôme obtenu?
Non. Oubliez ces questions. Ces sont des questions d’un homme d’État. Jean Charest n’a pas cette envergure, ni cette stature. Ce n’est pas un homme d’État, c’est un gnome d’État.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    17 mai 2012

    L’homme est blessé et dangeureux, acculé au pied du mur, il fait flèche de tout bois.
    Deux chroniqueurs fédéralistes se sont prononcés dernièrement sur le départ éventuel de Charest que je ne nomme plus messieur depuis belle lurette.
    On lui reproche entre autre de s’être laisser emporter maladroitement à l’Assemblée nationale insinuant que Pauline Marois possédait une colonne vertébrale de Jell-o et ses plaisanteries sur les étudiants expatriés dans le nord lors de l’émeute au Centre des congrès a été la goutte qui a fait déborder le vase.
    Nous faisons les frais de cette lente agonie jusqu’à ce qu’un successeur potentiel se pointe à l'horizon mais hélas, ils démissionnent tous…