Un dialogue par-dessus l'Etat fédéral

Chronique de José Fontaine

Le résultat des élections fédérales belges a fait émerger deux partis très forts, l’un en Wallonie, le PS, l’autre en Flandre, la Nieuwe Vlaamse Alliantie (NVA, Nouvelle Alliance Flamande). Le succès socialiste en Wallonie n’est pas surprenant. En revanche, le triomphe de la NVA en Flandre est une première. Il y a toujours eu en Flandre un conflit entre un catholicisme politique flamand qui se teintait plus ou moins fortement de nationalisme, mais qu’on a longtemps appelé « minimaliste » et un nationalisme flamand surtout implanté dans l’opinion catholique (la Flandre a longtemps été un pays très catholique, contrairement à la Wallonie, vite déconfessionnalisée). Ce nationalisme flamand était considéré comme « maximaliste », visant à l’indépendance de la Flandre ou, en termes plus modérés, à l’autonomie. Les minimalistes l’avaient toujours emporté aux élections sur les maximalistes depuis 1920. La victoire de la NVA et de son intelligent leader Bart De Wever est une première historique. La NVA n’est pas loin des 30% de voix en Flandre et surclasse vraiment les démocrates-chrétiens.
Parce que le Parlement flamand réclame depuis 1999, une extension des compétences des Etats fédérés, parce que les Wallons et les Bruxellois francophones l’ont longtemps refusé, cela a créé des difficultés interminables aux gouvernements fédéraux, surtout depuis 2007. Difficultés encore envenimées par le fait que l’on ne scinde pas (comme cela serait logique), l’arrondissement de Bruxelles-Halle-Vilvorde (entre la partie qui appartient à l’entité régionale fédérée qu’est Bruxelles et la partie de cet arrondissement qui est en Flandre, mais où il y a des minorités francophones). Aujourd’hui, le leader socialiste wallon Elio Di Rupo accepte de discuter avec Bart De Wever qui a d’ailleurs lui-même lancé un appel à un dialogue avec les Wallons et les Bruxellois le soir du triomphe électoral nationaliste flamand.
Le fédéralisme belge a des traits évidents de confédéralisme. Il s’agit là de traits juridiques, comme l’absolue équipollence des normes et le prolongement sans veto fédéral possible des compétences exercées par les Régions sur le plan international. Mais, au-delà de ces traits juridiques, il y a cet accord vite acquis pour négocier au lendemain des élections entre Di Rupo et De Wever. Le politologue gantois Carl Devos estime que cette procédure est une manière d’accepter un confédéralisme de fait entre d’une part les Flamands et, d’autre part, les Wallons et les Bruxellois francophones. Ce confédéralisme de fait n’est pas neuf. Les événements de 1950 l’avaient encore plus brutalement consacré. En mars 1950, un référendum consultatif sur le retour au pouvoir du roi Léopold III donnait une majorité de OUI écrasante en Flandre, alors qu’une imposante majorité de NON s’imposait en Wallonie et une légère majorité de NON également à Bruxelles. On ne tint pas compte du résultat, les OUI flamands engendrant arithmétiquement une majorité « belge » puisque les Flamands sont majoritaires en Belgique (60%). Ce qui provoqua en Wallonie un mouvement insurrectionnel contre le roi, assimilable à un veto d’un des Etats membres d’une confédération. Mouvement si violent qu’il amena le roi à se retirer.
Il n’y a rien qui soit possible en Belgique sans l’accord de la Wallonie, de la Flandre et de Bruxelles. Telle est la leçon de 1950. Pourtant, la Belgique a longtemps été dirigée sans en tenir compte. La bourgeoise francophone a dirigé la Belgique contre les aspirations flamandes sur le plan linguistique. La majorité flamande (incluant longtemps une composante flamande francophone qui s’est flamandisée petit à petit), a écrasé de son poids la Wallonie au point de réserver , pendant la deuxième moitié du XXe siècle, des montants énormes d’investissements publics à la seule Flandre ou, principalement à elle. On dirait que, depuis les dernières élections, au lieu de forcer l’unitarisme belge (tentation de certains Wallons, des Bruxellois, de la monarchie…), ou d’imposer ses vues flamandes parce que l’on est majoritaire, Wallons et Flamands songent que ce serait plus intéressant de dialoguer. Mais dialoguer suppose des interlocuteurs pleinement reconnus, donc des identités - flamande, bruxelloise et wallonne - plus fortes que l’identité belge. Notons qu’il existe de forts courants dans le syndialisme wallon en faveur de cette évolution

Featured 11746605790305d4d2500c52aa75121d

José Fontaine355 articles

  • 382 402

Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé